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Rwanda : dictature en faillite

Rwanda : dictature en faillite
 Président Paul Kagame

Président Paul Kagame

La diaspora rwandaise, ces derniers mois, est en train de frémir, c’est le grand déballage ! En effet, jamais celle-ci n’a été aussi indignée qu’aujourd’hui face aux exactions commises par le Maître (in)contesté de Kigali, Paul Kagame. Serait-ce le signe que le peuple rwandais s’avance vers une cause commune pour le changement ? Cet éveil est-il synonyme d’une renaissance rwandaise?

Tout d’abord, il faut avouer que les dictatures sont à l’Afrique ce que les démocraties sont à l’Europe. Mais voilà, toutes deux sont en crise actuellement. Oui, la dictature est en crise sur le continent africain. La belle époque, celle des partis uniques, est en faillite. Cependant, il y a peu, un certain despote arrivait encore à fomenter des partis d’oppositions créées de toutes de pièces : une façade démocratique, pour éviter les critiques des bailleurs de fonds. Aujourd’hui, il est arrivé à un niveau où il n’hésite même pas à chatter en direct sur Twitter avec un journaliste britannique sur des sujets épineux le concernant, en se défendant par les mêmes et longues fables harassantes, soit qu’il n’a pas de leçons à recevoir de l’occident. On va appeler ça un dictateur « moderne », aussi contradictoire que cela puisse paraître. Malgré tout cela, la sauce ne tient plus. C’est vous dire le désespoir moribond, tant la pilule est dure à avaler pour Paul. Quand ce dernier comprendra-t-il que la démocratie n’est pas une option mais un impératif ! Que le Maître (in)contesté, le Grand Guide, le Leader suprême n’est au fond qu’un vulgaire opportuniste avide de pouvoir, qui veut faire croire que la démocratie est une importation occidentale, subtile recolonisation et incompatible voire menaçant les valeurs traditionnelles africaines : un idéal exotique parmi tant d’autres. Bref, une mentalité de blancs !

Pourtant, un espoir manifeste est la Côte d’Ivoire, bien que fracturée par de grandes zones d’ombres (comme le massacre de Douékoué, à l’est du pays, perpétré par les forces d’Alassane Ouattara). Avant ces faits, en novembre 2010 : le pays se voyait prêt à élire son futur dirigeant. Au second tour, le président sortant, Laurent Gbagbo et son éternel rival cité plus haut, Alassane Ouattara, se prêtent même au jeu des grands débats télévisés. Ces grands efforts démocratiques n’empêchent pourtant pas le pays à s’engouffrer dans un conflit armé quelques semaines plus tard. On se souvient alors qu’on avait tous nos yeux fixés sur le petit écran. Nos cœurs étaient ivoiriens à cet instant précis. Assurément que l’issu de ces élections représentait un signal fort quant à savoir si les pays d’ Afrique étaient enfin prêts pour une transition démocratique « pacifique » – tant la Côte d’Ivoire a longtemps été la vitrine du continent Noir postindépendance. Mais quand, en février 2011, le pays, alors en proie à une guerre civile des plus violentes, entre pro-Gbagbo et pro-Ouattara, sombre : les ivoiriens, la communauté internationale (entendez occidentale), l’Union Africaine, l’ONUCI (Mission des Nations Unies en Côte d’Ivoire) et Human Rights Watch commencent à redouter un Rwanda bis. La malédiction rwandaise est devenue entre temps une référence.

Un autre espoir incontesté est le printemps arabe. Bref, tous des spectacles ressemblants. Pour dire que, dans les deux cas cités, les dictatures, qu’on pensait inébranlables et ténébreuses, ont été (ou sont en train d’être) vaincues. Une réalité en mouvement constant. Oui, les peuples de ce monde, parce que blasés, n’ont plus peur d’affirmer leur aversion pour les statu quo. Le rêve est permis. Mais quel rêve au juste ?

Revenons au cas du Maître (in)contesté de Kigali, l’Absolutiste- nerveux. Voici ses ordres, dans Cronos (1) :

« Défense de tenir réunion. Toute constitution de groupes organisés est une infraction punie de mort ; Défense de manifester (…) Défense de se faire le porte-étendard d’idées qui iraient à l’encontre des règles édictées par le gouvernement. Défense d’offenser le Grand Guide (…) Tout diffamateur comparaîtra devant un tribunal d’exception. Défense de développer une individualité à l’opposé des normes établies : chaque citoyen est un simple maillon de la collectivité ; vecteur d’homogénéisation sociale. Défense d’entrer en contact avec les journalistes des pays limitrophes, dont l’objectif est de désagréger le royaume du Grand Guide. Défense d’être en relation épistolaire avec les expatriés, colporteurs d’informations controuvées de nature à dévaloriser le Grand Guide. Défense de diffuser des écrits autres que ceux recensés dans le catalogue officiel (…) Obligation de rendre compte des faits et gestes générateurs d’atteintes à la réglementation (…) Obligation de se plier en toutes circonstances aux injonctions des représentants de la force publique, vigies infaillibles et piliers de l’Etat (…) Obligation de dénoncer tout comportement déviant (…) Obligation de faire passer l’intérêt de l’Etat avant l’intérêt particulier et de révéler tout manquement au devoir civique de sa parentèle. Obligation de ne pas écouter la voix du sang, de désavouer ses géniteurs pour ne vouer de culte qu’au Grand Guide »

N’avons-nous pas là tous les ingrédients du redoutable régime actuel de Kigali ? Bien que ce soit une description assez classique des Etats totalitaires qu’a narré l’écrivain Linda Lê, son livre reste une fiction. Mais ma conscience torturée ne sait l’interpréter qu’en faisant une analogie avec des réalités rwandaises, quotidiennes et aussi douloureuses les unes que les autres. Oui, des millions de rwandais sur leur territoire subissent la terreur du parti unique, le FPR (Front Patriotique Rwandais). Toutes ethnies, genre et âge confondus : c’est une véritable chasse à l’homme. Le printemps approche. En effet, la répression, pratiquée même dans la diaspora établie dans des pays de droits, dévoile un pouvoir aux abois. Le FPR tente le tout pour le tout pour essayer de faire croire que son Rwanda est un pays où il fait bon vivre pour l’indigène, malgré qu’il n’y ait aucune liberté d’expression, de presse et d’association: une mascarade financée à coup de milliards de Francs rwandais du contribuable et des bailleurs de fonds occidentaux ! Une autre supercherie est qu’on essaye de faire croire à ce peuple d’Afrique que l’essentiel, après tout, c’est la sécurité nationale et économie stable du pays – que seul Paul Kagame est apte à assurer – aux dépens des libertés individuelles. Ainsi, les africains sont réduits à un choix imposé.

Ces discours régressifs et paternalistes qui tronçonnent toute voie critique sont inacceptables parce qu’il s’agit là d’un pacte social bafoué. En effet, un pacte exige que tous les protagonistes soient responsables et justifiables, à commencer par L’Etat, qui a pour devoir d’assurer la sécurité pour tous ses citoyens, sans exception. Mais comment justifier que la menace du Rwanda soit le rwandais lui-même ? C’est insensé. Pourquoi ? Parce qu’un pouvoir devient totalement illégitime, dès lors qu’il commence à persécuter son peuple. Mais, d’un autre côté, qui blâmer? Plus précisément : la responsabilité ne reviendrait-elle pas à la société civile rwandaise, qui a permis au FPR : régime puissant, démagogue et sans scrupules, de devenir progressivement, par complaisance, un régime totalitaire, aussi longtemps qu’il arrivait à maintenir la menace interahamwe à l’extérieur du pays? Une sorte de contrat social?

En réalité, la préoccupation du FPR est perfide, à savoir qu’elle n’a jamais eu pour cause réelle la démocratie, quand on voit aujourd’hui ce qu’est devenu ce parti. Non, la seule raison de vivre de celui-ci c’était uniquement la prise de Kigali, quel qu’en soit le prix Hutu et (ou) Tutsi.

Maintenant que le FPR est discrédité, quel type de société conviendrait-il alors le mieux aux peuples rwandais, c’est-à-dire dans leur diversité ? Il ne faut pas que cette question réduise pour autant toute la complexité du dilemme rwandais à une simple équation ethnique, tout simplement parce qu’aujourd’hui, la menace n’a justement plus d’appartenance ethnique. En effet, le danger commun c’est le système FPR, cet Etat qui persécute les Twa, les Hutu autant que les Tutsi, les jeunes comme les moins jeunes, les hommes comme les femmes. Celui qui soutient le FPR, soutient l’incarcération arbitraire, le massacre dans l’ombre, le musèlement de ses semblables, rwandais, donc, à la longue, lui-même…

Abraham Lincoln

Abraham Lincoln

L’ironie du FPR c’est le drame du Rwanda : le premier détruit le second de l’intérieur vers l’extérieur. Et en se développant dans le Rwanda, il y tue ses cellules vivantes, à savoir Twa, Tutsi et Hutu. Et contrairement à ce que voudrait nous faire croire les portes paroles de ce parti unique : le problème ce ne sont pas les dissidents rwandais dont le nombre ne cesse de s’accroître, mais le FPR lui-même. C’est lui le rebelle, le têtu, qui refuse de voir la réalité en face. Lui qui pense que l’antidote au drame rwandais, c’est davantage d’emprisonnements, de tueries. Le FPR vit une fiction. Mais c’est au peuple rwandais de briser ce mythe. Il est temps qu’il se soulève pour dénoncer les voleurs, les assassins, les haineux, les menteurs parmi eux : « On vous connaît ! »(2) . Sans intégrité, comment peut-on faire la fierté d’un pays?

Non, le véritable antidote est le rétablissement d’un sens de la justice commun et équitable. Au niveau politique, ce sont des réformes constitutionnelles, authentiques et pacifiques. Quant au niveau de la société civile, c’est un débat public, pro-actif et honnête sur les différents problèmes qui nous divisent depuis des décennies. La tâche est longue et complexe. C’est mensonge de dire que le défi du Rwanda pour 2020 c’est de devenir une Singapour africaine…Rwanda: îlot d’Afrique centrale paradisiaque, pendant que les voisins galèrent !

Je conclue pour dire qu’Abraham Lincoln disait de la démocratie que c’est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple. Je le paraphraserai, dans le cas du Rwanda, et l’Afrique en général, à savoir que la démocratie c’est le gouvernement des peuples, par les peuples, pour les peuples.

Jean Bigambo
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(1) : Linda Lê, Cronos. 2010, Editions: Christian Bourgois.
(2) : Titre tirée d’une chanson gabonaise de Patience Dabany

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