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Gérald Gahima, ou quand les tambours changent de baguettes. Entretien exclusif avec un membre du parti RNC.

Gérald Gahima, ou quand les tambours changent de baguettes. Entretien exclusif avec un membre du parti RNC.

C’est dans le cadre d’une interview accordée à JamboNews, par Mbonyumutwa Ruhumuza (voir l’intégral de l’interview sur le site), dans la capitale belge, que Gerald Gahima a accepté de nous voir, en tant qu’ancien procureur général et vice-président de la Court Suprême du Rwanda. Il est en outre venu pour nous présenter son nouveau parti, dont il est l’un des membres fondateurs (ensemble avec Théogène Rudasingwa, Patrick Karegeya et Kayumba Nyamwasa) : le RNC (Rwanda National Congress).

Et c’est par le biais de cet entretien accordé à JamboNews que je vais tenter de concrétiser mon point de vue, tout en citant, fréquemment et originellement les propos (en anglais), de l’ex-procureur. Cet essai se veut donc un résumé et une brève analyse de son discours.

Gerald Gahima


Tout d’abord, pour ceux qui ne le savent pas encore : Gérald Gahima est en exil. Il a fui le pays suite aux persécutions de la machine FPR, dirigée par l’actuel président rwandais : Paul Kagame. Vous allez me dire : « Quoi, lui aussi a fuit ? C’est que l’heure est grave! ». Et bien oui, l’étau se resserre au sein du No-party Democracy. Loin de moi l’idée de vouloir tourner le couteau dans la plaie. Mais quand même, le président Kagame, ne connaitrait-il donc aucune limite ? Celui-ci est devenu littéralement un rouleau compresseur, broyant tout à son passage avec une arrogance et impunité rares. Qui blâmer? Ah ! Une chose est sûre, il y a un proverbe baoulé (Côte d’Ivoire) qui dit, de l’intérêt des relations que : « c’est là ou l’aiguille passe que le fil passe aussi ! »

Mais revenons à notre ex-procureur, en exclusivité (pour ne pas dire « en exclusion »), Gerald Gahima: ce dernier a accordé de son temps à l’équipe JamboNews pour répondre à nombreuses questions épineuses à bien des égards. Sachez aussi que c’est tout de même une première pour JamboNews d’avoir l’honneur d’accueillir l’avis d’un expert juridique « rwandais » afin de répondre aux questions concernant le climat actuel du Rwanda.

“I have no personal knowledge…about what…how the president died…I know the president was shot down”

Cela ne se déroula pas sans quelques contradictions notoires. A commencer par The question: le fameux attentat meurtrier du président feu Habyarimana Juvénal. Gahima avance:

Attentat contre Habyarimana Juvénal


“I have no personal knowledge…about what…how the president died…I know the president was shot down. He was assassinated, and I support whatever process of justice is undertaken, whether by France or by any other country to establish the truth and bring to justice the people who are responsible for that crime…which I believe contributed to the genocide”

Plus loin, répondant à la question concernant cette fois des crimes commis contre la population Hutu par l’armée FPR avant 1994 et au Zaïre après 1994, Gahima dit que: “while we were in Rwanda (…) we did not know about what was going on in the Congo, of course we knew that the camps had been…attacked (…) but the scale of Human Rights violations was not known to us”. Mais il repositionne ses propos en parlant du rapport de l’ONU que, tout de même « I do not believe that the repport should be dismissed (…) The allegations raised in the repport are very serious (…) I do not have any personal knowledge that there was genocide committed…but there’s no doubt terrible atrocities were committed in Rwanda…euh rather! in the D.R.C against Hutu refugees (…)”

Sur les allégations de massacres contre la population Hutu avant avril 1994, Gahima souligne qu’il y eu d’abord un génocide sur la population Tutsi perpétrée en 1994… « I personally don’t believe that it was organized by president Habyarimana (…) but after his death, I believe that they are people who sat down and organized a systematic genocide against the Tutsi, which was a terrible crime, which I deplore, and which I believe justice is necessary (…) so I think that everyone should acknowledge that this is what happened. So, about violations of Human Rights against members of the Hutu community, again, there’s no debate that there were Human Rights violations against members of the Hutu community during the war and during the genocide. From my own personal knowledge, I don’t think that killings by the RPF prior to April 1994 in Byumba and Ruhengeri as they said…they may have been killings, but they are not as widespread as some people have meant, to my knowledge as far as I know, as they have been made up to be by some governments…by some opponents of the government of Rwanda. But I also believe that there were very extensive Human Rights violations against members of the Hutu community after April 7th (…)”

Nous voici devant un casse tête !

  1. Gahima dit, à propos du genocide (des Tutsi en l’occurrence) que: « I personaly don’t believe it was organised by Habyarimana ».
  2. Mais que son assassinat, comme dit plus haut « believe contributed to the genocide »
  3. Je rappelle aussi que Gahima nous avait dit : « I have no personal knowledge…about what…how the president died…I know the president was shot down. He was assassinated (…) »

La première énonciation (sur « l’organisation » du génocide), l’argumente-t-il chronologiquement ou essentiellement parlant ? Car, si l’assassinat de Habyarimana est l’élément déclencheur – donc essentiel à la  mise en œuvre du génocide des Tutsi… selon l’avis des experts (vu que Gahima « has no personal knowledge »), comment Habyarimana en serait-il l’organisateur d’un point de vue chronologique vu qu’il est mort avant cette dite organisation? Par contre, Gahima dit que son assassinat « contribua » au génocide. Donc, que juste après la mort du président, des groupes extrémistes s’organisèrent et mirent au point un génocide « systématique » contre les Tutsi.

Pourtant la mise en examen il y a peu, par de deux juges français, Trévidic et Poux, sur l’attentat terroriste contre Habyarimana, concerne six militaires hauts gradés du FPR.

« Pour les Tutsi il s’agit de « génocide », mais pour les Hutu de simple « violence » commis »

Bref, d’emblée, on peut dire que le dialogue inter-rwandais ne sera pas facile ! Cependant on peut rappeler que Gahima souligne que des crimes on bien été commis par l’armée du FPR, mais pendant la guerre, et qu’ils restent impunis parce que « the military Courts are headed by RPF soldiers… » et que le TPIR (Tribunal Pénal International du Rwanda) « unfortunately (…) has not had the courage to adress these crimes » car il dit : « I believe that the victimes of the violence against the Hutu community deserve justice as much as the victimes of the genocide also deserve justice ». Gahima estime que le TPIR a failli à sa mission de juger « tous » les crimes. Donc que pour les Tutsi il s’agit de « génocide », mais pour les Hutu de simple « violence » commis ? C’est un sacré pas vers l’avant dis donc !

Dominique Sopo, président de SOS Racisme en France


Car rappelons-le, même aujourd’hui, l’opinion public reste majoritairement catégorique. Comme les propos du président du SOS Racisme France, Dominique Sopo, déclarant qu’ « Évoquer le sang des Hutu, c’est salir le sang des Tutsi »…

Que dire face aux propos de Sopo quand on sait que le rapport « mapping » de l’ONU d’octobre 2010 dit clairement, parlant des crimes commis par l’armée FPR contre la population Hutu :

« Ces attaques systématiques et généralisées (…) révèlent plusieurs éléments accablants qui, s’ils sont prouvés devant une juridiction compétente, pourraient être qualifiés de crimes de génocide » Car les experts dénotent « la nature systématique, méthodologique et préméditée des attaques répertoriées contre les Hutus », « l’usage extensif d’armes blanches – principalement des marteaux – et les massacres systématiques de survivants après la prise des camps (…) ».

Mbonyumutwa Ruhumuza enchaîne à la question suivante en demandant à Gahima, dans le domaine juridique cette fois, la manipulation arbitraire des listes de « génocidaires » établies par ce dernier  durant sa période en fonction, comme potentiellement être des instruments allant au-delà de leurs fonctions. C’est-à-dire : qu’ils servent entre autre, à faire taire tout opposant Hutu. En résumé : un contentieux entre la sénatrice Inyumba, le président Kagame et Gahima. Au dernier de répondre que ces listes, catégorisées, n’avait pas pour but de juger de l’innocence ou la culpabilité d’un accusé, mais plutôt spécifier que le dit accusé (dans la catégorie 1 : c’est-à-dire le crime le plus grave) ne puisse bénéficier d’une remise de peine par simple confession des crimes commis, celui-ci étant trop conséquent pour être amnistié. De plus que la majorité des gens cités sur la liste vivaient en dehors du Rwanda.

“Even I, there’s a case pended against me involving many charges including genocide ideology, promoting divisionism…”

Mais le problème qui se révéla, par l’établissement de ces listes, est qu’il fit fureur dans la traque, par le gouvernement et la société civile Tutsi, des biens appartenant à des Hutu. Il suffisait ainsi que tu apparaisses sur la liste, même à tort, pour voir ainsi tous tes biens réquisitionnés afin de dédommager les familles des victimes du génocide. Les listes devenaient de fait des instruments institutionnalisés pour légitimer la saisie des biens.

Plus tard en 2008, des lois encore plus vagues et suspectes promulguées par Kagame, étaient inventées pour accuser les dissidents d’idéologie génocidaire, de divisionnisme (ethnique) ou encore de terrorisme soutenant des groupes armés postés aux frontières. Victoire Ingabire étant la victime par excellence de ces lois. Mais voilà que Gahima, pourtant Tutsi, se retrouve à son tour, lui aussi, accusé d’idéologie génocidaire ! En effet il dit : “Even I, there’s a case pended against me involving many charges including genocide ideology, promoting divisionism…so I agree with the criticisms of Human Rights organizations that the judicial system is being used by the RPF government to silence opposition, to silence demands for democracy and the rule of law (…) we deplore in our party…the use of the law to silence demands for Human Rights and political reform”

Cela démontre que l’inculpation de dissidents politiques Hutu comme Tutsi, ainsi que la saisie de leurs biens privés (terres, immobiliers) se fait par ces accusations à caractère vagues, mais entre temps devenues législation dans le corps juridique. Donc une personne qui devient trop puissante économiquement (feu André Kagwa Rwisekera), politiquement (Victoire Ingabire) ou qui en sait trop (feu Jean-Léonard Rugambage, Patrick Karegeya), au Rwanda, risque de finir tôt ou tard, accusée d’idéologie génocidaire ou d’ennemi de l’Etat (divisionniste ou terroriste) et finir en prison, ou pire, décapitée…

A Gahima de confirmer que “there’s no democracy in Rwanda (…) the RPF is really the only legal…the only political party in Rwanda (…) controlled by president Kagame (…) using violence to silence political opposition (…) People in the Security Services if they consider you to be an opponent of the government they can still make you disappear, they can torture you, they can kill you and they would not be held accountable” A qui le dites-vous!

Sur cette dérive du gouvernement Kagame: Ruhumuza pose la question suivante à Gahima : « what is the state of reconcilation » au Rwanda alors ?

“Reconciliation is not a one way process”

Gahima résume les propos de Kagame qui dit qu’il y avait génocide, qu’on a restauré la paix et la démocratie et qu’il y a réconciliation. Qu’on n’a pas besoin de dialogue car le Rwanda est un pays démocratique. Que ceux qui critiquent le Rwanda, de l’extérieur, ne veulent pas la paix, etc. En résumé que: « the process of reconciliation is complete ». Mais Gahima souligne que « reconciliation is not a one way process, it’s not just for the government to say that ‘we have achieved reconciliation’ (…)”. Il y a au Rwanda “issues (…) that the government has not addressed: issues like the violence, the Human Rights violations against members of the Hutu community, issues like the question of governance, the sharing of political power between the different groups, the repatriation of refugees, especially those who are opposed to government, the presence of armed groups based in other countries (…)”

Mais que le gouvernement rwandais, au lieu de ca, avance plutôt qu’il n’est plus question de parler d’Hutu, de Tutsi. En effet, ils sont tous rwandais ! Mais Gahima émet des doutes face à ces propos notamment que : « In Rwanda people still feel…they still…a strong sense of ethnicity, on both sides (…) it’s not for the government to pretend, to force people that to tell them that there has been reconciliation. There has to be genuine dialogue for people to address their differences…to explore what divides them, to act together to find out what they can do to live together harmoniously, and to reach a common agreement about the management of our society in the future…To me, that has not happened, what has happened is an unilateral decision by the RPF, and that’s not the way to build reconciliation, so…there has been some progress towards peaceful coexistence in Rwandan society but  very fundamental issues that divide us are remained unresolved (…) of course reconciliation is a process (…) a process that has barely started”

Kagame tente-t-il vraiment un dialogue inter-rwandais?


Gahima reconnait que Kagame tente, malgré tout, un dialogue inter-rwandais, mais l’ex procureur général déplore l’arrogance dont fait preuve Kagame quand il parle de l’opposition. Et l’approche de ce dernier est loin d’être la meilleure pour rétablir la réconciliation étant donné qu’il refuse tout compromis. Gahima, lui, est convaicu que le dialogue est l’affaire de tous les rwandais et qu’il ne peut être « forced down on people (…) but the International Community can help by pressurizing the government of Rwanda (…) »

Mais qu’en est-il des dits progrès de développement effectués depuis 1994 au Rwanda, pose Ruhumuza ?

“The failures of the previous government was not in the field of economic development (…) the government of the late president Habyarimana was…it had high reputation among donors (…)”

Il admet les progrès, mais non sans réserve notamment que : « considering where Rwanda was in 1994, it’s a miracle that we’re not like Somalia. We’re not a failed State (…) »

Mais que “the gap between the rich and poor is widening”. Il fait le parallèle avec le Rwanda de Habyarimana: “The failures of the previous government was not in the field of economic development (…) the government of the late president Habyarimana was…it had high reputation among donors (…) so the issues that lead to the problems in Rwandan society have to do with governance (…) These developments that Kagame talks about is not sustainable…if you don’t address the root causes of conflict, these developments can be destroyed in just a very short time (…)”

Il donne l’exemple du Burundi qu’il estime, malgré qu’il brille moins que le Rwanda (donc pas de « visible development projects »), être sur la bonne voie du développement car il réussit un meilleur dialogue interethnique (« root causes of conflicts »). Mais il oublie d’omettre qu’au Burundi, l’Etat et l’armée sont dirigés par une élite Tutsi « invisible » mais très puissante, malgré que c’est un Hutu qui a été élu président. Mais cette allusion faite par Gahima n’est pas sans rappeler les assassinats, consécutifs, des deux présidents burundais élus démocratiquement : Melchior Ndadaye (en juillet 1993) et Cyprien Ntaryamira (en avril 1994) par l’armée Tutsi. Est-ce que Gahima souhaite de même pour le Rwanda, c’est-à-dire une élite militaire Tutsi  derrière un président Hutu et manipulant cette dernière à leur guise tout faisant croire qu’il s’agit d’une démocratie de la majorité ?

The undeniable fact is that…the Hutu are the majority…in our country, and they’re not represented in that group, and if they were, that would not be a solution”

Outre le fait que Gahima défend de plus en plus la « cause Hutu », il s’attire les foudres de Kigali, qui voit en lui comme devenu le nouveau porte-parole des Hutu, notamment: “What Kagame is trying to do, he’s trying to create problems for us with the Tutsi community by accusing us that we’ve just made ourselves spokesmen for the Hutu, trying to alienate us from the Tutsi – I have no problem by being blended as spokesmen for the Hutu community” Mais Gahima precise que: “even the majority of the Tutsi are excluded

Il développe plus loin sur un sujet encore plus délicat, notamment celui du partage du pouvoir entre Hutu/Tutsi: “the undeniable fact is that…the Hutu are the majority…in our country, and they’re not represented in that group, and if they were, that would not be a solution (…) the solution is not to make sure that Hutu participate in a dictatorship, the solution is that Hutu and Tutsi alike should live in country where they enjoy equality, that’s the important thing (…)”

Kagame easily could commit horrendous Human Right abuses, he would kill as many people is necessary to ensure his victory, he doesn’t care about you know…the consequences, as we know from experience…

Rudasingwa


Comment réaliser ces objectifs? Et bien voilà ce que propose Gahima, ensemble avec Nyamwasa, Karegeya et Rudasingwa : ils ont lancé leur parti politique, R.N.C (Rwandese National Congress), qui se veut un « peaceful change ». En effet, Gahima, ensemble avec ses collègues clament qu’ils veulent un changement au Rwanda et que ce changement peut se faire dans la paix. Sur ce: “we don’t advocate the use of violence to change the Rwanda government, we’d prefer dialogue » Parce que Gahima dit: “Kagame easily could commit horrendous Human Right abuses, he would kill as many people is necessary to ensure his victory, he doesn’t care about you know…the consequences, as we know from experience…” Cette citation en dit long sur Kagame, le FPR et son passé. Gahima  ne donne-t-il pas (comme ancien membre du FPR), par ses propos, des clés de réponses à l’énigme ?

Retour aux protagonistes du nouveau parti qu’est le RNC. En effet, leur crainte est qu’il y ait, à nouveau, bain de sang: “we feel that the cost of violent conflict, if it ever to arise in Rwanda are just too much to bear. We think that the suffering (…) on innocent people, again, would be as bad or even worse than it was between 1994 and 1997”. Donc il faut opter pour un changement pacifique.

Cette citation, je l’avoue a de quoi donner la chair de poule. De plus, ne va-t-elle pas en contradiction avec ce qu’a dit son collègue Colonel Patrick Karegeya dans une interview accordée au Journal ougandais « The Observer » le 02 août 2010. Notamment que:

A dictator can never step down, they are brought down. It’s only Rwandans who can stand up now and fight for their freedom. Kagame will have his breaking point and I think it will be very soon. There is no one who will come to save Rwandans from the dictatorship of Kagame and there is no time to fold hands. They should stand up to him and say look; we are tired, you have to go. Obviously some will lose their lives in the process but those who will die will have lost life for a worthy cause, and I am prepared to support Rwandans who want to fight the dictatorship of Paul Kagame”.

Peut-on parler d’une prophétie auto-réalisatrice (self-fulfilling prophecy) ? Cependant Gahima confirme a nouveau, malgré les nombreuses allégations, que : « (…) we have no contact with the FDLR and with the CNDP, so we’re not involved in making any preparation to wage war against the government of Rwanda, because as we said, we have reservations about the cost…we have concerns about the cost of violent conflicts in Rwanda”

La conclusion de Gahima est simplement de mettre au clair le but de leur nouveau parti politique, le RNC, qui est d’apporter la liberté, la paix et le progrès au Rwanda et « make sure that the conflict that our society, our country is facing are resolved by peaceful means, without more suffering and bloodshed (…) we believe that democracy, peace, can only come to Rwanda as a result of dialogue between the people who rule Rwanda now and people who have a different version (…) to work out a compromise about how to lead our country to peace”. Il faut : 1. Mobiliser les rwandais aussi bien ceux de l’intérieur que ceux de l’extérieur : quels sont leurs droits et les défendre ; 2. Travailler ensemble pour poursuivre ces objectifs dits de « peaceful change » ; 3. Inclure la Communauté Internationale et la société civile pour mettre la pression au gouvernement rwandais afin que ce dernier prenne la peine d’écouter l’opposition et cesse de faire régner l’impunité.

Et à Gahima de terminer l’interview sur une vision positive mais amère quant à sa réalisation, notamment qu’il y aura un prix à payer, mais : « It’s a sacrifice worth suffering for ». Mais avant : «we want to warn people today that there’s risk that violence (…) happened between 1994 and 1997 is very likely to happen in Rwanda again, unless a miracle happens and some changes take place »

Maître, vous avez bien dit un « miracle » ?

« Même Gahima, malgré qu’il prône une réconciliation des deux groupes, il omet d’admettre les crimes contre l’Humanité, voire de génocide, commis par le FPR (avant, pendant et après 1994), qualifiant juste ces derniers de Violations des Droits de l’Homme contre les membres de la communauté Hutu »

Mon analyse est que finalement, on ne sait plus qui croire. De plus, il faut l’avouer, la déchirure profonde qu’a crée le FPR au sein du peuple rwandais est consternante et définitive. Ils ont au fait repoussé les limites de l’entendement, par avidité. Les rwandais sont à jamais traumatisés, les victimes se comptent par millions, les Hutu et Tutsi sont devenus les pires (ou meilleurs ?) ennemis du monde. Le premier s’est cristallisé dans la catégorie des «génocidaires », le deuxième dans celui de «victimes ». Même Gahima, malgré qu’il prône une réconciliation des deux groupes, il omet d’admettre les crimes contre l’Humanité, voire de génocide, commis par le FPR (avant, pendant et après 1994), qualifiant ces derniers juste de « Violations-des-Droits-de-l’Homme contre-les-membres-de-la-communauté-Hutu ». Peut-on parler de simples « violations-envers-des- membres» quand le bilan humain de ces derniers se chiffre dans les millions de morts, selon l’ONU et le Human Rights Watch ? Ceux-ci ne sont-ils pas les mêmes qui ont chiffré le bilan des victimes Tutsi d’avril à juillet 1994 ? Pourtant, dès que les cités parlent du bilan Hutu, les voilà discrédités, sous peine de « salir le sang des Tutsi ». La dignité de ceux-ci s’en trouve touchée. Hérésie ! Mais ce qui m’accable le plus dans tout ça : c’est le défaut manifeste d’Humanisme à l’égard de ces victimes oubliées, compromettant tout effort d’une quelconque réconciliation. Il semblerait que le Hutu, le congolais n’entrent pas dans la catégorie des Humains quand on voit le déni dont ils font l’objet. (Voir la vidéo sur JamboNews : « Kisangani Diary. Loin du Rwanda » d’Hubert Sauper, qui a gagné le Prix International du Film Festival en 1998/1999)

« Le RNC, cherche-t-il vraiment à changer le Rwanda actuel pour une vraie démocratie, ou juste à renverser Kagame pour le punir d’avoir été trop égoïste ? »

Hélas, le discours de Gahima, porte-parole de la cause Hutu (!), a peu changé. De plus, voilà que l’ex procureur nous parle de démocratie, de bonne gouvernance, etc. avec beaucoup d’enthousiasme…16 ans après le génocide ! N’est-il pas un ex-membre élite du FPR ? Quand ce dernier a renversé Habyarimana en 1994, avait-il l’intention première d’instaurer une démocratie ou plutôt une élite militaire Tutsi avide de prendre toutes les rênes du pouvoir ? Mais voilà que Gahima s’en trouve à présent exclu. Par conséquent : quel serait l’intérêt pour le peuple rwandais de voir l’actuelle élite Tutsi au pouvoir remplacée par une autre élite Tutsi ? Le RNC, cherche-t-il vraiment à changer le Rwanda actuel pour une vraie démocratie, ou juste à renverser Kagame pour le punir d’avoir été trop égoïste ? En Baoulé ne dit-on pas qu’« on a beau dire que le fou est guéri, il continue à faire peur » ! Car il faut le dire, l’exemple du Burundi que Gahima a mis en avant n’est pas convaincant. Pour tout vous dire, chers lecteurs, je me demande même si le Hutu et le Tutsi sont à se réconcilier un jour…tant la douleur, les pertes sont immenses. Qui blâmer? Le Hutu, le Tutsi, le Blanc ? Et au camerounais de répondre : « Tu le sauras quand tu seras grand, petit sanglier ! » Mais avant, il appartient à chaque rwandais (petit ou grand, Tutsi, Twa ou Hutu) de dire sa vérité et vivre son expérience ! Donc je dirai à Gahima : si beau soit votre plaidoirie, elle a néanmoins le grand défaut de poser plus de questions qu’elle n’en résout.

Si nje wahera, hahera umugani !

Jean Bigambo
JamboNews

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