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Crise des migrants : focalisons-nous sur les causes plutôt que les conséquences

Crise des migrants : focalisons-nous sur les causes plutôt que les conséquences
Article d’opinion soumis pour publication par Ruhumuza Mbonyumutwa

Le problème de l’immigration a rarement autant été à l’actualité qu’au cours de ces dernières semaines. Malheureusement, trop souvent dans la sphère publique, ce problème est abordé sous le mauvais angle, celui des effets plutôt que des causes.

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Réfugiés quittant la Hongrie en direction de l’Autriche


L’attention médiatique est focalisée sur la question des passeurs, des horreurs que vivent les migrants qui perdent la vie dans des circonstances dramatiques sur leur route vers l’ « Eldorado » supposé. Elle est focalisée sur les images et histoires insoutenables qui nous parviennent. Elle est focalisée sur la capacité ou la volonté de l’Europe à accueillir ces populations qui arrivent, sans cesse plus nombreuses. Elle est focalisée sur les réactions des citoyens européens, certains hostiles, d’autres favorables à cet accueil. Et toutes ces questions qui font la Une des médias ne concernent que les effets et non la cause de ces migrations qui semblent de plus en plus nombreuses ces dernières années.
J’ai moi-même été un jour dans cette situation, il y a 21 ans plus exactement. Je vivais alors dans un petit pays d’Afrique centrale, lequel à ma naissance prospérait, était stable et sans violences bien que par le passé il avait connu des problèmes de violences cycliques. Le régime en place à l’époque était toutefois une dictature, avec le lot de frustrations politiques qu’un tel régime entraine et surtout, il y avait encore un problème de réfugiés aux frontières du pays qui risquait tôt ou tard, si une solution n’était pas rapidement trouvée, d’entrainer le pays dans une nouvelle période de violences.
Des millions de réfugies rwandais traversant les frontière du Rwanda et se dirigeant vers le Congo (Ex-Zaïre).C’est dans un tel contexte que des puissances étrangères se sont saisies du conflit qui couvait, malheureusement non pas dans un objectif de trouver une solution paisible au bénéfice de la population mais dans l’objectif pour certaines (anglo-saxonnes) d’avoir enfin une assise dans une région qu’elles convoitaient, notamment le pays voisin, des dizaines de fois plus étendu et aux ressources minières (quasi) inépuisables et pour d’autres (francophones) de conserver l’assise historique qu’elles avaient dans la Région notamment grâce à la colonisation.
Des millions de réfugies rwandais traversant la frontière

Réfugiés rwandais quittant le Rwanda en direction du Congo (Ex-Zaïre)


C’est ainsi qu’un conflit local qui aurait pu trouver une solution locale s’est régionalisé et que c’est l’ensemble d’une sous-région pourtant non concernée par le conflit initial qui a été complètement déstabilisé avec son lot d’horreurs, de violences, de viols, de morts… et de réfugiés. Encore aujourd’hui, un quart de siècle plus tard, la Région est toujours déstabilisée comme jamais auparavant dans son histoire et aucun espoir d’une pacification en profondeur ne semble permis, du moins à court terme.
C’est dans ce contexte que j’ai débarqué en Europe, en Belgique plus précisément. Un continent dont j’avais certes déjà entendu parler durant mon enfance, mais qui ne m’avait jamais fait rêver, et au sein duquel, je n’avais jamais rêvé mon avenir que j’imaginais dans mon pays, dans lequel je n’ai désormais plus mis les pieds depuis plus de 21 ans.
C’est ce schéma qui s’est produit dans mon pays et ma Région d’origine qui se reproduit dans d’autres pays et d’autres régions du monde, à savoir des conflits locaux, transformés en conflits régionaux par des puissances étrangères (principalement européennes ou américaines) qui gagnent leurs intérêts dans cette déstabilisation et amplifient de manière incroyablement disproportionnée des antagonismes locaux à leur profit.
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Camp de réfugiés improvisé dans le Parc Maximiliens dans le coeur de Bruxelles (Belgique)


L’enjeu est simple : il s’agit de la survie du système économique mondial tel que nous le connaissons. Ce système est basé sur des échanges profondément inégalitaires qui permettent à des pays disposant de peu de ressources naturelles (Uranium, pétrole, coltan…) de maintenir et d’augmenter leurs richesses et un certain confort de vie à leurs populations. Si certains pays comme la République démocratique du Congo disposant de ressources précieuses devaient se stabiliser et imposer des échanges équitables, ce serait la fin d’un certain niveau de confort auquel nous, populations en occident, sommes désormais habitués.             Au-delà de cela, c’est l’ensemble du système tel que nous le connaissons, basé sur ces échanges artificiels et inégalitaires qui risquerait de s’écrouler, option inconcevable à l’heure actuelle pour les détenteurs du pouvoir.
Si l’opinion publique européenne est réellement sensible à la souffrance de ces populations qui fuient la violence chez elles et qu’elle désire une solution humaine et de long terme à ces problèmes, c’est sur ces questions qu’elle devrait questionner ses dirigeants face à la crise des migrants et mettre la pression pour mettre fin à ces pratiques que certains qualifient de « néo-colonialisme ».
Une interpellation qui pourrait par exemple être formulée aux dirigeants européens, notamment français est « quelles étaient les véritables raisons de l’intervention en Libye » ? Quelle « intervention humanitaire » peut expliquer le passage d’un pays stable et prospère, certes dirigé par un dictateur, à un champ de ruines ravagé par la violence quotidienne et dans lequel l’anarchie règne en maître ? Quels étaient les véritables motifs d’une telle intervention ? Quelles sont les liens de cause à effet entre cette intervention et une grosse partie de la crise migratoire actuelle ? Ces interpellations peuvent être étendues à d’autres pays ou régions en conflit et c’est sur ces questions que doivent se focaliser notre attention, nos recherches, nos questionnements si on désire qu’une solution soit trouvée à la cause des migrations massives, et non seulement aux effets qu’elles engendrent.
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Camp de réfugies au nord de Goma (RDC / Ex-Zaire)


Autrement si la pression ne s’intensifie pas sur ces vraies causes de l’immigration et des raisons de la déstabilisation de régions entières, de plus en plus de pays vont virer dans le chaos avec le lot de violences qu’il entraine et se vider de leurs populations, notamment de leur jeunesse qui vient rajeunir les continents vieillissants. De plus en plus de migrants vont affluer sur les côtes européennes, nous serons témoins de davantage de drames, et nous serons face à un problème sans solutions qui ne fera que s’accentuer.
Certains d’entre nous se disent prêts à accueillir des réfugiés, d’autres ne veulent pas en entendre parler, mais tous, pour des raisons diverses aimerions ardemment la fin de cet « afflux massif de migrants » mais pour cela, sommes-nous prêts à renoncer à notre confort?
Ruhumuza Mbonyumutwa  
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