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Rwanda – TPIR : Acquittement du Général Ndindiliyimana et du Major Nzuwonemeye

Rwanda – TPIR : Acquittement du Général Ndindiliyimana et du Major Nzuwonemeye

Ce mardi 11 février Augustin Ndindiliyimana, ancien chef d’état-major de la gendarmerie rwandaise, François-Xavier Nzuwonemeye, ancien commandant du bataillon de reconnaissance de l’armée rwandaise, ont été acquittés de tous les chefs d’accusations par le Tribunal Pénal international pour le Rwanda (TPIR). Quant à Innocent Sagahutu, ancien Commandant en second du Bataillon de Reconnaissance, il a bénéficié d’une réduction de peine de 20 à 15 ans de prison.
Le TPIR avait, suite à la requête du procureur, ordonné un procès collectif des affaires Ndindiliyimana, Nzuwonemeye, Sagahutu et Augustin Bizimungu. Cependant le président de la Chambre d’appel a annoncé ce mardi que l’affaire de Bizimungu allait faire l’objet d’un jugement séparé.
Acquittement de Ndindiliyimana

Augustin Ndindiliyimana source: RTL.BE

Augustin Ndindiliyimana source: RTL.BE


Né en 1943 Augustin Ndindiliyimana était Chef d’état-major de la Gendarmerie nationale rwandaise.
La Chambre de première instance avait estimé qu’en cette qualité, il exerçait une autorité sur l’ensemble de la gendarmerie, notamment sur ceux qui avaient été assignés à la garde de sa résidence à Nyaruhengeri et qui avaient procuré des armes et assisté les Interahamwe dans les meurtres de Tutsi dans la paroisse de Kansi.
Etant donné le transfert du commandement opérationnel de la majorité de la gendarmerie à l’armée rwandaise le 7 avril 1994 afin de les assister à combattre le Front Patriotique Rwandais (FPR) qui avait attaqué le pays le 1er octobre 1990, Ndindiliyimana n’avait plus aucun contrôle effectif sur la gendarmerie. Il n’avait, selon la Chambre de première instance, gardé une complète autorité de droit que sur approximativement 200 gendarmes. La chambre de première instance avait, entre autres, constaté que Ndindiliyimana souffrait d’un manque de ressources et faisait face à des difficultés pour communiquer avec les unités de la gendarmerie. Par ailleurs, la Chambre de première instance avait estimé que sa capacité matérielle à contrôler les gendarmes sous son commandement opérationnel avait diminué au fur et à mesure que la guerre progressait.
De ce fait, la Chambre avait conclu que Ndindiliyimana n’avait pas exercé un contrôle effectif sur tous les gendarmes sous son commandement opérationnel et que sa capacité matérielle de prévenir ou punir les crimes variait considérablement selon les unités.
La Chambre de première instance l’avait toutefois reconnu coupable d’avoir eu une autorité de fait sur les gendarmes qui le 21 avril 1994, au moment de l’attaque de la paroisse Kansi, gardaient sa résidence. Ces gendarmes provenaient selon la Chambre de première instance d’une unité qui était sous le commandement opérationnel de Ndindiliyimana et donc sous son contrôle effectif. La Chambre d’appel n’a toutefois pas été convaincue par cette appréciation et a jugé qu’« aucun juge de fait raisonnable » aurait sur base des preuves disponibles conclu que le justiciable avait un contrôle effectif sur ces gendarmes.
La Chambre d’appel a également, entre autres, estimé qu’« aucun juge de fait raisonnable » n’aurait pu conclure que les gendarmes en question avaient de fait participé à l’attaque de la paroisse de Kansi étant donné les « divergences significatives » entre le témoin qui a vu les gendarmes quitter la résidence et le témoin qui a donné des preuves concernant la participation des gendarmes dans l’attaque de Kansi.
Concernant les massacres dans le collège Saint-André, la Chambre de première instance avait constaté que les gendarmes de la brigade de Nyamirambo avaient en collaboration avec les Interahamwe, perpétré une attaque dans ce collège le 13 avril 1994. Les gendarmes étaient selon la Chambre de première instance sous l’autorité de fait de Ndindiliyimana car ils étaient ses subordonnés qui agissaient sous son contrôle. De ce fait Ndindiliyimana savait ou aurait dû savoir qu’ils avaient commis des crimes, mais a malgré cela failli à les punir. Selon la Chambre d’appel, la chambre de première instance n’a pas été en mesure d’expliquer la base sur laquelle elle concluait que ces gendarmes étaient sous le commandement opérationnel de Ndindiliyimana vu que le commandement opérationnel de la majorité des unités de gendarmerie avait été transféré le 7 avril 1994 à l’armée rwandaise.
Acquittement de François-Xavier Nzuwonemeye
Actuellement âgé de 58 ans, François-Xavier Nzuwonemeye était le Commandant du Bataillon de Reconnaissance de l’Armée Rwandaise.
En première instance il avait été déclaré non coupable d’entente en vue de commettre le génocide, de viol constitutif de crime contre l’humanité» et de violations graves de l’article 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel II (viol, traitements inhumains et dégradants).
Nzuwonemeye avait été déclaré coupable du meurtre des dix casques bleus belges en raison du fait que son subordonné direct, Innocent Sagahutu, avait ordonné aux Caporaux Nzeyimana et Masonga de « briser la résistance » des casques bleus belges et avait pour ce faire « fourni ou approuvé » l’utilisation d’une arme. La Chambre d’appel a jugé que Nzuwonemeye n’en était pas responsable en tant que supérieur hiérarchique car l’acte d’accusation ne fait pas mention d’une conduite spécifique qui aurait pu indiquer qu’il aurait pu savoir que ses soldats étaient impliqués dans l’attaque des casques bleus belge et qu’il a failli à prendre les mesures punitives. De plus, le procureur n’a fait aucune mention de la responsabilité de Nzuwonemeye en tant que supérieur ou sous une quelconque autre forme de responsabilité.
Quant au meurtre de l’ancien Premier ministre, Agathe Uwilingiyimana, la Chambre d’appel a estimé qu’au vu des constations de la Chambre de première instance et les preuves auxquelles elle a accordé de la crédibilité, la seule conclusion est que Nzuwonemeye et Sagahutu ont envoyé les soldats du Bataillon de reconnaissance prêt de la résidence du Premier ministre afin de renforcer la garde présidentielle, sans qu’il puisse être conclu que l’objectif de ce déploiement était à ce moment de tuer Uwilingiyimana. La Chambre de première instance n’a, selon les juges de l’appel, par ailleurs pas fait référence à une preuve qui indique qu’ils étaient au courant d’une opération visant à tuer le Premier ministre. Qui plus est, la Chambre de première instance n’a pas été en mesure d’identifier quelle conduite du Bataillon de reconnaissance a eu un « effet direct et substantiel » sur le meurtre du Premier ministre.
Condamné en première instance à 20 ans de réclusion, la Chambre d’appel l’a acquitté sur tous les chefs et ordonné sa libération immédiate et ce après 14 ans de détention préventive. Il est à noter que Nzuwonemeye n’était pas présent lors du prononcé du jugement. Il s’est fait représenter par ses avocats.
Réduction de peine pour Innocent Sagahutu
Innocent Sagahutu

Innocent Sagahutu


Ancien Commandant en second du Bataillon de Reconnaissance de l’Armée Rwandaise et responsable de la compagnie A du même Bataillon, il avait le grade de Capitaine et a occupé ce poste jusqu’en juillet 1994.
La Chambre de première instance l’avait déclaré non coupable d’entente en vue de commettre le génocide, de viol constitutif de crime contre l’humanité» et de viol en tant que violations graves de l’article 3 commun à la Convention de Genève et au Protocole additionnel II.
La Chambre d’appel a quant à elle ce mardi acquitté Sagahutu au même titre que Nzuwonemye, en ce qui s’agit du meurtre d’Agathe Uwinligiyimana.
Quant au meurtre des dix casques bleus belges, la Chambre d’appel s’est dite convaincue que le fait d’avoir « ordonné de briser la résistance » équivalait à « l’ordre de tuer ».
Cependant, elle a estimé que la Chambre de première instance avait, entre autres, erré lors de l’évaluation de la preuve que le Caporal Masonga et le Caporal Nzeyimana ont tiré sur les Casques bleus belges. Il n’y a selon la Chambre d’appel pas de preuves que Nzeyimana qui a reçu l’ordre de tuer a personnellement commis le crime. Par ailleurs, il n’y a pas de preuve qu’un casque bleu belge est mort suite aux blessures infligées par l’arme que Sagahutu a fournie ou dont il a accepté l’utilisation. Il n’a non plus pas été prouvé que Sagahutu avait une position d’autorité par rapport à la personne qui a utilisé l’arme en question ou vis-à-vis de la personne qui a tué certains des casques bleus. Sagahutu n’a donc pas par ses ordres au Caporal eu un effet direct et substantiel sur les meurtres des casques bleus belges.
De ce fait, Sagahutu n’est pas coupable d’avoir ordonné les meurtres. Néanmoins, il est selon la Chambre d’appel responsable d’avoir « aidé » et « encouragé » les meurtres en questions en sa qualité de supérieur hiérarchique.
Il a bénéficié d’une réduction de peine de 20 ans à 15 ans. Ayant été arrêté en février 2000, il sera donc au plus tard libéré en 2015 ou dans un délai plus court s’il introduit une demande de libération provisoire.
Les acquittés auront-ils droit à un pays d’accueil ?
La question qui se pose est celle de savoir si les deux acquittés auront droit à un pays d’accueil. En effet, plusieurs acquittés , dont le plus ancien, l’ancien ministre des Transports Ntagerura André lavé de tout soupçon il y a 10 ans, n’ont, malgré leurs multiples requêtes pas encore eu droit à un pays d’accueil afin de rejoindre leur famille. Malgré que ce fait soit en contradiction avec les règles de regroupement familial en place dans ces pays, les pays membres de l’ONU restent sourds à leurs appels.
Laure Uwase
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