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Rwanda: "Tous les voleurs doivent être tués", le rapport glaçant

Rwanda: "Tous les voleurs doivent être tués", le rapport glaçant

Dans un rapport publié ce 13 juillet 2017, l’organisation de défense des droits de l’Homme Human Rights Watch tire la sonnette d’alarme et accuse les forces de sécurité rwandaises  d’avoir exécuté « au moins 37 personnes soupçonnées de petite délinquance » et d’en avoir fait disparaître au moins quatre autres depuis avril 2016.

Rangée du haut, de gauche à droite : Juma Ntakingora (exécuté le 21 septembre 2016) ; Alexandre Bemeriki (exécuté en octobre 2016) ; Benjamin Niyonzima (exécuté le 16 décembre 2016) ; Basabose Hakuzimana (exécuté le 6 décembre 2016) ; Elias Habyarimana (exécuté le 25 mars 2017). Rangée du milieu, de gauche à droite : Samuel Minani (exécuté le 15 décembre 2016) ; Jean de Dieu Habiyaremye (arrêté fin novembre 2016 et exécuté deux jours plus tard) ; Ernest Tuyishime (exécuté le 5 août 2016) ; Thaddée Uwintwali (exécuté le 13 décembre 2016) ; Emmanuel Ntamuhanga (exécuté en mars 2017). Rangée du bas, de gauche à droite : Fulgence Rukundo (exécuté le 6 décembre 2016) ; Naftal Nteziriza (exécuté fin décembre 2016) ; Jeannine Mukeshimana (exécutée le 16 décembre 2016) ; Jean Kanyesoko (exécuté le 2 août 2016) ; Emmanuel Hanyurwabake (exécuté fin décembre 2016). ©


Dans ce rapport de 42 pages intitulé « tous les voleurs doivent être tués, exécutions extrajudiciaires au Rwanda », l’organisation de défense des droits de l’Homme « décrit en détail comment l’armée, la police et des unités de sécurité auxiliaires, parfois avec l’aide des autorités civiles locales, ont appréhendé de petits délinquants présumés et les ont sommairement exécutés. »[1]
Le rapport, qui se base sur 119 entretiens réalisés notamment auprès de membres de familles de victimes, de témoins ou de responsables gouvernementaux, est un véritable condensé d’horreurs précisément documentées au sujet des atrocités commises par les forces de sécurité dans les districts de Rubavu et de Rutsiro dans la province de l’Ouest du Rwanda.
L’organisation affirme par ailleurs avoir reçu des rapports dignes de foi d’ « au moins six autres exécutions extrajudiciaires qui sont en cours de vérification, incluant des cas qui auraient eu lieu tout récemment, en juin 2017, et quelques cas dans le district de Rusizi (Province de l’Ouest) et le district de Musanze (Province du Nord) ».
Selon le rapport, la plupart des victimes étaient des personnes accusées de vols divers, comme le vol de bananes, d’une vache ou d’une moto, ou étaient soupçonnées « de faire du trafic de marijuana, d’avoir franchi illégalement la frontière de la République démocratique du Congo vers le Rwanda ou d’utiliser des filets de pêche illégaux ».
Le rapport décrit les supplices infligés aux victimes, le plus souvent par des militaires, avant leurs exécutions. Un témoin ayant vu le corps d’une des victimes peu après son exécution a ainsi raconté à l’organisation avoir remarqué « des plaies créées par des balles et des blessures qui semblaient avoir été causées par des passages à tabac ou des coups de couteau. »
Pour Human Rights Watch, « ces meurtres ne sont pas des éléments isolés, mais semblent faire partie d’une stratégie officielle », des autorités militaires et civiles locales ayant expliqué aux habitants après plusieurs exécutions, souvent lors de réunions publiques, « qu’elles appliquaient les ‘nouveaux ordres’ ou une ‘nouvelle loi’ stipulant que tous les voleurs et autres criminels de la région devaient être arrêtés et exécutés. »
Selon Human Rights Watch, ces meurtres sont rarement évoqués au Rwanda malgré le fait que certains ont eu lieu devant plusieurs témoins, en raison des restrictions qui pèsent sur les médias indépendants et la société civile au Rwanda ainsi que de la peur éprouvée par les groupes de défense des droits de l’Homme locaux à l’idée de publier des informations sur ces atrocités.
L’organisation liste ensuite nommément les cas documentés, cite l’identité des victimes, souvent des jeunes n’ayant pas atteint la trentaine et publie leurs photos en détaillant les circonstances de leurs exécutions.
Ainsi, Juma Ntakingora, âgé de 26 ans, a été exécuté le 21 septembre 2016 alors qu’il péchait près du village de Bugarura dans la cellule de Bushaka. Un proche de la victime a raconté à Human Rights Watch: « Il était en train de pêcher avec un ami qui est venu plus tard nous raconter qu’ils avaient été attaqués par le bateau de patrouille militaire, qui a avancé droit sur eux, et que les militaires ont commencé à tirer. Nous sommes allés au lac le lendemain et avons trouvé son corps. Il était encore dans la pirogue qui était échouée sur la berge. Juma avait été tué, atteint par une balle dans le ventre. »
Thadée Uwintwali, un fermier du village de Murambi a reçu la visite de cinq militaires le soir du 13 décembre 2016, qui l’ont interrogé sur le vol d’une chèvre. Ils ont ensuite commencé à le battre avant de l’emmener avec eux. Un proche de la famille a raconté à l’organisation que le corps de Thadée avait été retrouvé le lendemain à une vingtaine de minutes de marche de sa résidence.
Claude Barayavuga, 19 ans et souffrant d’un handicap mental avait des antécédents de vol. Le 27 avril 2017, il vole deux ampoules chez un particulier qui le poursuit et le bat à mort avec un marteau. Le suspect est arrêté et libéré quelques jours plus tard. Selon un habitant du village, la mort de Claude a été décidée quelques jours avant qu’il ne soit tué.  Ce témoin affirme avoir entendu  le chef du village dire lors d’une réunion : “Si Jean-Claude est de nouveau pris à voler, tuez-le”. »
Le rapport documente ainsi de manière précise et détaillée, 37 cas d’exécutions extra judiciaires commises par les forces de sécurité, 2 cas de meurtres par des civils sur incitation des autorités locales ainsi que 4 cas de disparitions forcées toutes commises depuis avril 2016.
Les membres des familles des victimes sont souvent trop effrayés pour réclamer justice, la déclaration de l’oncle d’une des victimes à Human Right Watch résumant leur sentiment face à la situation «Qui pourrions-nous accuser même si nous le voulions ? Ces hommes sont tués par l’État et vous ne pouvez pas accuser les autorités de l’État ».
De peur de subir des représailles de la part des autorités, certaines familles ont enterré leurs proches dans le plus grand secret, et « plusieurs familles ont quitté leur village, lorsque leurs maris, fils ou frères ont été tués, craignant d’être aussi prises pour cible. »
Cliquez ici pour lire le rapport complet
Ruhumuza Mbonyumutwa
Jambonews.net
 
 
 
 
[1] https://www.hrw.org/fr/news/2017/07/13/rwanda-executions-sommaires-de-personnes-soupconnees-de-petite-delinquance

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