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RDC : Les Obstacles à lever lors des échéances électorales

RDC : Les Obstacles à lever lors des échéances électorales




République démocratique du Congo

République démocratique du Congo




A la veille de  la fin de l’actuelle législature en RDC  et des prochaines élections prévues pour la fin de l’année en cours, toutes les organisations de la société civile congolaise sont appelées à réfléchir sur la contribution concrète qu’elles ont à apporter  à la préparation et l’organisation de cette échéance de manière à en assurer le caractère libre, démocratique et transparente.
Conformément aux exigences et aux implications de sa mission essentielle et spécifique d’évangélisation, la société civile se doit, dans un souci patriotique et non d’ambition politique, de s’engager à participer à la préparation, au bon déroulement et à l’issue heureuse de ce processus électoral.
C’est donc par les élections que le peuple exerce et exprime sa souveraineté première et sa volonté comme fondement de l’autorité des pouvoirs publics. En choisissant ses dirigeants, le peuple leur confère la légitimité, sans se départir lui-même de ses droits et de ses prérogatives comme souverain premier. Les dirigeants choisis demeurent donc comptables devant le peuple dont ils sont les représentants et les mandataires. Ce peuple garde, à tout moment et selon les règles convenues, le droit de les soumettre au contrôle,  à la reddition des comptes et à la sanction. (….)

A la fin de cette journée, nous avons tendu notre micro à JEAN BERNARD MUNZIHIRWA, Modérateur du Réseau.
Laurent : Bonjour Jean Bernard.
Jean  Bernard(JB): Bonjour monsieur le Journaliste.
Laurent : Selon vous quels sont les obstacles à lever lors  des élections libres, démocratiques et transparentes en RDCONGO ?
JB: De nombreux obstacles sont à lever en RDC pour arriver à assurer de manière satisfaisante l’organisation  des élections libres, démocratiques et transparentes.  Certains d’entre eux ne pourront être contournés ou surmontés. Il n’en demeure pas moins qu’il faille en prendre conscience afin d’essayer de les gérer autant que faire ce peut afin d’assurer au scrutin le minimum de conditions indispensables pour sa transparence et sa fiabilité. De ces obstacles, nous  relevons les  plus importants en RDC.



Laurent : Lesquels
JB : D’abord, la « particratisation » de la vie politique. Par ce néologisme « particratisation » nous entendons et visons à décrire trois phénomènes :
D’abord le phénomène observable depuis la fin du monopartisme le 24 avril 1990, de la prolifération des partis politiques que nous qualifions de « coquilles vides » ou « alimentaires ». Il s’agit de partis artificiels, sans base conséquente, comptant moins de quelques centaines de membres,  sans projet de société précis et particulier, rigoureusement pensé en fonction de la situation et des besoins réels du pays, et donc incapables d’organiser un quelconque débat politique qui serait d’ailleurs sans objet. Ces partis,  sans membres effectifs en  nombre significatif, réduits à un directoire composé d’un club familial ou de copains, se  réunissent, chacun autour de son initiateur autocratique, qui se sert de l’agrément juridique souvent monnayé, pour aller négocier des postes politiques dans les officines et les conciliabules parallèles aux institutions officielles. Ces officines sont gérés par des leaders de l’ombre, souvent créés et entretenus par le pouvoir en place pour fragiliser les factions politiques rivales par le débauchage des personnalités émergentes et influentes qui en sont issues . Tenez ! Les  élections de 2006 ont connu la participation de 267 partis politiques et le ministère de la justice a récemment annoncé l’existence de 383 partis officiellement enregistrés et reconnus.
En principe, ces 383 partis politiques sont censés présenter des projets de société différents. Comment les électeurs peuvent-ils opérer le discernement nécessaire dans une telle pléthore de propositions et les distinguer  les unes des autres en vue d’un choix judicieux ? Ne serait-il pas plus rationnel, logique et pratique d’édicter une loi obligeant les partis politiques ayant des projets de société globalement similaires, de se regrouper sous un seul et même label et de limiter leur nombre à une dizaine au maximum ? Plus de 90% de ces partis n’ont pas d’implantation nationale, et disposent, comme sièges, des mallettes de leurs initiateurs. Dans ces conditions comment éviter que les élections virent à un mimétisme collectif irresponsable et  finalement stupide, qui n’a de démocratique que le nom et qui ne répond  et ne correspond pas aux standards et aux normes régissant toute vraie démocratie !
Par  le  vocable « particratie » nous entendons et visons ensuite, le fait que l’espace politique est occupé par les partis politiques, alors que la grande majorité de la population des électeurs congolais ne milite au sein d’aucun d’eux et qu’elle appartient à la société civile organisée ou non organisée politiquement. Lorsque les partis politiques tiennent des meetings, c’est à peine qu’ils rassemblent un pour cent de la population des électeurs. Bien plus, ces partis politiques n’ont aucun programme d’éducation civique ou de débat politique et ne se manifestent qu’au moment des élections. A défaut de projet de société adéquat, ces partis  fonctionnent sur base du tribalisme, du régionalisme, de discours politiciens démagogiques centrés sur les frustrations ou les intérêts immédiats locaux,  et, surtout, de la corruption des consciences et de pots de vins.
Pour réunir des assemblées, les leaders politiques distribuent des dons en nature et quelques fois en espèce, ou alors, offrent des  loisirs gratuits accompagnés de musique, de danse et de boissons. Pour le reste, les leaders politiques monologuent… La classe politique en RDC tend à disqualifier la société civile comme actrice politique et à l’instrumentaliser à son profit.
– Par le vocable « particratie » nous entendons et visons, enfin, le culte de la personnalité qui fait des partis politiques des organisations à caractère individuel, dictatorial et à pensée unique.  Les chefs des partis politiques se comportent comme des gourous despotiques et autocrates auxquels les partisans doivent allégeance et soumission intellectuelle. Multipartisme ne rime pas avec pluralisme idéologique, ni avec un débat politique contradictoire autour de projets de société en compétition. Il se réduit à la rivalité des « egos » au sein des partis et d’une classe politique alimentaire aux reflexes dictatoriaux et aux ambitions égoïstes surdéterminées par la boulimie du pouvoir et des privilèges sociaux, matériels et financiers y afférents et dérogatoires au droit commun.
Les partis semblent personnalisés au point de se confondre avec leurs initiateurs. En l’absence de ces derniers, aucun mécanisme n’est prévu pour  les remplacer ou de les représenter pour poursuivre le projet de société ou le programme politique commun. Or le sort du pays et du  peuple ne peut se confondre ou se réduire à celui d’un individu. En effet, les individus passent, tandis que le peuple et le pays demeurent. Un vrai homme politique c’est quelqu’un qui se pense, se situe et se projette dans un au-delà de lui-même, au service d’un idéal, d’une cause et d’une vision qui le dépassent.

Laurent : La misère populaire et l’ignorance sont-ils parmi les obstacles des bonnes élections  en RDCONGO ?
JB : La misère populaire et l’ignorance aggravée par l’analphabétisme. Voilà un deuxième obstacle pendant les échéances électorales dans notre pays. C’est-à-dire, la démocratie, à l’instar de la stabilité politique, n’a pas de pires ennemies que la misère populaire et l’ignorance qui, en RDC, se traduit à un taux fort élevé d’analphabètes. On ne peut pas demander à une population affamée de réfléchir et de débattre sur un quelconque projet de société. Bien plus, la précarité n’expose souvent le peuple à la vulnérabilité morale et à la corruptibilité.
Laurent : Dans ce cas d’espèce, qu’est-ce qu’il faut ?
JB : Il faut, en effet, un minimum de bien être matériel pour pratiquer la vertu et s’intéresser aux valeurs sociétales.
Laurent : L’insécurité à l’est de la RDC est-elle un obstacle pour un bon déroulement des élections dans cette partie du Pays ?
JB : Tout à fait…… la persistance de l’insécurité à l’Est de la RDC demeure une réalité susceptible de dérégler, par endroit, le mécanisme du processus électoral.
Laurent : Vous venez de donner un troisième obstacle, que pourrait être un quatrième obstacle pour ces élections en RDCONGO ?
JB :    La corruption et l’impunité généralisées. Dans un pays où tout, y compris les consciences, sont achetables et à vil prix, et ce, même des institutions publiques, comment les élections pourraient-elles échapper à la règle? Comment endiguer la tricherie, la manipulation des électeurs et la démagogie, dans un pays où la corruption et l’impunité persistent. Depuis l’instauration, par le dialogue intercongolais, de la pratique antidémocratique de la prime au crime et à la violence comme moyens d’accéder au partage du pouvoir politique, tout repère moral a disparu de l’espace politique congolais et des mœurs publiques. L’absence d’un mécanisme légal de réglementation et de contrôle du financement des partis et des campagnes électorales, ouvre la voie aux inégalités et à la tentation, pour les détenteurs du pouvoir, d’utiliser les moyens publics, et même le budget de l’Etat, au profit de leur camp politique.
Laurent : En 2006, il n’y avait pas d’élections locales ou municipales….Une bonne gouvernance ou une anti constitutionnalité ? Pour vous, un obstacle ou pas ?
JB : Un cinquième obstacle volontairement institutionnalisé….. Le non organisation des élections locales et communales qui devaient parachever le processus électoral de 2006, a entraîné la nomination prohibée des autorités politico administratives de ces niveaux. La désignation effectuée de manière anticonstitutionnelle de ces autorités ; alors qu’elles auraient dû être élues, risque de mettre à mal le caractère apolitique de l’administration publique et de  perturber la transparence, la liberté et l’égalité des chances indispensables à l’équité dans le déroulement des prochaines élections.
Laurent : Monsieur JB, y a-t-il recensement de la population avant les élections en RDCONGO ? Que peuvent occasionner des simples enrôlements ou inscriptions des électeurs ?
JB : Pour moi c’est un sixième obstacle à épingler lors échéances électorales en RDCONGO.  L’absence d’un recensement  mis à jour de la population et de l’identification des nationaux prêtent le flanc à la fraude et, partant, à la contestation et aux conflits post électoraux. D’autre part, faute des statistiques démographiques fiables, on ne saura jamais prendre la mesure exacte de l’abstentionnisme qui comporte toujours un message et une signification politiques.



CENI  Siège  de Kinshasa

CENI Siège de Kinshasa




Laurent : pensez-vous que la Commission Electorale Nationale Indépendante(CENI) serait-elle «  L’Eglise au milieu du village » avec toute sa crédibilité ? La Société Civile dont vous êtes membre est-elle membre du Bureau Nationale de la CENI ?
JB : Un septième obstacle à ne pas négliger pendant les élections en RDCONGO. Les critères légaux de la composition de la CENI risquent de mettre à mal son indépendance et sa crédibilité, si ce n’est pas encore le cas. Après avoir écarté la société civile de toute présence au sein de la CENI, la loi a prévu la désignation des membres de cet organe sur base du choix de la majorité et de l’opposition à raison de quatre membres pour la première et de trois pour l’opposition. Cela a hypothéqué non seulement l’indépendance  et donc la fiabilité de la CENI mais encore son caractère impartial et sa neutralité. L’histoire du pays démontre, que même les trois membres de l’Opposition pourraient  être un jour de la Majorité par contrainte(…).
Laurent : En cas de divergence et de vote au sein de la CENI, qui y aurait-il ?
JB : Les membres désignés par la majorité au pouvoir l’emporteront toujours. Or la Société Civile pourrait départager en cas de vote ou de divergence.
Laurent : Le 24 avril 2011 ; Onzième  anniversaire du multipartisme en RDCONGO. Les Partis politiques de l’opposition ont-ils vraiment accès aux médias en cette période préélectorale ? Pour vous un autre obstacle….
JB : Un sérieux obstacle. A voir clair et entendre vrai les partis politiques sont muselés. Les intimidations des partis politiques de l’opposition et l’accès inégal aux médias pour la campagne électoral, outre qu’ils portent atteinte à la liberté d’expression et à l’égalité des chances dans la compétition électorale, constitue une violation de la constitution.
Laurent : La CENI a réellement du temps pour préparer les élections en cours ?
JB : Déjà elle accuse un retard selon la Constitution de 2006. Le retard accusé dans les préparatifs techniques et administratifs des élections, -retard imputable à la navigation à vue et à l’imprévoyance du  pouvoir en place-, ne laisse plus à la CENI un temps suffisant pour l’enrôlement régulier et satisfaisant des électeurs et l’organisation sereine du scrutin dans les délais constitutionnels. Cela constitue une sérieuse menace pour la transparence et la fiabilité du scrutin et de ses résultats.
Laurent : Que faire  pour qu’il y ait des élections apaisées? Qui doivent se retirer lors échéances électorales en RDCONGO ?
JB : Il est impérieux pour la RDC de tourner la page de la belligérance, de mettre fin à l’immoralité publique et à la pratique de la prime au crime et à la violence pour l’accès au pouvoir politique. Il faudra que la loi électorale impose, parmi les principaux critères à l’éligibilité, la compétence, et surtout, la probité et le souci du bien commun.
Personne n’est obligé de briguer un mandat public : devraient s’en abstenir, tous ceux qui sont incapables de résoudre les problèmes du peuple. Et les incapables qui occupent des  postes politiques devraient rendre le tablier. Le pouvoir politique a pour objet l’utilité sociale et lorsqu’il ne peut réaliser cet objectif, il devient sans objet et donc perd sa raison d’être et toute justification.
Laurent : Votre mot de la fin ?
JB : Le rôle de la  Vraie Société Civile dans l’accompagnement de la population aux échéances électorales consiste donc à :
1°- Veiller à ce que la conception et l’organisation des élections respectent les droits fondamentaux de l’homme qui consacrent l’égalité de tous les hommes, les libertés fondamentales, la souveraineté du peuple comme unique source de l’émanation du pouvoir. Les hommes politiques sont appelés à être au service du peuple, à gérer le pays conformément à sa volonté et à lui rendre compte, et non l’inverse. C’est cela la culture et la mentalité démocratiques.
2°-  Veiller aux préalables éthiques dans la mise en œuvre des élections qui doivent être ;
–         justes et honnêtes, c’est-à-dire loyales et transparentes
–         libres et compétitives c’est-à-dire pluralistes et périodiques
–         se dérouler au scrutin secret et sans manipulation des résultats.
3°- Veiller à l’éducation et à l’encadrement civiques et politiques du peuple pour lui permettre d’assumer de manière responsable et éclairée sa souveraineté et la citoyenneté responsable dans le choix de ses dirigeants. Il s’agit de former le peuple à savoir analyser et apprécier le bilan du pouvoir sortant et à évaluer objectivement les projets de société qui lui sont présentés par les candidats et les partis politiques en compétition. La compétence et l’honnêteté publique devraient occuper une place de choix dans les critères de l’éligibilité aux fonctions politiques et faire l’objet d’une loi.
4°- Veiller sur les préalables législatifs, administratifs, techniques et financiers indispensables à l’organisation et à la réussite des élections démocratiques, libres et  transparentes.
5°-  Dénoncer les dérives et les pratiques antidémocratiques susceptibles d’entacher l’organisation et le déroulement du scrutin ou d’en compromettre l’issue heureuse et pacifique.
Même là où la Société Civile n’a ni compétence politique et  légale, ni responsabilité administrative et financière, elle garde, cependant, en sa qualité d’organisation de la société civile, le droit et le devoir de jouer un rôle critique  de  proposition ainsi que d’éducation et d’encadrement civiques des masses populaires.
La politique étant l’art du possible, il faudra essayer de gérer, au mieux de l’intérêt général, les obstacles et les déficiences impossibles à surmonter ou à contourner, dans la préparation et l’organisation des élections. Il n’en demeure moins impératif de s’assurer du minimum indispensable, sans lequel le scrutin risque de tourner à un mimétisme collectif et irresponsable, et, surtout, de déboucher  sur les contestations et les conflits post électoraux,  aux conséquences imprévisibles. Ce minimum ne semble, hélas, pas au rendez-vous. Gouverner c’est prévoir. Merci.
Laurent : C’est moi qui vous remercie.
Bukavu, le 20 mai 2011.

KURHENGAMUZIMU        Laurent
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