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La dette du Rwanda: ce que les parties prenantes doivent savoir – (1ère partie)

La dette du Rwanda: ce que les parties prenantes doivent savoir – (1ère partie)

La dette extérieure du Rwanda est passée de 900 millions de dollars en 1994 à 1,7 milliard de dollars en 2004. Le pays a bénéficié d’un allégement conséquent de la dette en 2006, ce qui a ramené sa dette à 400 millions de dollars. Cependant, onze ans plus tard, la dette extérieure est montée à 3 milliards de dollars, équivalents à 38,4% du produit intérieur brut (PIB) du pays. En outre, la dette intérieure du Rwanda a presque triplé passant de 300 millions de dollars en 2010 à 850 millions de dollars (9,7% du PIB) en 2017. En conséquence, la dette publique brute du pays s’élevait à 3,9 milliards de dollars – soit 48% du PIB en 2017.
Alors que le niveau croissant de la dette extérieure du Rwanda pourrait paraître précaire, les institutions de Bretton Woods affirment que ce n’est pas le cas. Selon l’analyse de viabilité de la dette (AVD) publiée conjointement par le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale en juin 2017, le risque de surendettement extérieur du Rwanda reste faible.
Malgré cela, le pays continue de recevoir des avertissements sur sa frénésie d’emprunt. En novembre 2017, Fitch Ratings, une agence de notation financière, a prévenu que l’incapacité du Rwanda à ralentir la hausse de sa dette extérieure nette et stabiliser la trajectoire ascendante de son ratio dette publique brute / PIB brut pourrait peser individuellement ou collectivement sur la notation financière du pays. En outre, le rapport economic update sur le Rwanda de la Banque Mondiale publié en décembre 2017 a fait état d’une accumulation persistante de la dette parmi les principaux risques qui pèsent sur les perspectives de croissance économique du pays (page 14).
Les hauts fonctionnaires du Rwanda ont cependant minimisé ces avertissements. Plus tôt en février 2018, le ministre rwandais des Finances a déclaré: « Nous ne pouvons pas prendre plus de dettes que nous ne pouvons en supporter. Nous sommes prudents dans notre gestion de la dette. Aussi, lorsque vous regardez des aspects tels que le service de la dette, l’augmentation des exportations et la réduction du déficit commercial entre autres, nos niveaux d’endettement sont très gérables. »
Deux semaines plus tard, à la mi-février 2018, le chef de la mission du FMI au Rwanda a réaffirmé le discours officiel du pays mais a fixé les conditions. Les responsables du FMI ont déclaré que le Rwanda devrait éviter les dettes inutiles qui ne sont pas rentables et averti que les dettes intérieures sont relativement chères en raison des taux d’intérêt plus élevés qui leur sont imposés.
Face à ce contexte peu explicite autour des dettes du Rwanda, il y a des faits considérables auxquels les citoyens, les futurs décideurs politiques, les investisseurs et les partenaires du Rwanda devraient sérieusement prêter attention.
En mars 2018, le FMI a mis en garde contre un risque croissant de crise de la dette parmi les pays pauvres, catégorie dont le Rwanda fait partie. Le FMI a constaté que 40% des pays en développement à faible revenu sont confrontés à d’importants problèmes de dette. Cependant, les pays spécifiquement concernés n’avaient pas été nommés.
Néanmoins, en mai 2018, Jubilee Debt Campaign, un mouvement basé au Royaume-Uni qui s’efforce de briser les chaînes de la dette, a classé le Rwanda parmi les pays à risque de crise de la dette publique. Cette classification a été approuvée suite à l’évaluation de divers indicateurs économiques qui mesurent le risque lié à l’endettement du Rwanda. Il a été observé que la dette extérieure nette du Rwanda (différence entre actifs et passifs externes) était de -26% du PIB, proche du seuil tolérable de -29%. L’actuel déficit moyen du pays sur trois ans était de 8,4% du PIB, bien au-dessus de la limite normale de 3% du PIB. En outre selon les prévisions, les paiements de la dette extérieure du Rwanda devaient dépasser 15% des recettes publiques sur plusieurs années, alors que la dette extérieure du pays s’élève à 38,4% du PIB, près du seuil acceptable de 40% du PIB. De plus, la dette extérieure du pays s’élève à 262% des exportations, bien au-dessus du point de contrôle de 150%, et son paiement de la dette extérieure est de 9,1% des revenus, proches de la limite acceptable de 10%. Compte tenu des indicateurs soulignés, le Rwanda a été classé parmi les pays à risque de crise de la dette publique.
Malgré cela, la dette publique brute du Rwanda devrait augmenter au cours des années à venir. Dans son rapport de mai 2018, l’agence de notation Fitch Ratings explique que l’augmentation de la dette publique du Rwanda devrait provenir du déficit budgétaire, de l’impact de la dépréciation de la monnaie locale sur la dette en monnaie étrangère, de l’accroissement des emprunts garantis par l’Etat, et la tendance des donateurs à transformer les subventions en prêts concessionnels. L’agence de notation a également prévu que le Rwanda ferait face à un risque de refinancement à l’avenir, soit que le Rwanda ne puisse pas refinancer en empruntant pour rembourser la dette existante.
Un mois plus tard, en juin 2018, la Banque mondiale réitérait ses prévisions sur le risque du refinancement de la dette commerciale du Rwanda. Malgré l’analyse de viabilité de la dette (AVD) indiquant que le surendettement du Rwanda reste faible, le rapport de la Banque mondiale indique que : « L’AVD 2017 a montré, cependant, que les ratios service de la dette par rapport aux exportations et aux recettes enfreignent les seuils des remboursements projetés d’euro-obligations en 2023. Bien que cette infraction semble temporaire et gérable, il illustre les risques auxquels le Rwanda pourrait être confronté pour le refinancement de sa dette commerciale si les conditions sur les marchés internationaux ne sont pas favorables. » (page 11)
En fait, l’espace fiscal du Rwanda s’est progressivement rétréci en raison de l’endettement du pays. De ce fait, sa capacité à fournir des ressources pour des objectifs voulu sans compromettre la viabilité de sa situation financière ou la stabilité de l’économie est étrécie (page 13). Selon la Banque mondiale, les années fiscales nécessaires pour que le Rwanda puisse rembourser sa dette publique sont passées de 1,7 en 2012 à 2,2 en 2014 et à 3,0 en 2016 (ibid). La banque a ensuite déclaré que cette tendance indique un rétrécissement de l’espace fiscal du Rwanda. Si elle suit cette trajectoire, cela pourrait également compromettre la viabilité de la dette du pays (page 14).
Le risque fiscal du Rwanda est exacerbé par les grands projets qui ont été exécutés grâce à des emprunts extérieurs mais qui n’ont pas encore généré les rendements attendus. C’est ce que réaffirme la Banque mondiale, qui a souligné que les rendements économiques des investissements publics importants réalisés pendant la période de 2012 à 2015 pourraient être inférieurs aux prévisions ; et cela soulève des préoccupations quant à la viabilité fiscale du Rwanda. Parmi ces projets figurent la construction du Centre des congrès de Kigali (KCC) et l’expansion de Rwandair. Pour ce dernier, Rwandair a reçu des subventions et des prêts du gouvernement estimés à 440 millions de dollars entre 2013 et 2016. Près de 70% des prêts nets totaux du Rwanda pour l’année 2016-2017 étaient destinés à Rwandair (page 9). Malgré cela, la compagnie aérienne n’a pas encore généré un rendement proportionnel à l’investissement réalisé.
Se pourrait-il que les emprunts en cours du Rwanda, qui servent principalement à financer les opérations de KCC et Rwandair, font partie de ces dettes inquiètantes contre lesquelles le FMI mettait en garde le Rwanda à la mi-février 2018? Récemment, Fitch Ratings a également mis en garde le Rwanda contre l’augmentation significative des passifs éventuels, citant la compagnie aérienne publique Rwandair comme l’une des sensibilités de notation financière  du pays.
Ce qui précède soulève de sérieuses questions de la part des parties prenantes sur les politiques monétaires du Rwanda et sur le leadership en charge de définir l’orientation des emprunts du Rwanda et la gestion de ceux-ci. Dans la deuxième partie de cet article, la dette intérieure du Rwanda sera discutée, fournissant des faits révélateurs et des explications pointues. Cette deuxième partie illustrera également le fait que l’endettement est devenu l’une des raisons empêchant le Rwanda de réaliser son programme de développement dît « Vision 2020 ».
Aimé Muligo Sindayigaya
www.jambonews.net
Pour plus d’articles de l’auteur : http://insightfulquotient.com/
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