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RDC : Et si la balkanisation venait de l’intérieur ?

RDC : Et si la balkanisation venait de l’intérieur ?

Parmi tous les fléaux qui touchent la RDC, il en est un qui attise particulièrement les craintes du peuple congolais : voir le Congo morcelé.
Pourtant, ce vieux démon qu’est la balkanisation ne date pas d’hier. Déjà en 1960, sous l’égide de Moïse Tshombe, la souveraineté territoriale avait été mise à mal par la déclaration d’indépendance de la riche province du Katanga. La sécession katangaise fut suivie en 1961 de celle de l’Etat autonome du Sud-Kasaï sous la direction de Albert Kalonji. Cependant, ces épisodes intervinrent dans un contexte particulier où se mêlaient enjeux économiques, politiques, identitaires, ingérences extérieures et rivalités Est-Ouest. Il n’en demeure pas moins que jusqu’à présent un possible démantèlement de la RDC reste la  hantise de beaucoup de Congolais.
Actuellement, lorsqu’il est question de balkanisation, le doigt est inévitablement pointé vers l’Occident. L’un des derniers faits marquants qui avait alimenté les suspicions date de janvier 2009. En effet, lors d’un discours à l’Elysée à l’occasion des vœux annuels du corps diplomatique, l’ancien président français Nicolas Sarkozy avait évoqué un partage des richesses et de l’espace entre la RDC et le Rwanda pour venir à bout du conflit de la région des Grands Lacs[1] . Cette déclaration qui intervenait à la période même où Paris était en phase de reprise de relations diplomatiques avec Kigali avait bien sûr provoqué un tollé dans les milieux congolais.
Autre évènement plus récent qui a agité une fois de plus le spectre de la balkanisation venait, cette fois-ci, de Washington. Lors d’une conférence au centre de recherche Brookings Institute, en février dernier, le secrétaire d’Etat adjoint américain pour l’Afrique, Johnnie Carson expliquait qu’une implication internationale était nécessaire pour instaurer la paix en RDC[2]. Il appuya son propos par l’exemple pour le moins évocateur du processus international de paix déployé en Yougoslavie et au Soudan. De quoi soulever de nouveau l’indignation du peuple congolais sachant que de la Yougoslavie est né 7 nouveaux Etats et que le Soudan a été divisé en deux Etats.
L’Etat dans tous ses états
Pourtant, si les regards se portent à l’extérieur des frontières, des facteurs endogènes pourraient aussi contribuer à l’éclatement de la RDC. En effet, face à un sentiment d’inaction récurrente de l’Etat notamment sur les questions sécuritaires, on assiste au réveil de certaines velléités sécessionnistes. De plus, la multiplication de ce qu’on pourrait appeler des zones de non-droit ne fait que déstabiliser davantage le pays sans que l’Etat ne parvienne à donner de réponses suffisantes.
Le tristement nommé « triangle de la mort » entre Manono, Mitwaba et Pweto au nord du Katanga est le théâtre de violences, pillages et de viols perpétrés par des milices mais également par des éléments des FARDC comme le rapporte le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU[3]. Concernant les violences, les deux Kivu ne sont pas en reste avec la présence de groupes armés tels que les Maï-Maï Yakutumba, les Rayia Mutomboki ou encore le M23. A ajouter, le Front de résistance patriotique en Ituri et les Maï-Maï Morgan en Province orientale[4]. Certes ces groupes ont des revendications diverses mais ces conflits à répétition et ces zones de non-droit ébranlent un peu plus tous les jours l’unicité de la RDC.
Au-delà, des troubles et des violences, leur gestion est encore plus significative du malaise ambiant en RDC.  Comme l’explique Marc-André Lagrange de l’International Crisis Group, les pouvoirs locaux, régionaux et les Nations unies semblent se substituer de plus en plus à l’Etat dans la gestion des crises[5]. Ainsi, la réédition des Maï-Maï Bakata Katanga, réclamant l’indépendance de la « Province du cuivre », qui était entré dans Lubumbashi, aurait été négociée par le gouverneur du Katanga et la MONUSCO. Cette « gouvernance de substitution » pourrait, à terme, attiser, non plus les volontés séparatistes de groupes armés mais des forces politiques elles-mêmes,d’autant plus que cette question est historiquement très sensible au Katanga.
Le Katanga, terre de tous les défis
Le choix du Katanga pour initier le processus de décentralisation est à la fois judicieux et un véritable défi pour le gouvernement. Cette province qui avait massivement soutenu Joseph Kabila lors des élections semble aujourd’hui déchanter, en témoigne le réveil des Maï-Maï Bakata Katanga et les milices de Gédéon. Représentant à elle seule une bonne partie des challenges de la RDC, elle est  marqué t par des dissensions internes entre le nord, plus pauvre et confronté aux conflits et le sud, terre des minerais. Or dans le contexte actuel, la réforme qui préconise la division du Katanga en 4 provinces, risquerait d’empirer la situation au nord. En effet, laisser le nord, en quelque sorte, livré à lui-même sans ressources et sans que les questions sécuritaires soient réellement prises en considération, pourrait le mener purement et simple à l’anarchie.  . Il faut ajouter à ce cocktail déjà explosif, les récents échanges musclés entre Moïse Katumbi, le gouverneur du Katanga et le gouvernement central sur la question du code minier.
Dans cette configuration quelque peu chaotique, l’Etat devra montrer une réelle volonté d’afficher un cap clair qui prendrait en compte toutes les caractéristiques en présence ; sans quoi, sur le long terme, ce serait l’ouverture de la boîte de pandore qui laisserait échapper, entre autre, ce mal que représente la balkanisation. L’accumulation des conflits, le manque de dialogue entre les niveaux de pouvoirs et une décentralisation bancale, le tout dans un pays grand comme l’Europe occidentale mènerait la RDC sur une voix dangereuse.
La décentralisation, une solution?
Si le tableau dépeint paraît assez alarmiste, les solutions existent. Il faut, avant tout, souligner le courage et la persévérance du peuple congolais qui malgré toutes les crises lutte pour une RDC une et indivisible. Ensuite, la décentralisation apparaît comme une nécessité pour l’avenir de la gestion du pays. Cependant, sa mise en application semble rencontrer quelques obstacles car elle a été adoptée depuis 2006 et jusqu’à présent, les résultats peinent à se faire ressentir. De plus, aussi louable et ambitieux qu’il puisse être un processus d’aménagement territorial et de transfert de compétences dans un Etat grand comme la RDC a besoin préalablement que cet Etat ait affirmé pleinement sa souveraineté sur son territoire. Il serait peut-être bon pour le gouvernement de, d’abord, sécuriser sa population et ensuite, de réinstaurer la concertation, la responsabilité et la confiance entre les niveaux de pouvoir pour que la loi soit respectée. Enfin, plusieurs analystes congolais préconisent également la neutralisation de plusieurs agents internes de la balkanisation tels que les « soldats sans frontières ». Ceux-ci, qui selon les conjonctures, changent de nationalité comme ce fut le cas de James Kabarebe qui, entre octobre 1997 et juillet 1998, avait occupé la fonction de chef d’Etat-Major des Forces Armées Congolaise, qui aujourd’hui, occupe la même fonction au Rwanda[6] .
Une fois de plus, l’action de l’Etat sera décisive quant à l’avenir de la RDC. Sans une vision claire de la décentralisation accompagnée d’une réelle volonté politique, le spectre de balkanisation pourrait resurgir.
 
Michael Mutombo
Jambonews.net

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