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Le Dialogue Inter Rwandais Hautement Inclusif : une solution ?

Le Dialogue Inter Rwandais Hautement Inclusif : une solution ?
DIRHI – Mallorca 2011
DIRHI - Dialogue Inter Rwandais Hautement Inclusif

DIRHI - Dialogue Inter Rwandais Hautement Inclusif

Plus de 20 ans, après le début d’une guerre qui a endeuillé l’ensemble de la population rwandaise et a entrainé la commission des crimes les plus graves touchant l’humanité dont le crime de génocide , le fossé entre les victimes ne cesse de se creuser, la polarisation ethnique ne cesse de s’intensifier, les rwandais continuent de fuir leur pays, l’impunité continue à régner et la terreur de la dictature en place ne cesse de s’amplifier; créant les conditions d’émergence d’un nouveau conflit meurtrier.

Face à cette situation déplorable et potentiellement explosive, plusieurs rwandais et connaisseurs du Rwanda  s’évertuent depuis plusieurs années à rechercher une issue pacifique à la crise sociale que traverse actuellement ce petit pays d’Afrique centrale.
C’est dans un tel cadre, qu’il y’a un peu plus de dix ans, l’idée d’un Dialogue Inter Rwandais Hautement Inclusif (DIRHI) a émergée.
Un hutu, Elysée Ndayisaba et un tutsi Isidore Munyakazi se sont posés la question de savoir « pourquoi on s’évite lorsqu’il s’agit de parler des questions qui nous divisent alors que dans les baptêmes et les mariages on a de cesse de nous côtoyer ? »
De leurs échanges sur internet et de leur volonté  de trouver une issue aux divisions, est née le projet du dialogue, qui vise à faire rencontrer à terme toutes les composantes de la société rwandaise et de débattre sans tabous de tout ce qui nous divise, et de dessiner les contours d’ un Rwanda pacifié sans exclusions aucune et réellement gommé de tout clivage, qu’il soit ethnique, régional, clanique ou encore linguistique.
Allant au delà de servir d’espace d’expression pour toutes les victimes du conflit, le dialogue vise à revenir en profondeur sur l’histoire et à débattre chacun sous sa perspective des points qui divisent les rwandais et qui ont conduit à un cycle de conflits meurtriers tout au cours de l’histoire du pays.
Après avoir fait un diagnostic complet des raisons qui ont toujours conduit à de telles atrocités, les participants débattraient alors des solutions et des mécanismes qui peuvent être mis en place pour prévenir de nouveaux conflits  et dessineraient ensemble les contours d’un Rwanda pacifié sans exclusions aucune et réellement gommé de tous ces clivages qui ont à maintes reprises, dans l’histoire du Rwanda, endeuillé la population.
Le dialogue, pour réussir et aboutir à ce projet de nouvelle société rwandaise à l’abri de ses vieux démons devrait être suffisamment représentatif de toutes les composantes afin que chaque rwandais quelque soit son histoire puisse se sentir représenté. Il se tiendrait en Tanzanie afin de permettre plus aisément une participation massive des rwandais vivant au pays.
C’est dans ce cadre là que depuis presque 10 ans, un peu plus de 150 rwandais se sont réunis à différents points du globe afin de débattre des mécanismes qui pourraient conduire à ce dialogue inter rwandais hautement inclusif et ont étudié comment lever les obstacles à sa tenue.
« La première réunion s’est tenue à Majorque , l’ambiance était glaciale, on marchait sur les œufs, mais à la fin des discussions, on  rigolait» raconte Elysée aux participants à la dernière session du dialogue qui s’est tenue le week-end du 25 au 27 mars à Palma de Mallorca en Espagne.
Il explique les premières difficultés « on ne s’entendait pas sur l’histoire du Rwanda, sujet qui nous a divisé » mais rassure t-il « tous les participants avaient une volonté commune de regarder ensemble l’avenir ».
En juin 2006, une deuxième édition s’est tenue à Barcelone avec notamment le soutien d’un prix Nobel de la paix et réunissant des participants issus des deux principales ethnies du Rwanda (Hutu et Tutsi), des membres des principales formations politiques et des organisations de la société civile de la diaspora rwandaise venant de la Belgique, du Canada, de la France, de la Hollande, de l’Italie, de la Suisse et des USA.

DIRHI - Mallorca 2011

DIRHI - Mallorca 2011


Il a été décidé lors de cette rencontre d’étendre le dialogue à toutes les couches de la population rwandaise.
C’est dans cet esprit que tout au cours des années 2007 et 2008, différentes plateformes furent organisées, à Washington DC pour les participants venant des USA et du Canada, à Amsterdam pour ceux venant du Benelux et d’Allemagne et à Orléans pour ceux venant de France et d’Italie. Deux autres plateformes ont également réunies les femmes.
Les participants avaient à chaque fois été choisis individuellement en tenant compte de leurs propres engagements dans la recherche d’une paix durable au Rwanda.
Du 01 au 03 mai 2009, une nouvelle édition du dialogue s’est tenue à Palma de Mallorca réunissant 30 représentants de ces différentes plateformes. Cette édition a été observée de près par 4 observateurs internationaux et accompagnée par 3 médiateurs dont 2 professionnels.
Les participants ont discuté des problèmes auxquels le Rwanda fait face et qui handicapent la véritable réconciliation.
En 2010, c’est dans les locaux de la Commission européenne qu’une réunion du comité de coordination du dialogue inter rwandais s’est tenue le 17 décembre sous l’œil de nombreux observateurs dont des membres de l’Union européenne. Cette réunion s’est  tenue grâce à l’appui d’« Infocon », un  projet financé par l’Union européenne et visant à accompagner des sociétés issues de conflits dans leur recherche d’une paix durable.
Lors de la dernière session qui s’est tenue à Mallorca, les participants ont estimé dans leur déclaration finale que le dialogue était « incontournable car il constitue le seul cadre propice à l’édification du climat de confiance entre les ethnies, indispensable à la réconciliation effective, à la paix et au développement durable dans la région des Grands Lacs ».
Les participants se sont également engagés à poser certains actes concrets visant à terme à une réconciliation effective comme l’organisation d’une commémoration inter ethnique au mois d’avril 2011.
Contrairement aux éditions précédentes, ce sont des associations actives dans la recherche d’un dialogue et d’une paix durable qui avaient été invitées et non des individualités.
Invité à plusieurs reprises dont à la session de décembre 2010, le gouvernement du FPR a jusqu’à présent pratiqué la politique de la chaise vide, refusant par cette attitude le processus vers un dialogue inter rwandais hautement inclusif, pourtant appelé de leurs voeux par tous les rwandais qui souhaitent une paix durable au Rwanda et dans l’ensemble des pays de la région des Grands Lacs.
L’autre grande absence fortement remarquée dans les discussions est l’association Ibuka qui vise à perpétuer la mémoire des Victimes Tutsi du génocide.
Remarquant l’absence d’Ibuka, une participante à la dernière session s’en est inquiétée et a dit que pour elle, pour que le dialogue réussisse, une organisation de défense des victimes aussi importante devait nécessairement en faire partie.
Les organisateurs ont dit en être conscient et ont informé les participants qu’Ibuka avait été invitée à plusieurs reprises par le passé, sans réponse jusqu’à présent.
Un autre participant qui est membre d’Ibuka mais qui était présent en sa qualité de représentant d’une autre association a expliqué la raison, selon lui,  de la défection d’Ibuka, nous expliquant que « dans le cadre du génocide commis en 1994, il n’y a pas, au sein d’Ibuka, d’espace pour s’ouvrir à des victimes non Tutsi » mais au sein de l’association  rajoute t’ il « il y a des membres qui sont favorables à cette ouverture vers les autres victimes », ce qui  laisse présager qu’ une évolution est possible.
Mais pour que ce projet jadis rêvé ensemble par un hutu et un tutsi dans un échange sur internet puisse aboutir, la mobilisation de chaque rwandais qui désire donner un autre héritage aux générations futures est plus que jamais nécessaire.
Par Ruhumuza Mbonyumutwa
JamboNews.net


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