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Le Congrès National Rwandais (RNC) : l’histoire, la justice et la réhabilitation de ses leaders

Le Congrès National Rwandais (RNC) : l’histoire, la justice et la réhabilitation de ses leaders

L’actualité politico-judiciaire récente nous conduit à tenter une meilleure compréhension de la situation politique de la formation politique d’opposition, RNC, dirigée par d’anciens hauts cadres du FPR (Front patriotique rwandais). 
Le leadership et son passé au sein du FPR
spec001pixLe noyau des dirigeants du RNC est en effet composé d’anciens hauts dignitaires du régime actuel à Kigali dont certains sont poursuivis pour les crimes qui auraient été commis sous leur autorité. C’est le cas du Général Nyamwasa , qui est sous le coup de mandats d’arrêt de trois pays (chronologiquement la France, l’Espagne et le Rwanda).
Il est poursuivi en France pour l’attentat d’avril 1994 qui a coûté la vie à deux chefs d’Etat burundais et rwandais, leurs accompagnateurs et l’équipage français. Il fait partie des neuf personnalités du régime rwandais contre lesquelles la justice française a lancé des mandats d’arrêt en 2006. Kayumba Nyamwasa figure par ailleurs sur la liste d’une quarantaine d’officiers rwandais suspectés par l’Espagne d’être responsables de la mort de plusieurs ressortissants espagnols.
À l’instar du Dr Théogène Rudasingwa (ancien secrétaire général du FPR, ancien chef de cabinet de Paul Kagame et actuellement Coordinateur du RNC), l’homme jadis le plus populaire au sein de l’armée du Front patriotique rwandais affirme détenir des informations impliquant le président Paul Kagame dans cet attentat et être prêt à les transmettre à la justice.
Les obstacles à la justice : le cas Nyamwasa et l’Afrique du Sud
Le général Kayumba Nyamwasa, ancien chef d’état-major a été depuis le jour de son exil en Afrique du Sud un élément de discordes diplomatiques, judiciaires voire de sécurité nationale depuis que le Rwanda aurait attenté à sa vie en 2010 en pleine ambiance de la coupe du monde.
Comme le révélait RFI le vendredi 18 octobre, depuis un an et demi, la justice française demande en vain à l’Afrique du Sud l’extradition du général dans le cadre de l’enquête sur l’attentat contre l’avion de l’ancien président rwandais Juvénal Habyarimana. Contacté par Jambonews, Maître Meilhac, avocat de la famille Habyarimana, a déclaré que cette demande se heurte aux obstacles de plusieurs natures : tout d’abord il y a au moins trois mandats d’arrêt à son encontre, ensuite on ne peut pas le considérer comme simple témoin pour que les juges aillent l’entendre sur place car il est lui-même accusé. Enfin, il y a aussi des enjeux politico-diplomatiques qui peuvent être expliqués par la volonté de l’Afrique du Sud de rester « neutre » par rapport aux pays demandeurs et leurs intérêts respectifs. En plus de ces difficultés spécifiques, il faut rappeler que même entre des pays qui ont l’habitude de coopérer en matière judiciaire, les demandes d’extradition prennent de longues durées procédurales.
Maître Meilhac relativise aussi le crédit qu’il faut accorder aux témoignages de ces anciens du FPR et Nyamwasa en particulier pour ce qui concerne l’attentat qui a déclenché le génocide de 1994. Il aurait été lui-même au cœur de ce crime et aurait donc intérêt à noircir certaines vérités. Pour ce qui concerne son éventuelle arrivée en France, il est désormais question de rapports entre deux États où les juges n’ont pas beaucoup de marge de manœuvre.
De la mouvance à l’opposition et la réhabilitation dans cette même opposition
Des hommes jadis piliers du système FPR, dont un ancien chef d’état-major, et ancien chef des renseignements, un ancien secrétaire général, un ancien procureur général et un ancien chef des renseignements extérieurs ont mis fin à leur collaboration avec le général Paul Kagame et ont été « contraints » à s’exiler.
Trouvant un désordre politique et l’absence d’une véritable opposition dans la diaspora rwandaise, ils ont pris l’avantage de leurs personnalités et des fonctions qu’ils occupaient pour s’imposer et se présenter comme des gens pouvant être l’alternative à Paul Kagame.
Cependant, ils peinent à se faire accepter comme des leaders dignes de confiance au regard de leur lourd passé au sein du FPR ; organisation dont ils ne mettent pas en cause les pratiques, préférant mettre toutes les critiques sur le compte d’un seul homme sans jamais soulever des problèmes de fond quant aux visées collectives du mouvement, ses manières et les crimes de dirigeants, dont beaucoup, ont été commis lorsqu’ils avaient encore de hautes responsabilités.
On peut citer les tueries des civils dans les zones occupées par le FPR pendant la guerre 1990-1994, celles de Kibeho en 1995 , les massacres des réfugiés de la cathédrale de Byumba , les massacres des réfugiés rwandais en RDC ou encore ceux commis dans le nord du Rwanda en 1997-98 contre les populations civiles prises en otage entre deux feux.
L’influence du passé sur le présent
Ces responsables ont du mal à s’imposer comme leaders. C’est également le cas pour la plupart des personnes qui se sont impliquées dans la politique rwandaise par le passé. Cela aussi explique l’absence d’une classe politique expérimentée qui serait une alternative au FPR. En effet, presque tous les politiciens rwandais ont été impliqués de loin ou de près, et/ou de par les partis politiques auxquels ils étaient affiliés, dans la descente aux enfers du Rwanda.
Récemment encore, le 30 septembre dernier, lors d’une conférence tenue à Bruxelles, Dr Rudasingwa dénonçait le fait que le public de l’opposition demande sans cesse aux dirigeants du RNC de rendre des comptes de leur passé dans le FPR — bien qu’ils se soient excusés — alors que du côté des anciens responsables sous les règnes du MRND de Juvénal Habyarimana et du MDR de Grégoire Kayibanda le public ne demande rien. En même temps, faisons remarquer que ces derniers ne s’intéressent plus à la politique en voulant mener l’opposition.Ceci s’explique par le fait que la plupart de ceux qui avaient des responsabilités lors du génocide de 94 sont poursuivis par la justice ou ont été condamnés ; les autres ont pris leurs retraites. Quant à ceux qui sont encore actifs dans les partis politiques, ils sont aussi toujours confrontés à leurs actes politiques passés.
Promesses des révélations, rien que devant les juges
Ces anciens compagnons de l’homme fort rwandais disent en savoir beaucoup sur les crimes d’une personne, Paul Kagame – concernant l’attendant du 6 avril 1994 qui a déclenché le génocide — et promettent de ne délivrer le contenu qu’à la justice. Et pourtant le citoyen à qui ils passent leur temps à expliquer qu’il faut résister à la dictature a besoin de savoir la vérité sur son histoire. Pourquoi dès lors donner la priorité aux juges pour connaître des faits, qui, s’ils s’avèrent vrais, seraient hautement historiques ?
Même si Théogène Rudasingwa semble à présent vouloir emprunter une autre voie afin de faire connaître la vérité sur l’attentat de 1994, à savoir celle d’être soumis avec Paul Kagame à un détecteur de mensonges (test polygraphique) sous la supervision internationale, cela semble plutôt être une démarche difficilement réalisable.
L’enjeu : le choix entre l’opposition et le FPR
Le vrai dilemme qui se pose aux leaders du Congrès National Rwandais est celui de choisir leur camp. D’un côté, il y a le FPR qu’ils ont construit et servi avec dévouement, de l’autre côté il y a l’opposition qui dénonce le régime du FPR et ses crimes, et non celui et ceux d’un seul homme. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le public a du mal à faire confiance aux gens qui veulent parler pour lui mais sans dire ou penser tout à fait la même chose que lui. Pour la majorité des opposants, en effet, le FPR est une organisation criminelle alors que pour les leaders du RNC, c’est Kagame qui a détourné le FPR de ses bonnes intentions et de ses manières de faire d’où la défense qu’ils assurent à l’accuser. C’est aussi donc à cette question que ces responsables devront répondre clairement : celle de leurs rapports avec le FPR et de la perception dont ils s’en font.
Pacifique Habimana
Jambonews.net
 
 

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