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Rwanda: Le parti Ishema dévoile son programme à Bruxelles

Rwanda: Le parti Ishema dévoile son  programme à Bruxelles

Fondé il y a à peine trois mois par l’abbé Thomas Nahimana et ses amis, le parti Ishema est venu à Bruxelles  dimanche le 28 avril afin de présenter le cœur de son projet

Conférence du parti Ishema à Bruxelles, photo: jambonews.net


Invité par l’Association internationale Paix et Démocratie (AIPAD), le parti Ishema a réuni une centaine de personnes dans le centre de Bruxelles pour présenter son projet politique. La conférence était animée par  l’Abbé Thomas Nahimana, Secrétaire général de ce nouveau parti, Basesayabo Déogratias, responsable du parti en Belgique, et  Nadine Claire Kasinge, porte parole du parti et responsable de la formation au Canada. L’intervention de l’abbé Thomas Nahimana au cours de cette conférence visait à répondre à six questions fondamentales : l’abbé Thomas est-il un vraiprêtre ou le patronyme « abbé » est juste un surnom ? Comment le parti Ishema a-t-il vu le jour (les coulisses) ? Comment interpréter la crise rwandaise ? Qui en est l’instigateur ? Quel est le chemin le plus juste pour éradiquer un pouvoir oligarchique? Si jamais le parti Ishema arrivait au pouvoir, quelles seraient ses priorités ?
 
Qui est abbé Thomas Nahimana
Connu pour être l’un des fondateurs du site d’information le « Prophete.fr »(Umuhanuzi en Kinyarwanda), très critique envers le régime de Paul Kagame, l’abbé Nahimana est revenu au cours de sa conférence sur ce qui l’a poussé, en plus d’être un homme d’église,  à endosser une posture d’opposant au régime de Paul Kagame.
L’abbé Thomas Nahimana a tenu à éclaircir la question que beaucoup de gens se posent, « Thomas Nahimana est-il prêtre ou pas ? ». Il a bien précisé qu’il était bel et bien prêtre. Il est revenu sur son parcours scolaire entamé en petit séminaire de Nyundo et 2 ans au grand séminaire de Kagbayi. Il a poursuivi le grand séminaire à Nyakibanda à cause de la guerre de 1994, et a été ordonné prêtre le 14 juillet 1999. Il a commencé son sacerdoce dans la paroisse de Nyamasheke, puis à Hanika, et afin à Muyange. Avant d’aller enseigner au petit séminaire de Nyundo, il a aussi dirigé pendant 6 ans la Commission justice et paix dans la paroisse de Nyamasheke, et ce dans le cadre national. Il dit d’ailleurs que c’est au cours de ses fonctions dans la commission « unité et réconciliation », mais aussi dans son église, qu’il a pris conscience de « l’ampleur de l’injustice que le régime de Paul Kagame fesait subir à la population rwandaise ».
L’abbé Nahimana est revenu sur un événement particulier qui l’a marqué et lui a ouvert les yeux quand il revenait d’un voyage au Congo en 2005. « En mars 2005 nous nous sommes rendus au Congo dans le cadre de la commission justice et paix, une association des femmes nous avait invités, j’accompagnais un groupe des femmes qui répondait à cette invitation. Arrivés au Congo nous avons eu des problèmes avec les Congolais qui nous accusaient de provoquer les troubles chez eux. C’était en 2005, période de la guerre à l’Est du pays, et le gouvernement accusait le Rwanda de soutenir la rébellion. Nous nous sommes défendus et avons soutenu le Rwanda en affirmant que le Rwanda est un pays souverain qui a besoin d’être respecté. Pourtant en arrivant à la frontière côté rwandais en rentrant de cette mission, on nous a mis en prison en nous accusant d’être allés rencontrer des Interahamwe  C’est à ce moment que j’ai compris que le Rwanda était une prison. Ils m’ont retiré immédiatement mon passeport, ils me l’ont restitué en septembre (6 mois plus tard NDRL) et j’ai quitté le pays en décembre (2005 : NDRL) », témoigne-t-il.
L’abbé Nahimana relate également l’injustice qu’il observa chaque dimanche au cours de la messe et qui lui a fait comprendre qu’il ne fallait pas seulement se contenter d’implorer le bon Dieu, mais agir.
« Quand j’ai été ordonné prêtre, je pensais que ma vie était de dire la messe, célébrer les sacrements, aider les pauvres, prier et c’est tout. Néanmoins je me suis rendu compte qu’à chaque dimanche, il arrivait fréquemment que certains fidèles assidus manquent à l’appel et personne ne pouvait dire où ils étaient. Quand je demandais les gens me disaient qu’ils ne savaient pas où ces personnes se sont volatilisées, néanmoins, quelquefois ils me disaient que certains sont à l’hôpital car ils avaient été frappés, d’autres en prisons. Je me suis rendu compte que même le fait de poser les questions sur les disparitions de mes fidèles me mettait en danger ».
L’abbé Nahimana déclare avoir compris à travers ces abus que subissait la population, qu’au Rwanda il y a des problèmes politiques qui ne peuvent pas être résolus par les prières, tout en avouant l’importance de la prière. « On priait tous les jours, mais là, on avait en face des problèmes politiques » dit-il avant d’ajouter, « je vous rappelle que les prières n’ont pas empêché la guerre ni le génocide de se produire, je ne veux pas dire que les prières n’ont pas de valeur, mais les prières n’empêcheront quand même pas Kagame de tuer les gens ».
« La démocratie de la Petite Cuillère » 
Le parti Ishema se dit être déterminé plus que jamais pour combattre ce qu’il appelle « la démocratie de la Petite Cuillère« . Cette démocratie de la Petite Cuillère évoquée par Basesayabo Déogratias, responsable du parti Ishema en Belgique, traduit « toute l’injustice à laquelle la population rwandaise est soumise par le régime en place » dit-il.
Un jour l’homme fort du Rwanda Paul Kagame déclara « Je peux vider un tonneau par une petite cuillère ». D’après Basesayabo, cette petite cuillère de Paul Kagame s’est petit à petit manifestée : « il s’agit d’envoyer des bombes dans les marchés, dans les villages pour massacrer les populations, il s’agit d’endormir la population par une éducation de mauvaise qualité, les juridictions populaires Gacaca dont l’objectif dissimulé est de juger tout Hutu,  la création des groupes criminels comme le M23 qui massacrent les populations, c’est ça la démocratie de la petite cuillère à laquelle a fait allusion Paul Kagame » déclare Basesayabo devant une assemblée gagnée par son discours.
« Au Rwanda un rescapé du génocide donne naissance à un rescapé, et ce nouveau rescapé à un autre, ainsi de suite, ce système permet à ces rescapés par hérédité de bénéficier de nombreux avantages, notamment une éducation gratuite ; tandis qu’ une grande partie de la population ne peut pas scolariser ses enfants faute de moyens » poursuit Basesayabo.
Comment le parti Ishema a vu le jour (les coulisses) ?
L’abbé Thomas Nahimana est longuement revenu sur les événements du 28 janvier dernier, date à laquelle le parti Ishema a été lancé par une douzaine de personnes venues de tous les horizons, toutes les religions, toutes les régions du Rwanda, Hutu et Tutsi. D’après le président fondateur du parti, il était primordial que toutes les composantes sociopolitiques, ethniques et régionales du pays soient représentées, même si l’abbé Nahimana dit ne pas croire à un seul instant que les problèmes du Rwanda soient ethniques ou régionaux. Les maux rwandais  « c’est l’ignorance, la pauvreté, c’est le pouvoir qui est monopolisé par un groupuscule qui s’en sert dans ses intérêts propres » dit-il.

Le parti Ishema a débuté par un journal en ligne «leprophète.fr ». En fondant le journal avec un autre prêtre, l’abbé Nahimana assure que l’objectif n’était pas de fonder un parti politique, mais de dire la vérité sur ce qui se passe au Rwanda pour donner l’occasion aux gens de dire au moins ce qu’ils pensent. Le Secrétaire général du parti Ishema trace les débuts difficiles du journal « le Prophète« . « Au début quand on a fondé ce journal en ligne, on recevait pas mal d’insultes, les commentaires sur les articles comportaient en grande partie  que des insultes. Au Rwanda, le gouvernement disait que ce qu’on écrivait dans ce journal est un venin plus dangereux qu’une charge propulsive d’une balle. Ils disent que le Prophète est un poison », témoigne t –il.
L’abbé est aussi revenu sur les menaces que sa famille aurait endurées à cause de ce qu’il écrit dans son journal.
« Ma famille a été menacée, on empêchait mes frères de me téléphoner et les obligeait à me dire que si le journal n’est pas stoppé ça va mal se passer pour eux. Nous avons refusé de suspendre le journal, le gouverneur (de la région NDRL) en personne est allé dans ma famille en grinçant les dents, seulement pour montrer à ceux qui l’observaient qu’ils devaient me transmettre le message que le journal devait s’arrêter pour leur épargner les ennuis » poursuit l’abbé Nahimana.
« Constatant qu’il n’arrivait pas à arrêter le site par ce genre de menaces, le régime a fait appel à mon évêque, qui m’a dit que si je n’arrêtais pas le site mon sacerdoce allait être compromis. Il s’en est suivi une longue tractation, je publiais en ligne les courriers qu’on échangeait. Moi je lui disais que « je ne fermerai pas la bouche, qu’au lieu de fermer la bouche, je quitterai ma fonction ecclésiastique » ; je ne resterai ainsi qu’avec ma liberté de parole. Après avoir décidé que je ne pouvais pas me taire et faire taire les autres, j’ai décidé d’arrêter pendant une période d’un an mes activités ecclésiastiques, notamment de dire la messe, et je me suis mis à chercher les gens pour fonder un parti politique. Je ne voulais pas mélanger la politique et la religion. J’ai fait cela parce que je suis convaincu que les problèmes politiques ne peuvent pas être résolus par les prières ; c’est bien de prier je vous le conseille même, je ne veux pas dire que le ciel n’aide pas, mais le ciel aide celui qui s’aide lui-même » affirme-t-il.
«  C’est bien de prier, mais on doit savoir que Dieu n’a pas d’autres bras que les nôtres, il n’a pas d’autres têtes pour réfléchir que les nôtres, Dieu ne fera rien pour nous, si nous ne nous levons pas pour faire quelque chose. S’il y a une chaise renversée à côte de toi, c’est à toi de la relever pour la placer en bonne position, si tu ne le fais pas, demain tu la trouveras toujours renversée » poursuit le conférencier sous les applaudissements de la salle.
Pourquoi un nouveau parti d’opposition alors qu’il en existe des dizaines en exil ?
L’abbé Nahimana affirme n’avoir jamais eu auparavant l’intention de fonder un parti politique, ni se lancer en politique, parce qu’il voyait qu’il existait plusieurs partis d’opposition, et des opposants chevronnés, plus habiles à sortir la population dans la spirale d’injustice que les régimes qui se sont succédés au Rwanda l’a plongée.
« Quand j’étais au Rwanda, j’avais appris qu’il y avait pas mal des partis d’opposition en exil. Arrivé à l’extérieur du pays, j’envisageais de me consacrer à ma fonction sacerdotale car je pensais que les leaders de l’opposition en exil avaient les choses en main ». À son arrivée en exil en France, l’abbé Nahimana dit s’être rapproché d’abords de l’ancien premier ministre Faustin Twagiramungu et lui a interpellé en ces mots  «  je viens du Rwanda où la situation est chaotique, qu’envisagez vous de faire ? » « Rien, que veux tu que nous fassions ? Par contre toi qui es encore jeune, si tu veux faire quelque chose, je te soutiendrai » a rétorqué son correspondant. Le prêtre qui avait misé  sur l’opposition en exil pour faire bouger les choses, avoue avoir été déçu de voir que l’opposition politique en exil était inactive face à la situation socio politique très dure au Rwanda. « J’ai même discuté longuement avec Madame Ingabire Victoire, une dame courageuse qui avait des idées et une bonne volonté, et un programme solide.  Néanmoins ce qui m’a interpellé est que  je voyais une femme courageuse, mais qui était seule ; il y’avait bien sûr pas mal des gens autour d’elle, mais ça se voyait elle était seule quand même » affirme le prêtre.
L’abbé Nahimana admet même qu’après avoir été déçu par l’opposition non armée, s’être approché de la rébellion des Forces Démocratiques de la Libération du Rwanda (FDRL), car il trouvait que ce mouvement était la seule alternative vu qu’il avait une armée. Il avoue même avoir sollicité les responsables des FDRL pour l’ autoriser à s’installer dans le maquis avec eux, où il pouvait ainsi apporter sa pierre à l’édifice en disant la messe aux combattants, et en créant un fonds pour les soutenir. Néanmoins les FDRL n’ont pas voulu de lui, car ils disaient « qu’un prêtre n’a pas sa place dans le maquis« . Il y avait aussi la méfiance car l’abbé Nahimana venait de quitter le Rwanda, il pouvait facilement être vu comme un faux opposant à la solde du régime.
Déçu de toutes parts, c’est ainsi que le prêtre avoue avoir eu l’idée de fonder son propre parti « avec les gens ayant une bonne volonté ».
Le programme et la stratégie du parti Ishema.  
Le parti n’a pas divulgué un programme détaillé au cours de la conférence à Bruxelles. Néanmoins des pistes et méthodes d’action et leur vision ont brièvement été dévoilées. Les responsables du parti affirment vouloir que les choses aillent vite, surtout en ne suivant pas la même stratégie que celle empruntée par les partis de l’opposition qui ont fait tout leur possible pour changer les choses mais sans réussir à débloquer la situation.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
Pour résumer la stratégie de son parti, le Secrétaire général s’est appuyé sur cette Image.
Le parti annonce s’être donné 24 mois pour aboutir à quelque chose de concret. Pour cela ils ont annoncé qu’ils vont travailler partout en petites sections de 6 personnes, néanmoins au Rwanda, ces groupes vont au début travailler discrètement pour éviter les sabotages. Ainsi, dans les prochains jours des colloques de concertation avec différentes sections du parti vont-ils débuter afin d’élaborer un programme et une stratégie à suivre. Le parti cherche d’urgence à créer une radio pour pouvoir communiquer avec la population ; pas une radio qui diffuse sur Internet comme il en existe déjà, mais une vraie radio qui puisse toucher un paysan du bas fond de la campagne. Au niveau international, le parti Ishema dit vouloir montrer aux pays ayant des intérêts dans la région des Grands Lacs que leurs intérêts peuvent bien être garantis tout en préservant les intérêts de la population locale.
Les responsables du parti ont tenu à réaffirmer que la solution à la crise rwandaise n’était pas le partage du pouvoir comme nombreux l’envisagent. « Le pouvoir ne se partage pas » dit l’abbé Nahimana, « la solution est le chemin qui mène au pouvoir. La solution est de voir comment un citoyen qui veut accéder au pouvoir peut le faire, et le chemin qu’il peut emprunter. Si c’est par le vote, faire campagne, annoncer un programme, respecter la limite de mandat » a-t-il conclu.
Jean Mitari
Jambonews.net
 

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