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Retour sur une semaine compliquée pour Kagame à Bruxelles

Retour sur une semaine compliquée pour Kagame à Bruxelles

Paul Kagame, présent à Bruxelles la semaine du 5 au 11 juin 2017 sur invitation des organisateurs des « European Development Days », a eu à faire face à une mobilisation étonnamment ardue durant son séjour dans la capitale européenne. Retour sur les coulisses d’une semaine bruxelloise compliquée et chahutée pour l’homme fort de Kigali.
Le 10 mai dernier, Michael Ryan, l’ambassadeur de l’Union européenne à Kigali, informait les journalistes présents lors de la réception inaugurant les festivités liées à la fête de l’Europe à Kigali que le président du Rwanda, Paul Kagame, participerait aux European Development Days de 2017, qui devaient se tenir du 7 au 8 juin 2017 à Bruxelles.

Retour sur l’opération séduction de Kagame orchestrée par ses lobbys européens

Ce n’est pas la première fois que Paul Kagame est invité aux European Development Days, il avait déjà été invité à l’édition de décembre 2010. A l’époque, le président rwandais avait, à la surprise générale, annulé sa présence une heure seulement avant son passage à la tribune. En effet, considérant avoir été très mal reçu par l’Etat belge, Kagame avait décidé de bouder l’invitation et avait à la place envoyé sa ministre des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo. Le premier ministre belge de l’époque, Yves Leterme avait refusé de recevoir officiellement le Président Kagame malgré l’insistance de la délégation rwandaise. De plus, quelques mois auparavant, une vive altercation avait éclaté entre le ministre des Affaires étrangères belge Steven Vanaeckere et le président rwandais lors d’une visite de travail du premier à Kigali en janvier 2010. Le président rwandais s’était emporté et avait alors menacé le ministre belge alors que ce dernier lui suggérait d’ouvrir un peu plus l’espace politique rwandais. Par conséquent, le gouvernement belge de l’époque, à dominante Démocrate-Chrétien néerlandophone (CD&V), n’entretenait pas les meilleures relations avec le gouvernement rwandais.
Cette invitation pour l’édition 2017 a été préparée, en coulisses, par Louis Michel, eurodéputé et grande figure des libéraux francophone belges. Le père de Charles Michel, l’actuel premier ministre belge, entretient d’excellentes relations avec Paul Kagame depuis son passage au ministère des Affaires étrangères entre 1999 et 2004.
En 2010, au lendemain de la publication du Rapport Mapping faisant état de crime de génocide sur les population hutus à l’Est de la RDC de la part des troupes de Paul Kagame, il avait même créé un groupe de lobbying nommé « Les amis du Rwanda » au sein du parlement européen afin de soutenir les causes et intérêts chers au Président Kagame et redorer son blason au sein de l’hémicycle européen. Après avoir fait échoué l’initiative d’un diplomate allemand qui souhaitait l’adoption de sanctions économiques contre le Rwanda suite à la publication des rapports de l’ONU prouvant l’implication des troupes rwandaises dans le pillage et la déstabilisation de la RDC, il a à plusieurs reprises été accusé d’avoir des intérêts dans le pillage des minerais congolais par le Rwanda tout en réussissant toujours à passer à travers les mailles du filet.
Depuis le début de l’année 2017, Kagame a actionné son réseau de soutien et lobbystes, composé de politiques, journalistes, grands dirigeants et autres influenceurs reconnus mondialement, afin de redorer son image à l’approche d’élections qui sont d’ores et déjà qualifiées de « mascarades, truquées et anti-démocratiques » par l’opposition rwandaise.

Un premier rendez-vous manqué de Kagame avec ses partisans

Les Partisans du régime attendaient Kagame, ils n’auront eu que quelques discours d’officiels


Dès que les membres de l’organisation DRB-Rugali (association des membres de la diaspora rwandaise partisans de Kagame en Belgique) ont appris que le président rwandais viendrait à Bruxelles, une demande a été faite auprès de l’Ambassade afin d’étudier la faisabilité d’un « Rwanda Day » à Bruxelles, requête à laquelle l’Ambassade s’est jointe. Mais dans un premier temps, cette idée n’a pas trouvé suite auprès du bureau du président à Kigali. De plus, après les violences dont les services de sécurités de Kagame ont été les auteurs à l’encontre de journalistes et d’activistes des droits de l’Homme lors du dernier « Rwanda Day » à Amsterdam, les autorités belges n’étaient pas très enthousiastes à l’idée d’accueillir un « Rwanda Day » à leur tour sur leurs terres.
Les collaborateurs du président Kagame ont dès lors décidé de mettre en place 2 événements : une première rencontre entre le président et les membres de la diaspora qui serait organisé le mardi 6 juin dans la toute nouvelle salle de conférence bruxelloise, le Dockx Dome, et une seconde rencontre, avec des invités triés sur le volet, qui devait se tenir à l’Ambassade du Rwanda à Bruxelles le mercredi 7 juin. A l’approche de l’évènement, les organisateurs ont constaté une faible mobilisation de la part des partisans par rapport aux attentes.  En effet, les organisateurs comptaient trop peu d’inscrits, alors même qu’ils s’attendaient à une marée humaine en provenance de l’Europe entière. D’autre part, ils observaient la mobilisation de l’opposition politiquue et de la société civile en exil, #KagameGetOut, prendre de l’ampleur au sein de la communauté rwandaise, alors même que la stratégie de Kagame était de faire de sa visite à Bruxelles une opération de communication et une démonstration de force à l’Europe.
Le bureau de Kagame a donc été contraint de modifier sa stratégie. Il a été décidé que le président ne se rendrait finalement pas aux Dockx Dome pour rencontrer la diaspora. « Cela aurait été un échec de prendre la parole devant 200 ou 300 partisans seulement », nous a avoué un proche de l’Ambassade du Rwanda à Bruxelles. « La décision a alors été prise à Kigali d’organiser un « Rwanda Day » afin de mobiliser un public plus large », nous a-t-il confirmé par la suite. Lors d’une réunion qui a duré jusque tard dans la soirée du lundi 5 juin dans les locaux de l’Ambassade du Rwanda à Bruxelles, les membres de la DRB et de l’Ambassade ont pris connaissance de cette décision et la date du samedi 10 juin a dès lors été fixée. La décision s’est donc révélée judicieuse pour les organisateurs car l’imposante salle du Dockx Dome, pouvant contenir près 1200 personnes, n’a finalement accueilli que 300 partisans. « Nous nous sommes bien amusés, il y avait beaucoup de nourriture, des animations, et même Louise Mushikiwabo est venue quelques minutes, mais c’est vrai que la salle paraissait un peu vide » nous a avoué Claude M. « Toute la semaine, on nous a annoncé que le président viendrait nous rencontrer. Nous étions à Tour & Taxis mercredi dès 8h du matin, où il devait tenir sa conférence pour le soutenir. Nous nous sommes ensuite rendus au Dockx, on nous avait dit qu’il viendrait nous saluer là bas mais nous avons attendu et il n’est finalement pas venu ! J’avais pris congé rien que pour ça », nous a également confié, très déçue, Diane R.

Une première mobilisation qui a largement rassemblé

Du côté des organisations des droits de l’Homme, de la société civile et des partis politiques d’opposition, là aussi, les préparatifs avaient été engagés assez tôt. « Début mai, nous avons appris de la part des instances européennes que l’invitation allait être faite à Paul Kagame afin qu’il participe aux European Development Days. Par conséquent, nous avons directement pris nos dispositions pour mettre en place la mobilisation la plus large possible de la communauté rwandaise afin que chacun puisse exprimer son message et ses désidératas que le pouvoir de Kagame essaye d’éteindre » nous a confié Natacha Abingeneye, présidente de Jambo ASBL.
Au final, pas moins de 17 organisations se sont réunies pour lancer la mobilisation #KagameGetOut. Parmi celles-ci, on retrouvait des organisations de la société civiles telles que Jambo ASBL, initiatrice de la mobilisation ou encore AmahoroIwacu2017, la campagne internationale menée par Peter Mutabaruka et lancé en mai 2016 à Montréal en vue d’une transition démocratique et pacifique lors des élections présidentielles à venir.
On y retrouvait également des associations actives dans le domaine des droits de l’Homme comme Global Campaign For Human Rights in Rwanda de l’activiste René Claudel Mugenzi et basée à Londres, ou encore le Centre de lutte contre l’impunité et l’injustice au Rwanda de Joseph Matata. On y retrouvait par ailleurs le Réseau International des Femmes pour la Démocratie et la Paix, une organisation transatlantique regroupant des femmes déterminées à promouvoir la paix dans la région des Grands Lacs d’Afrique. Du coté politique, on retrouvait les principaux partis d’opposition dont ceux de la plateforme P5, tels que le FDU-Inkingi de Victoire Ingabire et le RNC-Ihuriro du Kayumba Nyamwasa. D’autres leaders de l’opposition comme le Père Thomas Nahimana de Ishema Party ou l’ancien premier ministre, Faustin Twagiramungu se sont également joints à l’initiative.
La classe politique rwandaise de l’opposition et la société civile installées à l’étranger ont longtemps été caractérisés par des querelles internes, des divisions et autres trahisons. Sous l’impulsion de nouveau leaders responsables, les organisations de la société civile et les partis politiques donnent l’air d’avoir trouvé un nouvel élan. « Cette mobilisation est le fruit d’un travail collectif mené par tous dans un sens commun. Nous avons montré que la diversité ne nuit pas, au contraire, elle est créatrice de richesse, de synergie et d’émulation. C’est aussi un message que l’on souhaite transmettre à ce régime qui n’admet qu’une seule vision », a déclaré Brave Bahibigwi, coordinateur du mouvement #KagameGetOut.
C’est ainsi que le mercredi 7 juin 2017, près 300 rwandais, ainsi que des Congolais, des Burundais et des Belges se sont réunis au complexe Tour & Taxis à Bruxelles pour manifester contre la présence de Paul Kagame. Ces derniers dénonçaient le manque de liberté d’expression, la fermeture de l’espace politique, les crimes du FPR au Rwanda, au Congo et au Burundi, l’économie aux mains du pouvoir, une politique générale affaiblissant les populations les plus pauvres et une manipulation des chiffres sur le développement. Les manifestants se sont ensuite dirigés en cortège vers le Dockx Dome où il était initialement prévu que Kagame rencontre ses partisans. Rejointe par une centaines d’autres manifestants, la mobilisation s’est poursuivie devant le complexe commercial bruxellois où le président a finalement renoncé à se rendre.

Un « Rwanda day » organisé à la hâte

Le « Rwanda day » ironiquement surnommé le « Kagame Day » pour sa forme de one-man show présidentiel


Après avoir anticipé l’échec de la journée du mercredi 7 juin, où Kagame devait rencontrer ses partisans, l’Ambassade du Rwanda à Bruxelles et la DRB-Rugali s’étaient lancés dans un marathon pour l’organisation de ce « Rwanda Day ».  Les services du président avaient donné deux consignes aux organisateurs : secret absolu sur les préparatifs et mobilisation la plus large possible. Autre instruction, et pas des moindres, que la ville choisie soit éloigné de Bruxelles afin de tromper les manifestants qui anticiperaient une organisation dans la capitale et décourager les nombreux partisans qui en sont originaires.
Une première salle a été envisagée, l’Ethias Arena d’Hasselt, le plus grand hall événementiel couvert de Belgique qui peut contenir jusqu’à 16000 personnes assises. « Ils sont venu nous voir en début de semaine. Dès le début des discussions, ils nous ont fait comprendre que les finances n’étaient pas un problème et qu’ils étaient prêt à répondre favorablement à toutes nos demandes » nous ont confié les propriétaires du complexe. Même son de cloche du côté du Flanders Expo de Gand où s’est finalement déroulé l’événement : « Ils ne semblaient avoir aucune limite. Les préparatifs tardifs ont demandé des frais supplémentaires pouvant normalement freiner un organisateur lambda mais cela ne semblait pas être un problème pour eux. Ce furent de bons clients », nous a confié une employée du Flanders Expo. Les moyens de mobilisation mis en œuvre étaient colossaux. Il a été demandé aux ambassades du Rwanda en Europe d’affréter des cars au départ des grandes villes de leurs pays respectifs afin de permettre au public le plus large de s’y rendre. Thierry M., un membre de la diaspora rwandaise de Suisse, nous a confié que : « L’ambassade a été très insistante, ils ont appelé quasiment tous les membres de la diaspora pour les convaincre de venir. Après 3 appels de leur part, nous avons fini par accepter. Un voyage aller-retour pour Bruxelles plus le repas offert, le tout aux frais de la princesse, ça ne se refuse pas ! »
Au final l’assistance était très large, 1500 personnes selon les propriétaires de la salle. Bien moins qu’attendu néanmoins puisque le « Rwanda Day » d’Amsterdam avait rassemblé 4000 personnes et que l’Ambassade du Rwanda à Bruxelles espérait dépasser ce chiffre pour l’édition belge. Ce chiffre de 2000 se relativise alors au regard des moyens humains et financiers engagés, du chiffre imposant de Rwandais en Belgique (plus de 35000 d’après l’Ambassade) auxquelles on additionne les milliers de Rwandais invités à se joindre à l’événement avec des cars gratuits et des conditions de voyage exceptionnelles.

La mobilisation contre Kagame a continué toute la semaine et jusqu’à Gand

« C’est lundi soir que nous avons eu la confirmation qu’un Rwanda Day aurait bel et bien lieu à Bruxelles. Mardi à la première heure, nous avions déjà lancé les procédures pour une seconde manifestation. La détresse, la pauvreté et la tyrannie dans lesquelles vit le peuple rwandais nous obligent à rester mobilisés tant que notre peuple ne sera pas débarrassé de ce dictateur » nous a affirmé, très déterminé, Brave Bahibigwi. Les organisateurs ont donc continué à appeler à la mobilisation sur les réseaux sociaux ainsi que dans les communautés rwandaises, burundaises et congolaises de Belgique mais aussi d’Europe. Pour Bahibigwi, : « C’est certainement, le succès populaire et médiatique ainsi que l’élan crée par la première manifestation qui a aidé à sensibiliser un nouveau public et à garder la communauté mobilisée. Nous avons lancé les invitation jeudi, 48h plus tard, 300 personnes ont répondu présent. On ne s’attendait pas à une mobilisation aussi large. ». Ainsi, la communauté rwandaise en Belgique a de nouveau répondu à l’appel des organisateurs et plusieurs centaines de manifestants se sont rendus à la seconde manifestation de la semaine, qui avait lieu samedi 10 juin 2017 au Flanders Expo où se tenait le « Rwanda Day ».
Les manifestants qui ont attendu le président Paul Kagame n’ont pas pu l’apercevoir. Il est en effet rentré par une petite porte détournée à l’arrière du complexe gantois. Un membre du personnel de l’Hotel Holiday Inn de Gand, où Kagame avait décidé de passer la journée, nous a confié que : « Kagame était très tendu et très véhément sur ses collaborateurs, on entendait des fortes remontrances émaner de ses appartements. Il se tenait régulièrement informé de l’évolution de la manifestation qui avait lieu. Il a d’ailleurs repoussé son départ à plusieurs reprises. J’imagine que c’était pour éviter de croiser les manifestants. »
Malgré qu’ils n’aient pas aperçu Kagame comme au Dockx Dome, les organisateurs de la manifestation étaient satisfaits de la mobilisation. Pour Natacha Abingeneye : « cette semaine de mobilisation n’est qu’une petite démonstration de notre détermination à permettre à notre peuple d’atteindre la démocratie, la justice et le développement pour tous auxquels il aspire. Plus les jours avancent, plus l’aspiration du peuple pour un changement radical et une transition politique est grande. La forte mobilisation en continu tout au long de cette semaine démontre qu’un vent du changement commence à souffler. »

Violences et menaces contre les opposants de Kagame

Les déplacements du président Kagame à l’étranger et particulièrement dans les pays à forte concentration de ressortissants rwandais sont toujours marqués par la présence d’un gros contingent de membres de sa Garde présidentielle, et le déplacement de juin à Bruxelles n’a pas dérogé à la règle. Une semaine avant l’arrivée de Kagame, un premier contingent de sa Garde est donc arrivé à Bruxelles afin d’évaluer l’atmosphère et préparer l’arrivée du chef. Cette démarche qui peut paraitre normale pour un président ne l’est pas tant que ça dans le cas rwandais, la Garde présidentielle étant l’unité militaire la mieux entrainée et renommée du pays mais elle est aussi réputée la plus cruelle et donc est la plus crainte. Un agent de la police fédérale belge nous a confié : « La plupart d’entre eux ne sont pas présents en Belgique en tant que membres de la délégation du président. Ils viennent sous de faux papiers, se promènent en civil et sont donc difficilement identifiables comme agents de sécurité habilités à protéger un président. » C’est ainsi que dans un rayon de 2km autour du Complexe Tour & Taxis, où se tenaient les European Development Days, on retrouvait 2 agents rwandais en civil à chaque coin de rue. « Nous en avons croisé un qui semblait particulièrement nerveux du côté de la station de métro d’Yser, nous lui avons demandé de quitter les lieux. Il nous a répondu qu’il ne répondait qu’aux ordres de son colonel. Ils font ce qu’ils veulent, c’est le monde à l’envers ! » nous a confié un agent police en service près du complexe.

Gustave Mukunde, salarié de l’Ambassade du Rwanda à Bruxelles arrêté à Londres en possession d’un poignard


Ces agents venant du Rwanda travaillent main dans la main avec la milice mise en place par l’Ambassade du Rwanda à Bruxelles. Créée en 2014 sous l’impulsion du Lt.Col. Franco Rutagengwa, anciennement à la tête du DMI (Direction des Renseignements Militaires), cette milice au fonctionnement occulte et secret est en charge de la récolte de renseignements, de la sécurité de certaines personnalités et de l’intimidation des membres de l’opposition. Elle compte plus d’une cinquantaine de membres et est organisée en faction afin de couvrir toutes ses missions. Elle est pilotée directement à partir de l’Ambassade, notamment par des individus comme Gustave Ntwarimuheto, 1er secrétaire à l’Ambassade du Rwanda à Bruxelles. Elle compte en son sein plusieurs membres travaillant directement en tant que salariés de l’Ambassade tel Gustave Mukunde, arrêté par la police britannique à Londres en possession d’une arme blanche à proximité d’opposants politiques en 2014, ou Claude Birasa, instigateur de l’attaque contre le journaliste Peter Verlinden et les activiste de Jambo ASBL à Amsterdam en 2015.
Plusieurs opposants rwandais ont été attaqués lors de cette semaine où Kagame était à Bruxelles. Le Père Athanase Mutarambirwa a été agressé, roué de coup et s’est fait volé son appareil photo dans une embuscade qui visait Thomas Nahimana, ex-candidat déclaré à l’élection présidentielle 2017. Le Père Mutarambirwa est très engagé sur les questions des droits de l’Homme au Rwanda. Cette attaque a eu lieu aux alentours de Tour & Taxis alors que le Père Mutarambirwa rentrait chez lui après la manifestation du mercredi 7 juin. Lui et son compère ont été victimes d’une équipe d’une dizaine d’Intore (nom donné aux miliciens du FPR). Parmi eux se trouvait Lewis Murahoneza, précédemment accusé par le régime d’avoir commis des actes de génocide en 1994 mais désormais membre très actif de la milice et travaillant sous les ordres directs du Général de l’armée rwandaise Fred Ibingira. D’autres opposants ont vu leur voiture caillassée ou ont été victimes de coup et de provocation sans gravité heureusement. Toute la semaine les membres de la milice, accompagnés de soldats de la garde présidentielle, ont été aperçu circulant dans les rues bruxelloises dans des vans de location.
Cette violence manifeste des agents de Kagame a poussé un manifestant à répondre lui aussi par la force lors du rassemblement du 7 juin au Dockx Dôme. Alors que les bus des partisans passaient, le manifestant a perdu son sang-froid et a lancé une pierre contre le bus. Un acte immédiatement condamné par les organisateurs qui lui ont directement demandé de quitter le rassemblement : « Nous manifestons pacifiquement contre la violence de ce régime sanguinaire, ne tombons pas dans le piège de la violence qu’ils nous imposent, » a déclaré Joseph Matata, militant des droits de l’Homme en s’adressant à la foule.

Fuite à l’Ambassade du Rwanda à Bruxelles

Comme à son habitude, le secret du programme du président était si strictement gardé que même l’Ambassade du Rwanda n’en connaissait pas les détails. Seuls les membres du bureau du président en détenaient le secret. Ce secret se justifie par la volonté du président de brouiller les pistes afin d’éviter les manifestations d’opposants. Il arrive régulièrement que les lieux où il doit s’exprimer publiquement à l’étranger soient découverts trop tard par les communautés en exil qui ne peuvent alors plus organiser des manifestations légales.
Même les autorités belges étaient décontenancées face à la culture du secret qui prévaut dans l’administration Kagame. « Ils ne veulent nous donner aucune information précise afin que nous puissions faire notre travail. Son programme change toutes les heures, Il a changé je ne sais combien de fois de lieu de séjour, 5 fois l’heure de son arrivée et nous n’avons été informés que quelques heures seulement avant son atterrissage à Bruxelles. En 30 ans de carrières, je n’avais jamais été confronté à de tels agissement de la part d’un président étranger. » nous a confié un agent de la police fédérale belge en charge de la protection des personnalités étrangères.
C’est ainsi que mêmes ses partisans ne savent jamais où ils vont rencontrer le président. « Nous commençons à avoir l’habitude, à chaque fois c’est la même chose, on rentre dans les bus et seul le chauffeur et l’accompagnateur savent où nous allons » nous a confié Alice K. qui a participé aux 3 derniers « Rwanda Day » en Europe.
D’après les informations que nous avons réussis à obtenir, le président et ses collaborateurs directs ont très mal réagi en découvrant que les membres de l’opposition et les médias leur hostiles avaient toutes les informations sur le programme de Kagame. Pour le bureau du président, les fuites ne peuvent venir que de l’Ambassade à Bruxelles. Les collaborateurs du président n’ont appris qu’à postériori que l’Hotel Tangle où résidait Kagame dans la banlieue cossue de Bruxelles était connu, infiltré et surveillé de tous. Des documents appartenant au président y aurait même été récupérés. Des failles de sécurité qui ont été imputées à l’Ambassade et à ses services.
C’est d’ailleurs la divulgation dans les médias du lieu de la rencontre du mercredi 7 juin entre le président et la diaspora, le Dockx Dôme, qui a fini de convaincre le bureau du président de totalement changer ses plans et de finalement organiser un « Rwanda Day » en Belgique.  Même le lieu où se tenait le « Rwanda Day » a été découvert par l’opposition quelques heures seulement après la signature de la convention avec la salle. Cela a permis aux organisateurs de la mobilisation #KagameGetOut d’anticiper et de demander à temps les autorisations de manifester aux autorités belges.
Au final, malgré l’exploit des services de l’Ambassade et de la DRB-Rugali d’organiser un « Rwanda Day » en quelques jours, le bureau du président pointe du doigt l’Ambassadeur, Olivier Nduhungirehe, et ses collaborateurs pour les fuites. Au sein de l’Ambassade et de l’association DRB-Rugali chacun se questionne sur les origines des fuites et les soupçons n’épargnent personne.

Ce n’est pas la semaine qu’il avait prévue

Chahuté par ses opposants, abandonné par ses partisans dans un premier temps, infiltré au sein même de ses propres rangs, Kagame n’aura pas passé la semaine qu’il souhaitait à Bruxelles. Bien que le « Rwanda Day » se soit relativement bien passé, l’opération de communication et la démonstration de force qu’il avait prévues à l’aune de l’élection présidentiel de 2017 ne se sont pas déroulées comme prévu. L’unité retrouvée et le dynamisme insufflé par les jeunes générations au sein de la communauté rwandaise d’Europe redonnent également de la vigueur au mouvement d’opposition contre le président Kagame. Pierre Mertens, un célèbre écrivain bruxellois disait : « Bruxelles est la ville où l’on aime revenir. On partirait d’ici, rien que pour cela. » Pas certain que Kagame puisse faire sienne cette belle citation bruxelloise.
Emmanuel Hakuzwimana
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