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Où va la RDC avec l’accord d’Addis-Abeba et la résolution 2098 ?

Où va la RDC avec l’accord d’Addis-Abeba et la résolution 2098 ?

Depuis le début de cette année 2013, les enjeux sécuritaires en RDC et plus particulièrement dans l’est, sont au centre de toutes les tractations. La signature de l’accord-cadre d’Addis-Abeba, le 24 février dernier, a marqué, d’une certaine manière, le lancement de la nouvelle stratégie de communication du gouvernement congolais. Concernant l’accord-cadre, le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende et le Ministre des Affaires étrangères, Raymond Tshibanda n’ont eu de cesse d’exposer le bien-fondé et l’ambition de l’accord qui, comme nombre de ses prédécesseurs, vise à rétablir la paix en RDC.
Pour rappel, onze chefs d’Etat africains ont signé, en présence de Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations unies, un accord-cadre visant à instaurer la paix en RDC. Les signataires, notamment le Rwanda et l’Ouganda, se sont engagés alors à ne soutenir aucun groupe armé en RDC. L’accord décline aussi toute une série de recommandations que la RDC s’est engagée à suivre. Néanmoins, selon Lambert Mende, cet accord aurait la plus-value de mettre l’accent sur des « aspects extérieurs de cette conflictualité récurrente »[1]. Autrement dit, de souligner des responsabilités autres que celles du gouvernement, sous-entendant ainsi l’action du Rwanda et de l’Ouganda. Désireux de légitimer son action face à une opinion publique de plus en plus lasse de promesses continuellement renouvelées, le gouvernement a donc amorcé cette campagne « pédagogique » pour rassurer et redonner confiance au peuple congolais.
Cependant des inquiétudes apparaissent assez vite à la lecture de l’accord-cadre. En effet, même, s’il se réclame d’une approche globale incluant les différents pays de la région pour stabiliser RDC, il n’en reste pas moins « un nouvel accord» comme l’ont été les précédents se réclamant également d’une dynamique inclusive mais n’ayant, pour aucun d’eux donné de résultats réellement mesurables et ce, depuis plus d’une décennie. De plus, certaines voix se sont élevées dénonçant une mise sous tutelle de la RDC qui seule doit s’engager à se démocratiser et à se réconcilier avec les pays voisins[2]. A ajouter à cela, le fait qu’au jour d’aujourd’hui en RDC, plane sur toute nouvelle initiative, qu’elle soit régionale ou téléguidée par la communauté internationale, des soupçons d’un agenda caché.
Les Nations Unies au secours du gouvernement congolais
Pourtant, cette fois-ci, la communauté internationale par l’entremise du Conseil de sécurité, semble vouloir véritablement allier les paroles aux actes. Le 28 mars, le Conseil adopte la résolution 2098 qui vise à créer une brigade d’intervention avec un mandat offensif. De quoi alimenter davantage la rhétorique gouvernementale qui de la pédagogie du bien-fondé de l’accord d’Addis-Abeba est passée à une séance d’autocongratulation. En effet, Kinshasa estime que cette résolution n’est ni plus ni moins la matérialisation de l’efficacité de sa diplomatie et ne se prive de le relayer dans la presse comme en témoigne les différentes sorties des officiels[3]. En quelque sorte, les Nations-Unies sont venues porter secours au gouvernement congolais qui depuis les élections peine à convaincre ses citoyens. La mise en mouvements du Conseil de sécurité sur la situation au Congo donne alors de la substance aux discours du pouvoir en place mais l’attente de résultats reste grande.
Par ailleurs, le gouvernement, qui pour certains, s’évertue à défendre l’indéfendable, tenait des négociations avec le M23 à Kampala alors que, paradoxalement, ce même groupe est listé dans la résolution 2098 comme l’un des groupes armés à combattre. De quoi se demander quelle sera la portée réelle sur le terrain de la brigade d’intervention onusienne. L’imbroglio politico-militaire que constitue les réintégrations et désertions successives au sein de l’armée congolaise ne facilitera en rien l’action de la brigade d’intervention. Ensuite, l’idée de voir un contingent de 3069 hommes venant de pays étrangers (Afrique du Sud, Malawi et de Tanzanie) faire ce que l’armée congolaise n’est jamais parvenu à faire depuis plus de dix ans, sonne plutôt comme un aveu d’échec, et de la gestion militaire et du leadership du président Kabila qui est le chef des armées[4]. D’autres questions plus opérationnelles peuvent également être soulevées quant à la mise en action et à la collaboration des forces onusiennes et les FARDC. Le M23 ayant accueilli assez négativement la création de la brigade d’intervention s’est déjà lancé dans une campagne d’intimidation dans les médias et envers la population.
Quel rôle pour le Rwanda ?
Enfin, le texte de la résolution stipule « l’engagement et la bonne foi des Etats signataires de l’accord-cadre d’Addis-Abeba ». Cet argument de bonne foi ne peut qu’inquiéter quand on sait que deux des Etats signataires sont nommément accusés dans un rapport d’un groupe d’experts onusiens de soutenir des groupes armés dans la région, ces mêmes groupes armés que la brigade a pour mandat d’éradiquer. De plus, selon le quotidien l’Avenir, le Rwanda et l’Ouganda se seraient déjà mis en mouvement. En effet, le journal fait état de 2800 militaires ougandais et 1200 rwandais qui auraient traversé la frontière pour porter main forte au M23 et contrecarrer  les FARDC et la brigade d’intervention. Sans pouvoir certifier ces informations, elles viennent s’ajouter au climat de suspicion actuel.
Et si aujourd’hui, le gouvernement congolais et les forces onusiennes semblent vouloir en découdre avec le M23, comme en témoigne les récentes déclarations des officiels[5], l’atmosphère n’en demeure pas moins peu rassurante à l’entame du déploiement onusien. Puis, la percée diplomatique de Kigali ne fait qu’éveiller les craintes congolaises quant à ses prochains mouvements. En effet, malgré les oppositions, le Rwanda a accédé, avec un vote de 148 voix sur 196, à un siège de membre non-permanent du Conseil de sécurité allant même jusqu’à s’asseoir, depuis le premier avril, sur le siège de la présidence tournante du Conseil. Certes les prérogatives de ce statut restent limitées mais savoir le Rwanda, qui pour beaucoup de Congolais est l’un des principaux protagonistes de la crise actuelle, à la tête de l’organe coercitif des Nations-Unies agite quelque peu la spéculation pour la suite des évènements.
Les scénarii potentiels
En définitive, l’accord-cadre d’Addis-Abeba couplé à la résolution 2098, malgré les réserves émises quant à leur application, restent des opportunités pour faire avancer la situation en RDC. Par contre, les autorités congolaises devront se donner les moyens pour que des résultats concrets puissent émerger et la collaboration entre FARDC et les forces onusiennes devra être des plus efficaces et d’une implacable transparence pour entamer un redressement effectif de la gestion sécuritaire en RDC.
Dans une dynamique de court terme, le gouvernement pourra aisément surfer sur la vague de la mise en action de la brigade d’intervention pour convaincre l’opinion de sa réactivité. Cependant à moyen terme, les premiers résultats sur le terrain seront déterminants et la clarification des relations avec le M23 seront aussi nécessaires.
Enfin à long terme, deux scénarii pourraient se profiler. Le premier, plus optimiste, verrait le gouvernement, conjointement aux actions militaires sur le terrain, s’activer par rapport aux nombreuses réformes attendues par les citoyens et surtout réaffirmer la souveraineté du Congo sur la totalité du territoire pour battre en brèche tout dessein de balkanisation du pays. L’initiative onusienne pourrait donc être un réel moteur de progrès pour la RDC à condition qu’il soit accompagné d’un agenda politique clair. Le deuxième scénario se veut plus pessimiste et, dans une certaine mesure, se place dans la lignée des feux de paille et effets d’annonce qui ont bordé la vie politique congolaise. On verrait alors le gouvernement ériger comme paravent l’action onusienne pour masquer une certaine apathie politique quant aux réformes structurelles du pays et de l’armée. Il s’engagerait dans une série d’annonces et de mesurettes pour défendre son bilan à l’approche des élections de 2016.
 
Michael Mutombo
Jambonews.net

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