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Rwanda-FDU : le point de vue de Joseph Bukeye

Rwanda-FDU : le point de vue de Joseph Bukeye

Ce samedi 22 novembre, Jambonews a rencontré Joseph Bukeye, fraichement élu 2ème vice-président des FDU-Inkingi, le parti de Victoire Ingabire devenant ainsi de facto, le plus haut représentant du parti à l’étranger. Avant son élection du 13 septembre 2014, Joseph Bukeye occupait la fonction de commissaire chargé de la mobilisation depuis pratiquement la création du parti.
Buke3C’est en 1995 que Joseph Bukeye a commencé son activisme politique « lorsque les premiers réfugiés ont commencé à revendiquer leurs droits », il était le tout premier porte-parole du RDR (Rassemblement Démocratique pour le retour des Réfugiés), poste qu’il a occupé jusqu’à la destruction des camps.
S’il a décidé de se présenter à ces nouvelles fonctions, c’est parce que, nous raconte-il, il a estimé que le parti « avait besoin d’un changement de cap, tant sur le plan idéologique que sur le plan du leadership » et il s’est estimé capable de « relever ce défi et de donner au parti une nouvelle orientation ».
Sur les premières années d’existence du parti, il tire un bilan positif estimant que le parti a réussi ses premiers objectifs à savoir parvenir à fédérer autour de trois formations politiques et surtout parvenir à donner une plus grande visibilité à l’opposition rwandaise, la preuve en est le fait que « les FDU sont désormais placées sur la carte médiatique et politique de la région ».

« Si quelqu’un estime avoir encore sa place au sein du parti, les portes sont ouvertes »

Joseph Bukeye lors de son élection, accompagné de son challenger et désormais secrétaire général adjoint, Emmanuel Mwiseneza

Joseph Bukeye lors de son élection, accompagné de son challenger et désormais secrétaire général adjoint, Emmanuel Mwiseneza


Au niveau des dissensions qui ont déchiré le parti ces derniers mois, Joseph Bukeye estime qu’elles ne sont pas « l’apanage des seules FDU et font partie du lot quotidien de l’opposition rwandaise depuis 1995 » et il les relativise car elles ne sont, selon lui, pas idéologiques mais plus basées sur la question du leadership. Une commission chargée des litiges et une commission chargée de la discipline au sein du parti ont été mises en place ajoute-t-il. Cette dernière est chargée entres autres de voir toutes les questions qui ont occasionné les dissensions et le 2ème vice-président des FDU tend la main aux dissidents du parti « si quelqu’un estime avoir encore sa place au sein du parti, les portes sont ouvertes, la commission va l’accueillir, examiner son souci et éventuellement trancher ».
Sur les priorités figurant sur son agenda, il nous cite en premier lieu celle-de « donner un nouveau cap au parti sur le plan du leadership » et en particulier « plus rapprocher le parti à l’intérieur du Rwanda avec celui à l’extérieur» en supprimant le bicéphalisme et en installant une structure combinant les deux, avec une présidente, Madame Victoire Ingabire, un premier vice-président, Boniface Twagiramana ainsi qu’un deuxième vice-président, fonction pour laquelle il vient d’être élu.
Le 3ème objectif qu’il cite est rapprocher davantage l’opposition rwandaise, l’ambition de son parti étant d’aller encore plus loin en formant un bloc minimum de six formations politiques, mais cet objectif est, nous confie-t-il, actuellement « bousculé par l’actualité ».
Les FDU-Inkingi sont implantées au Rwanda depuis 2010.

Les FDU-Inkingi sont implantées au Rwanda depuis 2010.


Au sujet des critiques formulées contre les FDU selon lesquelles que ce parti a perdu son identité et travaille sous la coupe du RNC, Joseph Bukeye, les balaye et les qualifie d’ « exagérées » car son parti a gardé son autonomie de fonctionnement et son indépendance. Il affirme son objectif de rendre cette indépendance encore plus visible, même si en aucun cas, cette indépendance ne remettra en cause les priorités communes aux membres de la plateforme car « il y a des résultats et ce serait une erreur stratégique de les remettre en cause».
Au sujet des problèmes auxquels est confronté le peuple rwandais, il cite en premier lieu « le mensonge » actuel qui consiste à dissimuler au monde extérieur ce qui se passe au pays.

« Depuis 20 ans, des personnes quittent le pays car ils s’y se sentent insécurisés par ce régime »

En second lieu une « distribution inégalitaire des richesses du pays » et parle de « deux mondes » avec « un Kigali surdimensionné, surdéveloppé alors que dans le même temps, la population rurale n’a jamais connu autant de pauvreté » qui est selon lui « à l’origine des dissensions politiques qu’on connait aujourd’hui ».
Il cite enfin comme troisième problème le mauvais voisinage estimant qu’avant l’arrivée du FPR, le Rwanda n’avait jamais connu des problèmes de voisinages alors qu’aujourd’hui « nous connaissons des problèmes avec pratiquement tous nos voisins » qui font que « depuis 20 ans des personnes quittent le pays car ils s’y se sentent insécurisés par ce régime ».
Quand on lui demande de nous décrire son Rwanda idéal, Joseph Bukeye met en premier lieu l’importance pour chaque rwandais de pouvoir se sentir à l’aise, s’exprimer librement et «pouvoir « dormir chez lui sans être réveillé par des bruits de bottes » et dit rêver de cette époque « ou on ne pouvait pas entendre un seul coup de feu ni voir un seul militaire en arme circuler ».
En deuxième lieu il cite l’autosuffisance alimentaire en dénonçant la spécialisation agricole mise en place actuellement et en se demandant ce qu’on peut faire avec que du maïs ou que du manioc. Le 2ème vice-président des FDU, poursuivant la comparaison avec l’ancien régime cite enfin la nécessité d’un bon voisinage se souvenant « qu’à son époque », « on pouvait circuler librement au Congo, au Burundi.. » et déplorant que ce soit désormais « une période révolue ».

« Le développement économique du Rwanda est un mythe qu’on entretient »

Buke1S’exprimant sur la politique-économique actuellement menée au Rwanda, Joseph Bukeye parle de « mythe qu’on entretient » et déplore la politique consistant à recopier le modèle économique de Singapour alors que « les deux situations sont complètement différentes » car à Singapour, la population est à plus de 70% urbaine ce qui veut dire qu’en développant les villes, c’est plus de 70% de la population qu’on touche alors qu’au Rwanda, plus de 80% de la population se trouve en milieu rural, ce qui veut dire qu’en se concentrant sur le développement urbain tel qu’on le fait actuellement, on laisse plus de 80% de la population sur le carreau.

« L’ONU s’apprête à commettre une énième erreur stratégique »

Sur les FLDR, il se dit intrigué et « déçu » par la position de l’ONU qui se focalise sur la solution militaire en laissant de côté la solution de dialogue politique et déplore cette « énième erreur stratégique » et se demande comment on va débusquer les FDLR sans toucher aux 240 000 réfugiés rwandais qui sont aujourd’hui en RDC et qui sont entremêlés aux FDLR et, déplorant l’absence de mécanisme de protection des réfugiés, il dit craindre un nouveau massacre.
Il appelle l’ONU à écouter la SADEC, le gouvernement congolais et la société civile congolaise qui réclament un dialogue politique et affirme avoir des difficultés à comprendre « l’entêtement de l’ONU à vouloir imposer une solution militaire dont on sait d’avance qu’elle va se solder par un échec ».
Pour lui, si on veut mettre un terme à la crise des réfugiés, il faut les inciter à rentrer et la meilleure solution c’est mettre en place des mécanismes de sécurité « il faut s’attaquer au foyer de l’incendie, qui n’est pas la situation en RDC ou les FDLR, mais la situation au Rwanda qui fait que 20 ans après la prise du pouvoir par le FPR, des gens fuient le pays, des gens disparaissent et des corps flottent sur le lac Rweru ».

« Madame Victoire Ingabire est toujours à même de diriger les FDU-Inkingi »

Même en prison, Victoire Ingabire conserve son poste de présidente des FDU

Même en prison, Victoire Ingabire conserve son poste de présidente des FDU


Sur Victoire Ingabire, la présidente de son parti, il assure qu’elle va bien, que le moral est bon malgré des pressions et qu’elle a encore les moyens de tenir sa place dans le parti et de le diriger.»
Sur l’éventuelle candidature de son parti aux élections présidentielles de 2017, Joseph Bukeye est catégorique, « Non » car « tant que les conditions nécessaires pour un scrutin digne de ce nom ne sont pas réunies, tant qu’il n’y a pas d’organe indépendant, tant qu’il n y a pas de garanties que le gouvernement ne s’immiscera pas dans le processus électoral, nous ne pouvons pas participer à ces élections » car serait une mascarade ajoute-il, « un faire-valoir pour des élections dont on connait d’avance le résultat ».

« Le talon d’Achille de ce régime, c’est ses soutiens étrangers »

Aux soutiens internationaux du Rwanda, Joseph Bukeye dit « le meilleur service qu’on puisse rendre à la population rwandaise est de lui permettre de s’exprimer librement sur le cours de gestion de son pays » et à l’adresse des pays qui financent le système judiciaire il déclare d’un ton convaincu « ça fait 20 ans que vous financez un système judiciaire qui ne fonctionne pas, est ce que ce n’est pas le moment de changer de cap ? Si vous voulez maintenir de bonne relations avec le Rwanda, c’est avec le peuple qu’il faut les nouer et non avec le régime » estimant que ces soutiens étrangers sont le talon d’Achille du régime.
Il conclut l’interview en adressant un « message d’espoir » au peuple rwandais « je sais que la situation est dure, qu’elle a trop duré, mais je sais aussi qu’Il y a moyen d’inverser la tendance à condition que tout le monde soit de la partie (…) le changement politique que nous voulons viendra dès l’instant ou on se dira tous que malgré les intimidations, il est temps de se lever tous pour revendiquer nos droits » et il appelle chacun « dès à présent », à apporter sa propre contribution.
 

VIDEO :

 
Ruhumuza Mbonyumutwa
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