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Burundi : Un rapport tire la sonnette d’alarme sur la situation des Droits de l’Homme

Burundi : Un rapport tire la sonnette d’alarme sur la situation des Droits de l’Homme

Un rapport de mission internationale d’enquête sur la situation des droits de l’homme au Burundi a été publié le 07 mars 2012 par l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, un programme conjoint de l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) et de la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme.

La carte du Burundi

La carte du Burundi


Suite à l’accroissement des « actes de harcèlement et d’intimidation à l’égard des défenseurs » et ce suite à l’assassinat en avril 2009 d’Ernest Manirumva, ancien Vice-président de l’Observatoire de Lutte Contre la Corruption et les Malversations Economiques (OLUCOME), l’Observatoire a décidé d’envoyer une mission internationale d’enquête afin « d’examiner la situation des défenseurs des droits de l’Homme burundais et de mettre en exergue les différentes formes de pressions, menaces et autres types d’entraves à leur dénonciation des violations des droits fondamentaux dans ce pays.”
Dans son rapport, l’Observatoire exprime, premièrement, qu’elle regrette qu’aucun membre du gouvernement ait répondu aux demandes de visites de ses chargés de mission. «  Ainsi, ces derniers n’ont pas été en mesure de s’entretenir des difficultés rencontrées par les défenseurs des droits de l’Homme dans leurs activités avec les autorités gouvernementales compétentes, au premier rang desquelles le Président de la République et ses Vice-présidents. »
Par ailleurs, l’observatoire déplore l’impossibilité pour la mission de visiter la prison de Mpimba à Bujumbura pour y rencontrer les personnes accusées d’avoir participé à l’assassinat d’Ernest Manirumva ainsi que de rencontrer Jean-Claude Kavumbaga directeur du journal en ligne NetPress. Ce dernier était au moment de la mission en détention préventive depuis juillet 2010  en raison de la publication d’un article remettant en cause les capacités des forces armées burundaises.
Ce refus à la mission de visiter la prison est d’autant plus étonnant au vu des visites régulièrement effectuées par des membres de la ligue ITEKA ou par d’autres organisations de défense des droits de l’Homme. Il est à noter que M. Fatsah Ouguergouz, l’expert indépendant des Nations unies sur la situation des droits de l’Homme au Burundi, qui a réalisé sa première visite du 8 au 17 novembre 2010, a également éprouvé quelques difficultés dans l’accomplissement de sa mission.
Pour l’Observatoire, « ces difficultés rencontrées reflètent l’attitude de méfiance et de défiance du pouvoir à l’égard de tous ceux qui pourraient avoir un regard critique sur l’évolution de la situation des droits de l’Homme au Burundi depuis les élections de 2010. »
L’Observatoire note ensuite que « les faiblesses du secteur de la justice burundais, caractérisées par l’immixtion du pouvoir politique dans les décisions de justice, le manque de moyens matériels et humains alloués à ce secteur, la méconnaissance des textes de lois ou encore par la corruption, sont toutefois persistantes et constituent des entraves à la protection effective des droits garantis dans les textes nationaux et internationaux »
Cependant, l’Observatoire salue la création de la  Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme et en particulier son large mandat qui lui permet de garantir la protection des droits fondamentaux au Burundi, ainsi que son large pouvoir d’investigation. « Il est désormais primordial qu’elle puisse disposer des moyens financiers, techniques et matériels nécessaires à l’accomplissement de son mandat de manière effective et en toute indépendance. Le pouvoir burundais doit surtout s’abstenir de toute ingérence dans l’action de cette commission et les autorités judiciaires, policières et administratives doivent pleinement coopérer avec elle en lui fournissant toute l’assistance requise. »
« L’immixtion de l’exécutif dans les décisions de justice continue par ailleurs d’être la règle et reflète très clairement cette volonté des autorités d’affaiblir toute forme de contre-pouvoir, y compris institutionnel. L’institution judiciaire continue ainsi d’être pleinement au service de l’exécutif et utilisée à souhait par lui pour faire pression sur les voix contestataires du régime », dénonce encore l’Observatoire.
Quant aux départs vers l’exil de plusieurs opposants burundais par crainte d’être arrêtés, elles n’ont, selon l’observation, que pour conséquences de « favoriser la rupture du dialogue politique et d’attiser les rancœurs dans les rangs d’une opposition désormais fragilisée. »
Les acteurs de la société civile devenus la voix principale « par laquelle sont dénoncés les injustices, les violations des droits de l’Homme ainsi que les dysfonctionnements graves de l’Etat sont, dans le contexte politique actuel, devenus « (…) plus vulnérables face au durcissement du régime en place que ce dernier n’hésite plus à les stigmatiser en les assimilant de manière systématique à des partis d’opposition ou en mettant en cause leur indépendance vis-à-vis de ces partis. »
Quant aux défenseurs de droits de l’Homme, désormais « assimilés de manière systématique à des représentants de l’opposition », l’Observatoire observe qu’ils sont  en effet « en proie à des actes de menaces et autres formes d’intimidation, à des actes de harcèlement – y compris judiciaire -, à des arrestations et détentions arbitraires, à des atteintes répétées à leur liberté d’expression et autres formes d’entraves à leurs activités. »
« La plupart des défenseurs rencontrés par la mission de l’Observatoire ont précisé que le manque de volonté de l’Etat de les protéger, qui se révèle en particulier par l’absence d’enquête sérieuse et de poursuites judiciaires contre les auteurs de telles menaces, leur permettait de craindre le pire. Ils prennent en effet ces menaces très au sérieux et craignent qu’elles ne soient mises à exécution, comme ce fût le cas pour Ernest Manirumva, assassiné après avoir été menacé de mort pendant plusieurs mois notamment par téléphone. »
Le rapport note également que plusieurs journalistes, appartenant à des organes de la presse écrite ou de la radio, documentant les violations des droits de l’Homme, ont également subi des pressions de toutes sortes.
L’Observatoire a également exprimé « sa plus vive inquiétude concernant l’existence d’une liste noire de 40 personnes à éliminer ».
L’observatoire recommande dès lors, entre autres, à l’Union Européenne « d’impliquer systématiquement les associations de défense des droits de l’Homme burundaises dans les dialogues politiques entre l’UE et les autorités burundaises dans le cadre de l’Accord de Cotonou » mais aussi « de se conformer aux Orientations de l’UE concernant les défenseurs des droits de l’Homme ».
Quant aux autorités burundaises, il leur est recommandé, entre autres « de garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme burundais » et « de mettre un terme aux actes de harcèlement, y compris judiciaires, et autres formes d’entraves à l’action des défenseurs des droits de l’Homme, de garantir leurs droits et libertés fondamentales conformément aux dispositions des instruments régionaux et internationaux des droits de l’Homme ratifiés par le Burundi ».
Laure Uwase
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