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Rwanda – La Pétition ougandaise, Partie I : une introduction

Rwanda – La Pétition ougandaise, Partie I : une introduction

Ceci est une synthèse du rapport produit par des réfugiés rwandais vivant en Ouganda, mêlée à une analyse approfondie personnelle ici et là, au fil de l’exposé. Pour revenir au premier, ils ont en effet adressé, le 07 décembre 2011, une requête au Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR), à Genève, suite au communiqué de celui-ci, signalant la mise en vigueur de la clause de cessation du statut de réfugié, à partir du 5 décembre de l’an passé, pour tous les requérants d’asile rwandais établis à l’extérieur. Cette pétition, que je vais exposer en plusieurs chapitres à mesure des publications, se veut donc comme appel à la décision tout du moins étonnante de l’institution.

 Il est cependant important de signaler que le décret onusien dont il est question ici concerne exclusivement les réfugiés qui ont fui

Museveni Kagame Copyright Paul Kagame (flickr yahoo)

Museveni Kagame Copyright Paul Kagame (flickr yahoo)

durant les années comprises entre 1959 et 1998. Et sur cette base, le HCR constate singulièrement que la situation politique au Rwanda s’est depuis stabilisée, c’est-à-dire fin de la guerre civile et/ou conflits armés sur le territoire national, comme le stipule l’article 1C de la Convention de Genève. Dès lors le statut de « réfugié politique » qu’il continuait d’accorder, autant par rapport au traité qu’a la période précisée, est aujourd’hui caduc. Malgré cette précision du HCR, l’annonce de fin de mandat ne provoqua pas moins la consternation des réfugiés et autres organisations des droits de l’homme de part et d’autre. Une décision non fondée estiment ces derniers. Du coup un moratoire a été instauré, décidant par la même occasion le report de la clause de cessation à juin 2013.

Cela dit, la pétition des réfugiés rwandais en Ouganda ne reste pas moins valide. Pourquoi ? Parce qu’il est aussi question de mettre la lumière sur les véritables causes qui poussent ces individus, jusqu’à ce jour, à fuir, parfois en masse, leur pays natal et demeurer en exil. Les auteurs et témoins de la pétition ont alors décidé de détailler (dans un rapport de 90 pages) les réalités du régime rwandais FPR (Front Patriotique Rwandais), justifiant ainsi leurs craintes aux bureaux de l’ONU, seul organe capable de les protéger légalement et internationalement. En effet, que même en Ouganda, pays voisin, les réfugiés sont victimes d’abus. Leurs droits sont souvent annihilés parce que discriminés : refoulements ; ultimatums ; rhétoriques anti-réfugiés rwandais ; destruction de leurs plantations et habitations ; restrictions d’accès à l’assistance humanitaire ; extorsions d’argent ; arrestations arbitraires ; emprisonnements ; famines, etc.

Mais revenons à notre sujet, à savoir celui qui pousse ces rwandais à dresser cette pétition : le FPR. Un parti unique décrit par les réfugiés comme mégalomane, divisionniste, répressif,  anti-démocratique et n’hésitant pas à persécuter son propre peuple. Oui, il est clairement prouvé dans la pétition que le parti monopoliste ne respecte pas les droits et libertés fondamentaux humains. S’ajoutent à ça les appareils institutionnels, non-indépendants, à commencer par la Justice. Celle-ci condamne abusivement, via des lois qu’on connaît comme « idéologie génocidaire » ; « divisionnisme » ou « trouble à l’ordre public ». Des outils surtout utilisés pour taire toute voix critique et réduire sensiblement l’espace politique.

Bien que l’accusation porte sur les dérives actuelles du régime FPR, la pétition ne manque pas de préciser que les premiers crimes contre l’Humanité perpétrés remontent eux à octobre 1990, moment qui marque le début de la guerre civile au Rwanda. Elle évoque alors les massacres des populations Hutu dans le nord du pays, à Byumba, Umutara et Ruhengeri, où il a été pratiqué une véritable épuration ethnique à mesure que l’APR (branche armée du FPR) gagnait du terrain dans sa conquête du pouvoir, avant d’être refoulée. La culmination étant le génocide de 1994, c’est-à-dire le massacre des Tutsi par centaine de milliers et de façon systématique, par ceux communément appelés interahamwe, d’avril à juin y compris. L’APR, parallèlement, fait de même, mais dans le sens inverse, à l’encontre des populations Hutu, et là aussi de façon systématique. Qu’après la prise du pouvoir en juin 1994 par le FPR, celui-ci continue ses exactions. Notamment, aux camps Ndaba ; Rugabano, en octobre et Musanze, en novembre 1994. Mais c’est la tragédie du camp de Kibeho, le 22 avril 1995, qui dépasse l’entendement, surtout parce que les massacres se passent en direct et dans l’impunité totale, le tout sous les yeux de la communauté internationale. A partir de 1996 jusqu’à 2003, l’APR traverse la frontière ouest vers le Zaïre pour traquer et massacrer par centaine de milliers des réfugiés Hutu et populations congolaises locales. Des massacres recensés par le Rapport Mapping, publié en septembre 2010 (qui couvre d’ailleurs la période de 1993 à 2003) et qui pourraient être qualifiés de génocide s’ils étaient portés devant un tribunal compétent.

Au Rwanda, la guerre civile une fois terminée, se voit succédée par des institutions étatiques aux effets tout aussi ravageurs. En premier lieu : les prisons et ses dérivés gacaca (tribunaux traditionnels) et en deuxième lieu  les ingando (camps de «rééducation »). Instruments de répression par excellence, ils ne sont là que pour punir les responsables Hutu du génocide, mais aussi et surtout pour y jeter tous ceux qui ne partagent pas l’idéologie FPR, y compris les Tutsi. Aujourd’hui, l’Etat rwandais se perçoit comme un corps unifié, où le Général Paul Kagame serait la tête présumée. D’ailleurs l’homme fort de Kigali n’hésite pas à faire usage de métaphores propres aux régimes totalitaires pour illustrer cet état de fait. Soit que tout ceux qui contrarient l’organe personnifié dans son existence sont assimilés à des “déchets” que l’organisme – ne sachant que faire d’eux – doit neutraliser, pour ensuite les rejeter et/ou les éliminer à l’ « extérieur » du corps (dans ce cas-ci, de la société). Bref, un processus naturel, voire vital, assuré par les anticorps que sont les sentinelles du service DMI (Department for Military Intelligence). Leur tâche est d’assurer le bon fonctionnement du corps étatique : l’hégémonie ethnocratique FPR. La dernière victime connue à ce jour et recensée par la pétition est le journaliste rwandais exilé en Ouganda, feu Charles Ingabire, assassiné dans la nuit du 30 novembre au 1 décembre 2011. Tout porte à croire qu’il a été tué par les services secrets rwandais, car il avait, auparavant, reçu des menaces de mort de la part de ces derniers. Aussi, avait-il été dépouillé (de son ordinateur) et molesté. Assurément, ils l’ont traqué, jusqu’en Ouganda, afin de le forcer à arrêter d’écrire pour son journal web Inyenyeri, critique farouche du régime FPR.

Sachant cela, vient le paradoxe qu’est celui-ci : le Rwanda réclame au HCR la cessation du statut de réfugié ainsi que le rapatriement des exilés qui ont fui pour des raisons politiques, quand, en même temps, ce même pays continue de pratiquer une répression  excessive sur son territoire, forçant du coup des émigrations massives, justement sous statut de « réfugié politique ». Sans oublier que tous ceux qui fuient le Rwanda sont au final, aux yeux du régime, des “déchets”. Bref, on a à faire à un double discours.

Le pourquoi de ce constat sera expliqué davantage dans la prochaine publication relative au contenu fourni de la pétition.

Jean Bigambo

Jambonews.net

 

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