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RWANDA : Les journalistes Saidath Mukakibibi et Agnes Nkusi jugées en appel

RWANDA :  Les journalistes Saidath Mukakibibi et Agnes Nkusi jugées en appel

Agnes Uwimana Nkusi (G) et Saidati Mukakibibi, source: rfi.fr

Agnes Uwimana Nkusi (G) et Saidati Mukakibibi, source: rfi.fr

Les deux journalistes Agnès Uwimana Nkusi et Saidath Mukakibibi avaient été condamnées à 7 et 17 ans de prison pour diffamation, incitation à la désobéissance civile et minimisation du génocide. Leur procès en appel a débuté lundi 30 janvier devant la Cour suprême à Kigali.

La directrice d’Umurabyo, Agnès Uwimana Nkusi, avait écopé de la plus lourde des deux peines pour « minimisation du génocide (des Tutsi en 1994), incitation à la division (divisionnisme) et diffamation » contre de hauts responsables dont le président Paul Kagame, à travers des articles publiés dans ce mensuel. La Haute Cour de justice de Kigali avait reconnu sa consœur Saidath Mukakibibi coupable « d’incitation à  troubler l’ordre public ». Les procureurs avaient requis une peine de 33 ans pour Nkusi et de 12 ans pour Mukakibibi.

 Lundi, les deux journalistes sont restées silencieuses à leur descente du véhicule les amenant de la prison au tribunal, elles étaient vêtues de rose et le crâne rasé. Elles sont défendues par une équipe de sept juristes comprenant des représentants d’organisations de défense des droits de l’homme et de liberté de la presse, dont l’Initiative pour la défense légale des médias (Media Legal Defense Initiative)  basée à Londres, et Avocats sans frontières, basé à Bruxelles.

«  Le jugement était une sorte de contradiction avec le reste de la politique que le Rwanda développe », a déclaré lundi Nani Jansen à AFP, du  » Media Legal Defense Initiative « , basé à Londres qui fait partie de l’équipe de sept avocats représentant Nkusi et Mukakibibi. «  Le pays prétend qu’il veut promouvoir la liberté de la presse, qu’il a une société ouverte et démocratique, mais pour cela vous devez avoir un media solide » a réitéré Jansen.

La condamnation des deux journalistes à des peines aussi lourdes avait provoqué l’indignation de plusieurs organisations de défense des droits de l’homme et de la liberté d’expression, dont Reporters Sans Frontière (RSF), Amnesty International (AI) et le Comité de protection des journalistes (CPJ). Le dictateur rwandais lui-même, le général Paul Kagame, avait déclaré dans une interview accordée  à un journal  ougandais le 10 novembre 2011 que, 17 ans de prison pour diffamation est trop « disproportionné et négatif pour l’image du pays« .

Dans un communiqué publié en février 2010 après la condamnation des deux journalistes, Reporters sans Frontières s’était dit « choquée par l’entêtement et la cruauté de la justice rwandaise qui vient de prononcer de très lourdes peines de prison à l’encontre d’Agnès Uwimana Nkusi, directrice du bimensuel privé Umurabyo, et l’une de ses journalistes, Saidath Mukakibibi ». « Le verdict porte un coup de plus à la liberté d’expression et d’opinion au Rwanda », avait pour sa part déclaré Amnesty International, qui a vivement dénoncé la répression contre les médias à l’approche des élections présidentielles d’août 2010, remportée haut la main  par l’actuel dirigeant rwandais avec un score stalinien de 93% après avoir emprisonné Déo Mushyayidi, Bernard Ntaganda et Victoire Ingabire Umuhoza, ses principaux concurrents qui souhaitaient prendre part au scrutin.

 Le Comité de protection des journalistes pour sa part, avait  condamné  » l’usage continu par les autorités rwandaises de lois vaguement formulées contre la négation du génocide et le divisionnisme pour intimider la presse et l’empêcher de couvrir de façon critique l’après-génocide ». Dans sa visite au Rwanda le 18 février 2010, le ministre néerlandais  de la coopération Ben Knapen a dit se poser «  des questions sur l’indépendance des tribunaux au Rwanda » après des lourdes condamnations des deux journalistes.

Le Rwanda ne cesse de déflorer la polémique à cause du sort réservé aux journalistes dans ce pays, certaines critiques affirment  qu’exercer le métier de journaliste libre au Rwanda « équivaut à un suicide« . D’ailleurs plusieurs journalistes en ont payé le lourd tribut  pour avoir osé exercer ce métier, c’est le cas de Jean Leonard Rugambage,  le rédacteur en chef d’Umuvugizi, qui a été abattu par balles en juin 2010 devant son domicile. Même les journalistes rwandais en exil ne se sentent plus en sécurité, dans la nuit du 30 novembre 2011, Charles Ingabire, un journaliste rwandais refugié en Ouganda depuis quelques années avait été sauvagement abattu par balles dans une banlieue de Kampala. Très critique envers le régime de Kigali, les services de renseignements rwandais l’avaient maintes fois menacé, et  annoncé leurs intentions de fermer son journal.

Le procès d’Agnès Uwimana Nkusi et Saidath Mukakibibi s’est poursuivi   ce 31 janvier, avant d’être reporté au 17 février prochain à 10h00 (heure locale) nous annonce le média pro-gouvernemental igihe.com.

Jean Mitari
Jambonews.net

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