Jambonews FR - Restons informés

Rwanda : Le point de vue de Filip Reyntjens

Rwanda : Le point de vue de Filip Reyntjens

Chers lectrices, chers lecteurs,

L’ensemble de l’équipe de Jambonews TV a l’immense plaisir de vous annoncer  le lancement d’une nouvelle émission intitulée « Point de vue ».

Rarement  une région et plus particulièrement un pays, le Rwanda n’aura suscité autant de controverses et de polémiques. Entre informations, intox ou désinformations, il est devenu difficile de connaitre la réalité actuelle et historique de la région.

Filip Reyntjens

Face à ce constat et afin de permettre à nos lecteurs de se forger leur propre opinion sur les faits et les enjeux touchant à la région des Grands Lacs, l’équipe de Jambonews TV offrira la parole à différents acteurs de la région.

C’est ainsi que tour à tour, des spécialistes, des témoins, des membres d’ONG, des citoyens, des opposants ou encore des officiels de ces gouvernements seront interrogés par notre équipe.

Progressivement, l’équipe de Jambonews TV envisage d’organiser des débats, entre  ces différents acteurs aux positions parfois contradictoires.

Pour la toute première édition, JambonewsTV  a rencontré Filip Reyntjens, professeur de droit et de sciences politiques à l’université d’Anvers et spécialiste de la région des Grands Lacs.

Filip Reyntjens,  véritable encyclopédie vivante  sur la région, nous a tour à tour à la suite de nos questions donné son point de vue sur toute une série de sujet d’actualité touchant au Rwanda.

La première partie s’est longuement étalée sur le récent rapport de l’ONU décrivant les atrocités commises au Congo. Lorsque nous lui demandons les causes de certaines violences décrites, celles commises par l’Armée patriotique rwandaise,  il cite principalement l’impunité accordée par le TPIR au FPR pour les crimes commis au Rwanda en 1994.

Le professeur nous livre ensuite longuement son analyse sur toute une série d’autres points touchant à la justice pénale internationale, du mécanisme judiciaire  le plus approprié pour juger les crimes décrits dans le rapport aux questions relatives à la CPI tout en passant par les réactions de certains gouvernements africains face à la justice universelle.

Nous avons ensuite évoqué le sujet de l’opposition, il nous explique par quels moyens l’opposition avait disparue au Rwanda et nous entretient sur quelques sujets ayant touché à l’opposition rwandaise en 2010.

Lorsque nous lui demandons de nous expliquer le contenu de la loi de 2008 sur l’idéologie du génocide sur base de laquelle 912 personnes selon Amnesty sont détenues, il s’en avoue incapable, et explique qu’en réalité personne ne pourrait. Il cite un rapport de Human Rights Watch, ayant interrogé des juges rwandais qui avaient condamné plusieurs personnes sur base de cette loi, et ces juges se sont avoués incapables d’expliquer ce que recouvre cette notion d’idéologie du génocide.

Évoquant le dossier de Victoire Ingabire, le professeur refuse de se prononcer sur l’innocence ou la culpabilité de cette dernière car il n’a pas accès à l’ensemble du dossier mais « constate un certain nombre de manipulations dans ce dossier». Au sujet de la nécessité d’une mobilisation parlementaire occidentale, il nous rappelle qu’elle est utile car la communauté internationale est le seul contre pouvoir au Rwanda, l’opposition n’y ayant aucun espace.

Cette interview a également été l’occasion d’évoquer le climat de peur qui règne au Rwanda, les défections au sein du FPR ainsi que les risques d’une nouvelle guerre, notamment les rumeurs faisant état d’une coalition dite « contre nature » entre les Hutu du FDLR et les Tutsi du CNDP autour de l’ancien chef d’Etat major de kagame, le général  Kayumba Nyamwasa .

Au sujet de cette coalition, Filip Reyntjens nous dit que plusieurs indications montrent que cette alliance est entrain de se mettre en place.  Qu’il la voit naitre mais dit qu’elle est dangereuse en ce qu’elle se base sur le principe de « l’ennemi de mon ennemi est mon ami » et ne se base pas sur une idéologie ou un projet commun. On pourrait selon lui vivre le début d’une nouvelle déstabilisation régionale.

Vient ensuite des questions sur les relations Hutu Tutsi, il précise d’emblée que le problème n’est pas qu’il y’ait des Hutu et des Tutsi mais que le problème est l’instrumentalisation des ethnies.  Selon lui, il y’a un constat extrêmement grave à faire,  c’est que les la polarisation ethnique est plus intense que ce qu’elle était il y’a quinze ans.

C’est dû à différents éléments, notamment les Gacaca. Il nous dit connaitre des Hutu qui ont perdu des dizaines de membres de leur famille tués par le FPR, le fait qu’ils ne puissent pas évoquer, leur peine, leur malheur devant les Gacaca crée un sentiment de frustration, de ressentiment voire de haine.

Il pense que le FPR n’a aucun intérêt à diviser les ethnies et que ce n’était pas son intention mais qu’un certain nombre de politiques mises en places y ont contribué et nous en donnent des exemples.

Il cite notamment le fait qu’au niveau de l’appareil étatique, malgré l’apparent équilibre du gouvernement,  un système de quotas inversés est en place au Rwanda en ce que 85% des postes sont pourvus à des Tutsi contre 15% pour les Hutu malgré que les Hutus soient très largement majoritaires dans le pays.

Filip Reyntjens finit par évoquer quelle pourrait selon lui être la solution pour sortir de la crise rwandaise, ce serait qu’un consortium de bailleurs, fassent en partenariat avec le gouvernement du Rwanda une feuille de route visant à atteindre certains indicateurs relativement quantifiables. Comme par exemple combattre les inégalités qui ont augmenté de manière spectaculaire depuis 15 ans. Comme moyen de pression, ce consortium pourrait utiliser celui de l’aide au développement dont dépend fortement le Rwanda.

Selon lui le régime ne peut pas s’auto-amender étant donné qu’il est d’avis le FPR dans un système électoral compétitif perdra le pouvoir et cela, le régime ne peut pas l’envisager.

Le dernier mot a concerné la jeunesse, il a dit partager la frustration de ceux qui désirent participer au développement de leur pays, mais en sont exclus. Il considère qu’au moins tous les rwandais devraient avoir le droit de construire leur pays. Et deux choses sont nécessaires pour construire l’avenir, la démocratie et les droits de la personne.

Et le professeur de conclure que la situation en matière de démocratie et de droits de la personne n’est parfaite dans aucun pays  mais que le problème dit il, est que sur une échelle de 1 à 100 des pays s’approchent de 100 et le Rwanda s’approche de zéro.

Nous vous invitions à visionner l’intégralité de cette interview au cours de laquelle d’autres sujets non mentionnés dans cet aperçu ont été évoqués.

Pour l’équipe de Jambonews TV,

Ruhumuza Mbonyumutwa

Commentaires

commentaires


© 2024 Jambonews