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Le Rwanda a-t-il traité les causes profondes d’un génocide ?

Le Rwanda a-t-il traité les causes profondes d’un génocide ?

Article d’opinion soumis pour publication par Teta Sineyase

Introduction

A l’occasion de la 25ème commémoration du génocide contre les Tutsi, de nombreux rwandais ainsi que les citoyens du monde en général ont encore une fois répété « plus jamais ça ».
Cependant, on peut se demander ce qu’on fait pour prévenir et éviter un autre génocide ou toute autre atrocité de masse dans laquelle un groupe de rwandais pourrait être la cible d’extermination.
De nombreux académiciens, hommes politiques et auteurs rwandais et non rwandais ont tenté d’analyser les causes du génocide contre les Tutsi. La plupart des analyses portent sur la politique qui caractérisait le Rwanda avant 1994. D’autres abordent la question en se basant uniquement sur les réalités politiques et géopolitiques de l’ère coloniale, et de la première et la deuxième républiques.
Cependant, pas assez d’analyses ont été faites sur les dimensions sociales avant, pendant et après l’ère coloniale, qui ont peut-être amené le Rwanda au génocide contre les Tutsi.

Cet article se focalise sur les causes historiques et psycho-sociales du génocide contre les Tutsi et essaie d’analyser la manière dont elles peuvent être traitées pour prévenir un autre génocide contre n’importe quel groupe de Rwandais.
Dans l’objectif de donner une explication à ce qui s’est passé en 1994, le gouvernement actuel, à dominante Tutsi, a tendance à simplifier son récit au fait que les dirigeants d’anciens gouvernements à majorité Hutu avaient incité les Hutu à la haine contre leurs compatriotes Tutsi, et souligne que ces dirigeants avaient un plan d’extermination des Tutsi, qu’ils ont finalement exécuté en 1994. Ce récit officiel par le gouvernement actuel semble être incomplet et fallacieux.
D’autre part, des sympathisants des anciens gouvernements à majorité Hutu font valoir qu’il n’y avait jamais eu de plan d’extermination des Tutsi. Mais, ils ne parviennent pas à expliquer ce qui a conduit les extrémistes Hutu, principalement des civils, à massacrer leurs voisins, leurs parents et leurs amis Tutsi. Que se passait-il dans l’esprit de ces tueurs ?
Je crois que nous, les rwandais et tous ceux qui souhaitent comprendre ce qui s’est réellement passé en 1994, ont encore du travail à faire.
C’est possible que plusieurs Rwandais souffrent toujours des mêmes syndromes qui ont causé le génocide contre les Tutsi, et qu’ils ont peur de se regarder dans un miroir, d’analyser objectivement leur société et de résister à la simplification suggérant que le mal n’existe que chez les autres.
J’ai conscience que je ne peux pas tout couvrir en un seul article. Donc, je vais essayer d’analyser brièvement ce qui d’après mon analyse sont les causes psycho-sociales du génocide contre les Tutsi et conclure en indiquant ce que les politiciens devraient faire pour s’attaquer aux véritables causes du génocide, au lieu de se concentrer uniquement sur ses symptômes.
C’est seulement en éliminant ces causes profondes que nous pourrons éviter la survenance d’un nouveau génocide contre n’importe quel groupe de Rwandais.

1. Historique du groupe ou les dogmes « eux » et « nous »

La manière dont les gens pensent d’eux-mêmes et de ceux qui les entourent peut influer sur le risque de violence à l’encontre de personnes perçues comme des membres de l’autre groupe. Le groupe avec lequel ils s’identifient devient un élément important de leur identité sociale.
Ces groupes ne doivent pas forcément être basés sur des ancêtres ou des lignées. Même les citoyens d’un même pays qui parlent la même langue ou qui ont des cultures similaires peuvent se voir comme des groupes distincts en fonction de leur histoire.
Par exemple, les Tutsi, les Hutu et les Twa, qu’ils soient des mythes, des classes sociales ou des ethnies existaient même avant l’ère coloniale. Ce qui s’est passé pendant et après la période coloniale, c’est tout simplement le fait que ces groupes plutôt sociaux sont devenus des groupes politiques, qui se combattaient pour le pouvoir.
Avant la politisation de ces groupes par les colonisateurs belges, les Tutsi et les Hutu ne s’étaient jamais battus pour le pouvoir. En dehors des guerres visant à envahir d’autres royaumes et à conquérir d’autres communautés, il n’y avait jamais eu de guerre opposant les Hutu contre les Twa ou les Tutsi.
Cependant, cela ne signifie pas qu’il n’y avait pas d’historique de groupe. Dans les paragraphes à suivre, nous allons comprendre pourquoi et comment les Tutsi se considéraient comme supérieurs (pas nécessairement oppressifs) et les Hutu et les Twa se considéraient comme des groupes inférieurs (pas nécessairement opprimés). Les Tutsi apprenaient à leurs enfants comment être de bons maîtres et les Hutu apprenaient à leurs enfants à être de bons serviteurs afin de gagner la sympathie des Tutsi.
Lorsque les colonisateurs belges ont introduit les livrets d’identification ‘Ibuku’ en 1933, regroupant les Rwandais en fonction de ces groupes sociaux, ils s’appuyaient sur des stéréotypes sociaux (basés sur le nombre de vaches) et sur des stéréotypes morphologiques (en mesurant la taille, le crâne et le nez). C’est probablement parce qu’il n’y avait pas d’autres moyens concrets de différencier les Tutsi, les Hutu et les Twa, que ce soit par leur langue ou par leur localisation géographique.
L’introduction d’une identification basée sur le statut social et la morphologie a fait des Tutsi, des Hutu et des Twa des groupes distincts et a conduit à la politisation de ces identités en tant que des groupes raciaux, et par après comme des groupes ethniques, malgré le fait que les Rwandais partageaient la même langue, la même religion et les mêmes traditions.
La période qui a conduit à la révolution de 1959, au référendum de 1961 et à l’indépendance de 1962 a accentué le fossé entre ces groupes. C’était clairement des groupes politiques qui se combattaient pour le pouvoir. Les associations qui s’étaient originellement enregistrées en tant qu’ organisations de la société civile qui se battaient pour les droits civils de leurs membres sont finalement devenus des partis politiques dotés d’idéologies et d’ambitions politiques.
Il y avait un parti politique qui défendait les droits des Hutu. Il y avait un parti politique qui défendait les droits des Twa. Il y avait des partis politiques, qui n’indiquaient pas explicitement quels droits ils défendaient, mais qui soutenaient soit la monarchie, une idée qui était principalement soutenue par les élites Tutsi, soit la République, une idée qui était principalement soutenue par les élites Hutu.
La politique des années 50 a creusé le fossé entre les groupes de Rwandais. Ça a accentué l’esprit de « eux » et « nous ».
La révolution sociale de 1959, qui avait initialement des causes légitimes, s’est révélée sanglante et enfumée. De nombreux Rwandais ont été tués par leurs compatriotes. Beaucoup de maisons ont été incendiées. C’était un affrontement entre les partisans de la monarchie et ceux qui voulaient que le Rwanda devienne une république. Cela s’est terminé par la victoire de ceux qui souhaitaient la république, tandis que des centaines de milliers de ceux qui soutenaient la monarchie, principalement des Tutsis, étaient envoyés en exil.
Les années qui ont suivi la révolution sociale ont été caractérisées par des troubles politiques, qui ont continué à opposer les Hutu contre les Tutsi et ont ensuite donné naissance à d’autres sous-groupes d’Abakiga et d’Abanyenduga.
Parmi ces troubles, on peut citer :

  • Les attaques des années 1960 par de groupes rebelles formés par des Rwandais en exil, principalement des Tutsi. Ces attaques étaient toujours suivies par des massacres de Tutsi qui étaient restés au Rwanda par des partisans de la nouvelle république.
  • Le coup d’Etat de 1973 au cours duquel un Hutu du Nord a renversé le pouvoir d’un Hutu du Sud et a tué de nombreux membres de son gouvernement, principalement de Nduga (Gitarama). Cela a créé les sous-groupes Hutu d’Abakiga (Nord) et d’Abanyenduga (Sud).
  • La guerre civile des années 1990-1994 a été lancée par le FPR Inkotanyi, un groupe rebelle formé en majorité par des exilés Tutsi. Après le début de cette guerre, le gouvernement à majorité Hutu s’est tourné vers les Tutsi restés au Rwanda, les accusant d’être des alliés de leurs parents Tutsi en exil. Beaucoup de Tutsi ont été arrêtés et mis en prison. Cela a amené de plus en plus de Hutu à les considérer comme des ennemis souhaitant rétablir la monarchie.

Bien qu’il y ait des facteurs politiques et géopolitiques qui ont motivé ces attaques, agressions et guerres, mon objectif est de souligner comment ces guerres ont déchiré encore plus le tissu social rwandais et accentué l’esprit de « eux » et « nous ». Chaque guerre se terminait toujours par un groupe de Rwandais étiqueté comme les vainqueurs célébrant la victoire et par l’autre groupe comme des perdants à la recherche d’une nouvelle occasion de reprendre le pouvoir.
Par exemple, le 25 septembre 1961, après la révolution sociale de 1959, le chant de Parmehutu (composé en majorité de Hutu) répétait « Turatsinze ga ye », traduit par « La victoire est en fin la nôtre, » malgré le fait que des centaines de milliers de Tutsi ainsi que quelques Hutu et Twa loyaux à la monarchie, avaient quitté le Rwanda pour l’exil.
Dans la même logique, trente ans après la révolution, lorsque le FPR Inkotanyi (principalement des Tutsi) a déclenché la guerre civile de 1990-1994, ils ont chanté « Instinzi bana b’u Rwanda », traduit par « Victoire, enfants du Rwanda » et qui est devenu une chanson populaire après la victoire du FPR Inkotanyi en 1994, malgré le fait que plus de deux millions de Rwandais (principalement des Hutu) avaient quitté le Rwanda pour l’exil.
En 1973, lorsque Habyarimana a pris le pouvoir et a créé le parti MRND, il proposa le slogan « Amahoro, Ubumwe n’Amajyambere, » traduit par « Paix, unité et développement, » mais a conservé une politique de nature à diviser.
Aujourd’hui, le gouvernement actuel ne prêche pas seulement « l’unité, » il a même proposé un slogan intitulé « Ndi Umunyarwanda, » afin de promouvoir l’identité nationale en lieu et place de ces identités ethniques, Tutsi, Hutu et Twa. Ces mots ne sont plus mentionnés dans les cartes d’identification.
Cependant, nous savons tous que les slogans ne suffisent pas.
Si nous voulons que les Rwandais soient plus fiers d’être Rwandais que Tutsi, Hutu ou Twa, les politiciens devraient veiller à ce que tous les Rwandais exercent leurs droits de manière égale et aient accès à des opportunités égales.
Aussi longtemps que certains groupes agissent comme s’ils avaient plus de droits au Rwanda alors que les autres se sentent marginalisés dans leur propre pays, le Rwanda ne pourra jamais combattre les dogmes « eux » et « nous ».

2. Suprémacisme, stigmatisation et déshumanisation

Les relations sociales entre les Rwandais avant et pendant l’ère coloniale ne se caractérisaient pas uniquement par les relations de « maître » et de « serviteur ». Il y avait aussi l’esprit de suprémacisme parmi les différents groupes sociaux, les Tutsi, les Hutu et les Twa.
Pour comprendre ce suprémacisme, on peut probablement examiner les différents aphorismes de la langue kinyarwanda, qui tendent à contenir des stéréotypes sur les Tutsi ou les Hutu.
Les exemples d’aphorismes sur les Hutu sont principalement liés à la honte, le manque de mœurs et la frivolité. Ils comprenaient :

  • Inkunguzi y’Umuhutu yivuga mu Batutsi : Ce qui pourrait littéralement être traduit par ‘Un casse-cou hutu chante ses propres louanges lorsqu’il est entouré de Tutsi’ parce que cela causerait sa propre mort ou la mort des membres de sa famille.
  • Umuhutu agira inzara ntagira inzika : Ce qui suggérait qu’un Hutu peut avoir faim mais il n’est pas rancunier.
  • Utuma Abahutu atuma benshi, qui signifiait que si on souhaitait envoyer un message quelque part, afin de s’assurer qu’il atteigne sa destination, on devait peut-être envoyer plus d’un Hutu. Ainsi, si un Hutu ne transmet pas le message, d’autres pourraient, parce que les Hutu ne sont pas efficaces.

D’autre part, les Tutsi, bien que perçus comme supérieurs, avaient des aphorismes liés à l’hypocrisie et à la ruse. Ils comprenaient :

  • Umututsi umusembereza mu kirambi akagutera ku buriri : cela signifiait littéralement que lorsque vous invitez un Tutsi dans votre salon, tôt ou tard, il vous remplace même sur le lit. C’est à dire qu’il prendra plus tard le contrôle de toute votre maison et gagnera votre femme.
  • Umutusi umuvura amenyo ejo akayaguhekenyera : ce qui voulait dire que lorsque vous traitez les dents d’un Tutsi aujourd’hui, il les utilise pour vous mordre, demain. Cela suggérait que les Tutsi pourraient trahir même une personne qui leur aurait fait du bien.

Il y avait d’autres aphorismes qui ne mentionnaient pas les mots « Hutu » ou « Tutsi », mais « peuple noble » et « peuple de classe inférieure ».
Ces aphorismes étaient utilisés par tous les Rwandais pour désigner ceux qu’ils considéraient comme étant supérieurs ou inférieurs à eux dans leurs propres groupes ou en dehors de leurs groupes.
Selon leur statut dans la société, certains Tutsi se considéraient plus nobles que d’autres Tutsi, et certains Hutu se considéraient supérieurs aux autres Hutu.
Cependant, il serait peut-être important de noter qu’aucun Hutu ne serait considéré plus noble qu’un Tutsi. Ainsi, « noble » ou « imfura » serait généralement utilisé pour désigner les Tutsi, et « classe inférieure » pour désigner généralement les Hutu, bien qu’il y eût des exceptions.
Les aphorismes concernant les « nobles » inclurent, par exemple :

  • Aho imfura zisezeraniye niho zihurira : ce qui signifie que les « Les nobles honorent toujours leurs promesses ».
  • Imfura zisangira amata ntizisangira amaraso : comme l’indique le dicton, « Il n’existe ni allié permanent ni ennemi permanent, mais des intérêts permanents », ce qui suggère qu’une personne noble peut même trahir un proche pour ses propres intérêts.

Par ailleurs, les aphorismes concernant les « Rwandais de la classe inférieure » peuvent inclure, par exemple :

  • Umutindi ntakira n’iyo akize ntakira uko yabaye : ce qui est comparable à « une fois pauvre, toujours pauvre ».

Outre les stéréotypes liés au statut social, certains spécialistes continuent de faire valoir qu’il existait des différences morphologiques entre les Tutsi et les Hutu en fonction de leur origine.
Je n’aurais pas assez de temps pour discuter les limitations de cette théorie. Cependant, je peux simplement dire que les Tutsi, les Twa et les Hutu, soit comme des groupes sociaux, légendaires, ou ethniques, ont vécu géographiquement mélangés pendant des milliers d’années, et j’aime les considérer comme le même peuple.
Il est probablement important de noter que les Rwandais, dans leurs chansons et leurs poèmes, n’ont jamais lié leurs différences morphologiques aux identités Tutsi ou Hutu, mais au régime alimentaire et au mode de vie. Par exemple, dans la chanson « Nyiratunga » de Byumvuhore, il est écrit que « Uwanyoye inka ntayoberana, umubwirwa n’imbavu ndende », ce qui signifie que les personnes nourries au lait ont tendance à être plus grandes et élancées.
Il convient de noter que, même si les Hutu n’avaient pas beaucoup de vaches, ils appréciaient également les vaches et incluait dans leur alimentation le lait, soit de leurs propres vaches, soit des vaches de leurs maîtres.
Par contre, certains Tutsi pourraient être « aboro », ce qui signifiait des Tutsi pauvres sans vaches.
Une autre réalité intéressante est qu’un Hutu, après avoir fait preuve d’être aussi noble que les Tutsi, pouvait devenir Tutsi dans un processus communément appelé « Kwihutura ».
La différence morphologique est donc un mythe qui s’explique plutôt par la manière dont les conditions de vie du passé ont peut-être affecté la structure corporelle et l’apparence physique de certains Rwandais.
Dans une société où la majorité des familles aisées étaient des Tutsi et où la majorité des familles pauvres étaient des Hutu et des Twa, la morphologie pouvait être affectée, bien que, pour des raisons que j’ai déjà expliquées, il pouvait y avoir des exceptions.
Ces stéréotypes sur les Tutsi, les Hutu, les nobles et les gens de la classe inferieure, sont-ils vrais ? Ma réponse est non.
Cependant, nous pouvons noter que ce que nous, les gens ordinaires, appelons les stéréotypes, les scientifiques les appellent des « généralisations empiriques », car ce sont des conclusions basées sur des échantillons.
Dans toute société, les gens inventent des stéréotypes associées à certains groupes comme des marques qui résument ce qu’ils ressentent lorsqu’ils interagissent avec les membres de ces groupes.
Ainsi, en tant qu’analyste, les stéréotypes ne me donnent pas autre chose qu’une simple idée de ce que les Tutsi et les Hutu ressentaient à propos de leurs interactions.
Il convient de noter que, même quand les interactions et les expériences changent à cause des nouvelles circonstances et conditions de vie, les stéréotypes parfois demeurent. Donc, aujourd’hui ces différences sociales entre les Tutsi et Hutu ne sont plus évidentes, mais il y a pas mal des Rwandais, Hutu, Tutsi, ou Twa, qui croient toujours en ces anciens stéréotypes.
Par exemple, même après que le Rwanda soit devenu une société plus « civilisée », certains Rwandais ont continué à fonder leur jugement des autres sur ces stéréotypes.
Lorsque certains groupes se sentent supérieurs à d’autres ou plus dignes que d’autres, ils ont tendance à déshumaniser et à stigmatiser ceux qui sont considérés comme inférieurs. Les manières des groupes considérés « inférieurs » sont toujours qualifiées de viles ou de basses.
Les élites Tutsi traitaient leurs compatriotes Hutu comme leurs serviteurs. Les Hutu devaient toujours servir, respecter et obéir aux Tutsi. D’un autre côté, les Hutu, qui ont fini par croire qu’ils appartenaient à la classe inférieure, honoraient et respectaient les élites Tutsi en tant que leurs maîtres.
Certains Hutu étaient très loyalistes vis-à-vis de leurs maîtres Tutsi : ils prenaient même leur nom, pouvaient être adoptés par leurs clans et obéissaient à leurs ordres sans résistance.
Pour certains, cela a été fructueux, car certains maîtres Tutsi récompensaient la loyauté de leurs serviteurs Tutsi et Hutu par de nombreuses vaches. Ils pouvaient aussi donner finalement au serviteur Hutu la possibilité de changer son statut social d’un Hutu à un Tutsi, en ce qu’on appelait « Kwihutura », c’est-à-dire se débarrasser de son identité Hutu. Donc, ceux qui restaient Hutu se sentaient comme s’ils n’avaient pas fait assez pour mériter l’identité Tutsi.
Avec cette relation entre Hutu et Tutsi, être un Hutu était devenu une source de honte et de stigmatisation. Un Hutu était considéré comme une personne de la classe inférieure, un homme mal élevé ou un serviteur qui n’avait pas été assez loyal pour gagner l’identité Tutsi (kwihutura).
Il convient probablement de noter que, avec le temps, le mot « Hutu » avait pris un sens différent. Certains Tutsi traitaient d’autres Tutsi comme leurs « Hutu », même si, dans la société, ces personnes étaient généralement reconnues comme Tutsi. Avec ce nouveau sens, quand quelqu’un disait : « M. X est le Hutu de M. Y, » cela pourrait signifier que M. X était sous le contrôle ou le parrainage de M. Y.
Avant l’ère coloniale, à l’exception de la stigmatisation des Hutu en joignant leur identité à celle des abatindi (personnes de la classe inférieure) ou des abanyamusozi (personnes aux manières barbares), aucun groupe n’égalisait l’autre à des animaux ou à des objets.
Dans toute société, lorsque certaines personnes se sentent inférieures, toute occasion de se lever conduit parfois à une sorte de complexe de supériorité préjudiciable. Les psychologues voudront peut-être approfondir leurs recherches pour savoir si cela explique pourquoi, après s’être battus pour leur émancipation dans ce qu’on appelle la révolution sociale de 1959, au lieu de rétablir l’égalité des droits civils pour tous les Rwandais, les Hutu ont fini par créer des régimes puissants et dictatoriaux, en marginalisant d’autres groupes de Rwandais, en particulier les Tutsi.
Après la révolution de 1959 et l’indépendance de 1962, les Tutsi ont été stigmatisés pour tous les méfaits de la monarchie. L’histoire était enseignée de manière sélective pour donner l’air mauvais à la monarchie et aux élites Tutsi. Tandis que, en revanche, les Hutu qui s’étaient battus pour la révolution et qui dirigeaient le Rwanda après l’indépendance étaient présentés comme des héros qui avaient libéré le peuple Rwandais de la suprématie Tutsi.
Déshumaniser les Tutsi en les traitant de cafards et de serpents n’a pas commencé dans les années 90.
Selon cet article publié dans The New Times du 13 mars 2014, le terme « Inyenzi » aurait été inventé par des Tutsi eux-mêmes pour désigner les groupes rebelles (à majorité Tutsi) qui ont attaqué le Rwanda dans les années 1960. Il aurait peut-être été utilisé pour suggérer que ces rebelles infiltraient le pays de la même manière que les blattes infiltrent un endroit.
Cependant, au fil des années, tous les Tutsi ont été appelés « Inyenzi », d’abord pour suggérer qu’ils étaient tous des complices des rebelles, et plus tard comme mot péjoratif pour les déshumaniser.
Déshumaniser les Tutsi en les appelant des serpents était le résultat des stéréotypes déjà expliqués. Dans l’esprit des extrémistes Hutu, les Tutsi étaient aussi sournois que des serpents.
Les spécialistes en génocide et autre atrocités de masse témoignent que ce type de déshumanisation des êtres humains, en les égalisant à des animaux ou à des objets, précède toujours tout nettoyage ethnique ou génocide.
Ce n’est pas seulement des Tutsi qui ont été déshumanisés par leurs compatriotes.
Après la guerre civile de 1990-1994 et le génocide contre les Tutsi, les Hutu ont subi et subissent jusqu’aujourd’hui différentes sortes de stigmatisation et de déshumanisation.
Au lendemain du génocide, les Hutu étaient appelés « ibipinga » (indociles) ou « abaginga » (ignares). Dans les médias et les médias sociaux, les Hutu sont déshumanisés en les égalisant à des animaux en général, ou à des chimpanzés ou gorilles, ou parfois aux cochons.
Le pire de tous, certains appellent tous les Hutu, sans aucune distinction, des tueurs et des génocidaires. Nous entendons ou lisons des discours du type « Les Hutu ont tué les Tutsi » sans essayer d’ajouter un qualificatif, extrémiste ou milicien, à ceux qui ont participé au génocide des Tutsi, afin d’éviter la stigmatisation de tous les Hutu, y compris ceux qui ont aussi subi des menaces pendant le génocide parce qu’ils étaient soupçonnés d’être des Tutsi, ou leurs parents, alliés ou simplement tentaient de protéger des tutsis.
Ce n’est pas seulement dans la sphère sociale que les Hutu sont déshumanisés et stigmatisés. Nous entendons également des responsables politiques qui demandent aux enfants des Hutu de s’excuser des actes supposément commis par leurs parents ou leurs grands-parents, alors que ces enfants étaient encore très jeunes ou n’étaient pas encore de ce monde en 1994.
Nous constatons également que seuls les Hutu sont accusés de l’idéologie génocidaire, mais nous nous demandons pourquoi les Tutsi qui sont traduits en justice pour avoir prononcé des mêmes propos de haine, ou avoir commis des actions jugées être motivées par la haine, sont accusés de sectarisme ou de divisionnisme, mais jamais de l’idéologie génocidaire. Cela suggère-t-il que seuls les Hutu peuvent avoir des idées ou des plans génocidaires ?
En conclusion, le Rwanda doit mettre fin à la stigmatisation des Hutu et/ou des Tutsi pour les erreurs du passé, ainsi qu’à la déshumanisation de certains Rwandais en les égalisant à des animaux ou à des objets ou en les qualifiant de mauvais par essence.
Le Rwanda devrait également mettre fin à la promotion d’un groupe comme étant culturellement plus digne que l’autre ou morphologiquement supérieur à l’autre.

3. Hégémonie, Assujettissement, et marginalisation Institutionnalisée

Avant l’ère coloniale, les Hutu et les Twa étaient non seulement stigmatisés socialement, mais aussi économiquement marginalisés. Cela n’a pas commencé avec les colonisateurs, comme certains hommes politiques actuels rwandais veulent le faire croire.
Le Rwanda n’était ni civilisé ni industrialisé. La terre était la seule source de richesse. Les Rwandais avaient besoin de terres pour leurs activités agricoles ou pastorales ou pour leurs aventures de chasse. Il y avait des Rwandais qui étaient soudeurs, poètes, danseurs, mais personne ne pouvait gagner sa vie de ces professions, surtout que ces services étaient offerts gratuitement aux maîtres.
Ubukonde signifiait un terrain appartenant collectivement à un groupe des Rwandais de même lignage ou ascendance.
Cependant, vers la fin du XVIIIe siècle, le roi Yuhi IV Gahindiro introduisit « ibikingi » comme étant des zones réservée aux élites Tutsi ou aux éleveurs de bétail. Les Rwandais qui habitaient une zone désignée comme igikingi (ibikingi au pluriel) à un chef Tutsi étaient immédiatement soumis à la protection de cet élite Tutsi à qui ils offraient des services et des redevances de toutes sortes.
Il serait probablement important de noter que l’élite Tutsi ou l’éleveur de bétail à qui Igikingi était donné n’était pas forcément un membre de ce clan ou de cette lignée. Un élite Tutsi de l’est pouvait se voir attribuer igikingi à l’ouest du pays et vice-versa, et il devait s’imposer en tant que dirigeant de ceux qui habitaient son igikingi. L’introduction d’ibikingi a creusé de plus en plus le fossé entre les pauvres Hutu et Tutsi et leurs chefs Tutsi.
Outre ibikingi, il existait également un système de Ubuhake. Ceci peut être défini comme un contrat non écrit entre un individu de statut inférieur (Serviteur) et un individu de statut supérieur (Maître), le premier offrant ses services au second en échange de vaches et de protection.
Bien que tous les maîtres fussent des élites Tutsi, les serviteurs pouvaient être des Tutsi (de rang inférieur), des Hutu ou des Twa.
Ce qui différencie Ubuhake de ce que l’on appelle actuellement emploi, ce sont les conditions, qui incluaient le fait que lorsqu’un serviteur faisait quelque chose qui ne plaisait pas à son maître, en plus de mettre fin au contrat, le maître pouvait reprendre toutes les vaches qu’il avait précédemment données au serviteur et revenir sur sa promesse de protection.
Selon le statut du maître Tutsi dans la société ou sa proximité avec le roi, le serviteur pouvait même être contraint de s’exiler ou se faire tuer.
Le pire de tous ces systèmes était uburetwa, qui signifie « travail forcé ». Dans l’histoire du Rwanda telle qu’écrite par la Commission Nationale d’Unité et de Réconciliation (NURC), nous lisons que même si on ne sait pas quand l’uburetwa a été introduit au Rwanda comme un système dans lequel tous les Rwandais servaient leur pays, c’est à la fin du dix-neuvième siècle que ça a été imposé uniquement sur les Hutu par le roi Kigeli IV Rwabugiri, afin de les punir de sa défaite à Ankole.
Contrairement à Ubuhake, qui était récompensé par des vaches et de la protection, l’uburetwa était imposé aux Hutu, les forçant à offrir des services de main-d’œuvre aux chefs Tutsi. Ces services étaient généralement d’un intérêt commun ; par exemple construire des ponts ou des routes.
En raison de la multiplication des projets d’intérêt commun au cours de l’ère coloniale, les colonisateurs n’ont pas seulement gardé le système d’uburetwa, ils l’ont aussi rendu encore plus insupportable. Les familles Hutu qui étaient soumises à uburetwa n’avaient plus le temps de cultiver leurs propres terres et de prendre soin de leurs familles.
Pour punir ceux qui tentaient d’éviter l’uburetwa, les colonisateurs ont introduit la canne ou la chicotte, communément appelée en Swahili ‘Ikiboko’. Ils demandaient aux chefs Tutsi, ainsi qu’à certains autres Tutsi et Hutu qui leur étaient fidèles, de battre leurs compatriotes Hutu avec la chicotte ‘Ikiboko’. Cela a été une source d’un grand conflit entre Hutu et Tutsi. Uburetwa était plus insupportable et impardonnable qu’Ubuhake et ibikingi.
Après l’ère coloniale, des règles commerciales ont été établies. Pour acquérir plus de terres, une personne devait les recevoir comme son héritage, ou les acheter d’un autre Rwandais.
Après la révolution sociale de 1959, les Tutsi ont été à leur tour marginalisés sur les plans aussi bien économique que politique par les régimes post-indépendance, à majorité Hutu. C’était comme si certains politiciens Hutu voulait imposer une sorte d’hégémonie sur leurs compatriotes Tutsi.
Sur le plan politique, moins de trois ans après l’indépendance, le parti Parmehutu au pouvoir dirigé par le président Kayibanda avait déjà interdit l’opposition et fait du Rwanda un État à parti unique. C’était le premier signe que les Tutsi étaient marginalisés de la politique du Rwanda.
Dans le but d’augmenter le nombre de Hutu dans les écoles et dans la fonction publique, la première République dirigée par Kayibanda avait introduit un système de quotas. Lorsque Habyarimana a pris le pouvoir en 1973, il était initialement réticent à mettre en œuvre certaines des politiques du gouvernement précédent, notamment le système de quotas. Cependant, cela n’a pas duré longtemps. En moins de deux ans, les quotas étaient à nouveau appliqués.
Bien que l’objectif des quotas fût d’atteindre la proportionnalité ethnique dans les écoles et les emplois, le système désavantageait les Tutsi, qui n’étaient autorisés à occuper que 9% des sièges dans les écoles et des emplois dans la fonction publique.
Dans un pays en proie à des tensions ethniques, il n’est peut-être pas totalement faux de penser que même les 9% de sièges dans les écoles ou des emplois dans la fonction publique qui étaient attribués aux Tutsi, pourraient rarement appartenir aux meilleures spécialisations ou aux plus hauts niveaux de direction.
Au cours de la première et de la deuxième républiques, prêchant que les Hutu étaient majoritaires et au pouvoir, certains hommes politiques soutenaient leur supériorité et dominance. Ce qui était à l’origine un complexe d’infériorité se transformait petit-à-petit en une attitude de supériorité qui cachait des sentiments d’infériorité et d’échec.
Bien que, dans les villages, certaines familles Tutsi aient continué à être respectées (pas nécessairement aimées) par leurs compatriotes Hutu, dans les villes où les Hutu dominaient les arènes politiques et professionnelles, certains Hutu rappelaient qu’ils avaient pris le pouvoir. Certaines personnes se souviennent de « Uzi ico ndi co ? », Qui signifiait littéralement « Savez-vous qui je suis ? » un dicton attribué aux Hutu du Nord, région de naissance de l’ancien président Habyarimana. Les Hutu avaient l’habitude de rappeler aux autres groupes qu’ils formaient la majorité dominante. C’est peut-être pour cette raison que lors d’un rassemblement politique, un des politiciens du parti d’opposition, MDR, a utilisé le slogan « Hutu power » dans son discours afin de rappeler ces camarades qu’ils ne devaient pas trahir l’hégémonie des Hutu.
Le déclenchement d’une guerre civile en 1990 par le FPR Inkotanyi, à majorité Tutsi, était reçu chez certains Hutu comme un signal que les Tutsi voulaient reprendre le pouvoir et réaffirmer leur suprématie. Le gouvernement et / ou les journalistes ont également signalé que des soldats du FPR Inkotanyi massacraient des civils, principalement des Hutus, dans les provinces du nord du Rwanda. Cela était aussi confirmé par des Rwandais déplacés par la guerre qui se trouvaient dans les camps de Nyacyonga, non loin de la ville de Kigali. Des politiciens ont utilisé cette panique pour persuader les Hutu à considérer des Tutsi comme leurs ennemis.
En revanche, lorsque le FPR Inkotanyi a remporté la guerre civile et pris le pouvoir en 1994, il a mis en place un gouvernement de transition qui se disait d’unité. Ce gouvernement était constitué non seulement de Hutu et de Tutsi, mais également des membres de partis politiques différents. Bien que la nouvelle armée fût à majorité Tutsi, le gouvernement central comptait un bon nombre de Hutu. Un président Hutu était nommé et secondé par un vice-président Tutsi.
Moins de deux ans plus tard, plusieurs politiciens Hutu avaient déjà été forcés à quitter le gouvernement de transition et de s’exiler hors du pays. En 2000, Le Président Hutu, a également été contraint de démissionner. Lorsqu’il a par la suite tenté de former une opposition, il a été arrêté et emprisonné pendant cinq ans.
Après la mise à l’écart des politiciens Hutu de premier plan, d’autres Hutu, qui ont souvent une aura politique moindre, sont parfois nommés à quelques postes dans le gouvernement central. Cependant, les postes clés au sein du gouvernement central et du gouvernement local sont toujours occupés par des Tutsi.
Vingt-cinq ans après la guerre de 1990-1994, l’armée nationale reste essentiellement composée de Tutsi, aussi bien dans la catégorie supérieure que dans la catégorie des sous-officiers.
En conclusion, les Rwandais se sont toujours battus pour le pouvoir depuis des décennies et chaque fois qu’un groupe gagne le pouvoir, il se donne comme objectif la marginalisation, et même l’oppression de l’autre groupe.
Les Hutu ont été marginalisés et subjugués pendant la monarchie Tutsi. Les Tutsi ont été marginalisés et opprimés au cours des première et deuxième républiques dirigées à majorité par des Hutu. Même aujourd’hui, malgré la propagande au sujet de l’unité et de la réconciliation, les Hutu sont marginalisés par le régime actuel à prédominance Tutsi.
Les Rwandais doivent mettre fin à ce cercle vicieux.

4. Crimes de haine, impunité et violation des droits de l’Homme

Lorsque certains groupes de citoyens sont marginalisés et opprimés, ils perdent non seulement leurs droits civils, mais également leurs droits fondamentaux. Les crimes de haine et les abus restent impunis. Cela affecte plus tard la psychologie des futurs auteurs et victimes du génocide.
Au Rwanda, différents groupes de Rwandais ont non seulement été soumis à la déshumanisation, à la stigmatisation, à la marginalisation et à la subjugation, ils ont également été victimes de crimes de haine et de violences, et la pire réalité est que l’impunité totale a toujours régné.
La révolution sociale de 1959 a été caractérisée par le sang et la fumée. Des maisons, principalement des huttes, ont été incendiées. Des vies humaines ont été perdues.
Cependant, les vainqueurs Hutu de cette révolution n’ont mis en prison que ceux qui étaient partisans ou fidèles de la monarchie tutsie. Les jeunes Tutsis ou certains jeunes partisans Hutu de la monarchie impliqués dans ces émeutes, du moins ceux qui ne s’étaient pas exilés, ont été emprisonnés. Certains dirigeants de partis politiques à majorité Tutsi ont également été emprisonnés, d’autres se sont exilés et peu d’autres sont devenus membres du premier parlement avant d’être complètement écartés en 1963.
D’autre part, les partisans des partis politiques dirigés par les Hutu qui ont pris part aux émeutes, qui ont brûlé des maisons et tué des partisans de la monarchie Tutsi n’ont jamais été punis.
Cette impunité a régné pendant toutes les années qui ont suivi la révolution sociale de 1959.
Pendant les années 1960, chaque fois que les groupes rebelles à majorité Tutsi (qui étaient en exil) attaquaient du Nord ou du Sud, ils tuaient des éminents Hutu, soit des hommes politiques ou des hommes d’affaires. Les anciens membres de ces groupes rebelles n’ont jamais été condamnés pour leurs crimes. En fait, au Rwanda d’aujourd’hui, ces atrocités ne sont ni dénoncées ni condamnées.
D’autre part, chaque fois que ces groupes rebelles attaquaient, les dirigeants et les soldats à majorité Hutu prenaient d’assaut les villages habités principalement par des Tutsi, et tuaient des milliers de civils Tutsi qui n’avaient rien à voir avec ces rebelles. Les tueurs n’ont jamais été traduits en justice.
Il ne s’agissait pas seulement de tuer des Tutsi ; insulter un Tutsi, rompre un contrat de travail avec un Tutsi, renvoyer un Tutsi de l’école et tous les autres crimes de haine étaient toujours impunis par les gouvernements à prédominance Hutu.
De la même manière que les Hutu se sentaient comme si leur vie importait peu à l’époque de la monarchie Tutsi, les Tutsi éprouvaient aussi ce sentiment de ne pas avoir le droit de vivre sous les régimes à prédominance Hutu. Ce qui est encore plus décourageant, c’est que les Tutsi qui abusaient leurs compatriotes Hutu à l’époque de la monarchie ou les Hutu qui abusaient leurs compatriotes Tutsi à l’époque de la République avaient tous l’impression qu’ils en avaient parfaitement le droit.
En 1994, lorsque des milices et des civils à majorité Hutu ont massacré leurs compatriotes Tutsi, ils l’ont fait en sachant qu’ils bénéficiaient du soutien de leurs dirigeants politiques ainsi que des forces militaires. Ils ne pensaient peut-être même pas qu’ils pourraient être punis pour ces crimes.
Après la guerre civile de 1990-1994 et le génocide contre les Tutsi, de nombreux suspects du génocide ont été arrêtés et emprisonnés, y compris les hommes politiques, membres des anciens gouvernements à majorité Hutu, qui ont été jugés par le Tribunal pénal international pour le Rwanda.
Les juridictions Gacaca, en dépit de leurs nombreuses limitations et imperfections, ont au moins permis de rendre justice à certaines victimes et aux survivants du génocide contre les Tutsi. Cela aurait dû envoyer un message à tous les Rwandais que si l’un d’entre eux se livrait à un crime similaire, il pourrait tôt ou tard faire face à la justice.
Cependant, de nombreux autres Rwandais, surtout les anciens membres du groupe rebelle FPR Inkotanyi, à majorité Tutsi, qui ont tué leurs compatriotes Hutu ou Tutsi pour différentes raisons ; représailles, appropriation illicite, vengeance, crimes de guerre ou projet d’extermination d’une partie de la population Hutu, n’ont jamais été traduits en justice. Beaucoup d’entre eux marchent librement. Les survivants de ces crimes ou les familles affligées ne sont même pas autorisés à raconter leurs histoires. Les auteurs de ces crimes se sentent comme s’ils ont le feu vert pour tuer. Ils l’ont fait avant et ils peuvent le faire encore et encore sans être inquiétés.
Aujourd’hui, nous lisons ou écoutons souvent des nouvelles de Rwandais qui se font abattre par la police ou les soldats pour différentes raisons. Cela se produit presque toutes les semaines ou toutes les deux semaines. Nous n’avons jamais entendu parler du moment où ces policiers ou soldats sont traduits en justice.
Nous devrions tous comprendre que lorsque la violence n’est pas punie, elle devient une solution acceptable à tout problème et tout malentendu parmi les différents groupes de Rwandais pourrait conduire à des atrocités de masse similaires au génocide perpétré contre les Tutsi.

5. Résistance, insurrection et rébellion

Lorsque des citoyens d’un pays sont physiquement agressés et assassinés et qu’aucune justice ne leur est rendue, les groupes opprimés atteignent un point où ils se sentent comme s’ils n’avaient plus rien à perdre. Ils décident de se soulever contre leurs oppresseurs. Ils le font en résistant à se comporter selon les instructions de leurs oppresseurs, en manifestant, en organisant des émeutes, ou en lançant une rébellion.
Les personnes au pouvoir exercent souvent des représailles avec plus d’agressions et de violences, ce qui peut conduire à ce que le Rwanda a connu dans les années 90.
Ce que certains sympathisants des anciens régimes Hutu ne comprennent pas, c’est que les dirigeants de la première et de la deuxième république auraient pu éviter la guerre civile de 1990-1994 s’ils avaient mis fin à tout ce dont nous avons parlé ci-dessus.
Ils auraient par exemple du :

  • Mettre fin au suprémacisme et condamner la déshumanisation et la stigmatisation de tout Rwandais ou groupe de Rwandais, Tutsi, Hutu Twa ;
  • S’assurer que tous les Rwandais, Tutsi, Hutu et Twa, puissent exercer des droits égaux et accéder aux chances égales ;
  • Condamner et punir les crimes de haine, les agressions et les assassinats
    sans distinction aucune ;
  • Créer un environnement propice et sûr pour le retour des rwandais qui étaient en exil et faciliter leur retour au pays.

Si les régimes dirigés par les Hutu avaient fait le nécessaire, le groupe rebelle FPR Inkotanyi n’aurait peut-être pas existé et, si malgré les efforts de ces gouvernements, la rébellion avait été lancée, elle n’aurait peut-être pas obtenu l’appui de nombreux autres Rwandais à l’intérieur du pays et en exil, qui avaient l’impression que finalement ils allaient être libérés de l’oppression.
La première réaction du régime Habyarimana (à majorité Hutu) à l’attaque de 1990 par le FPR Inkotanyi (à prédominance Tutsi) a été d’arrêter beaucoup, sinon tous les Tutsi importants, leurs femmes et leurs enfants. Parmi les prisonniers, il y avait de jeunes adultes dans la vingtaine. Ils ont passé des mois dans des prisons non conventionnelles, la plupart dans des stades. Quand ils ont été libérés, même si beaucoup d’entre eux ont continué à vivre dans la peur et sont restés en dehors de la politique, d’autres se sont sentis comme n’ayant plus rien à perdre. C’est le moment où certains jeunes Tutsi ont décidé de rejoindre la rébellion.
Lorsque Habyarimana a finalement adopté le système multipartite en 1991, certains Tutsi et Hutu qui en avaient assez de sa dictature ont rejoint les partis politiques de l’opposition et la scène politique est devenue celle de rassemblements, de manifestations et parfois d’émeutes.
Certains politiciens Hutu qui étaient contre Habyarimana, mais pas forcément pour la rébellion du FPR Inkotanyi, reprochaient à certains de leurs camarades politiques de vouloir utiliser l’opposition à l’intérieur du pays pour affaiblir le régime Hutu et céder le pas à une rébellion à prédominance Tutsi.
Je tiens à rappeler que certains Hutu avaient même rejoint la rébellion FPR Inkotanyi en pensant qu’ils avaient tous le même ennemi : Habyarimana et son entourage.
Si le Rwanda était une société unifiée, malgré la guerre civile qui opposait l’armée nationale à la rébellion du FPR Inkotanyi, les massacres de millions de civils n’auraient peut-être pas été possibles.
Mais malheureusement, le Rwanda n’était pas une société unifiée. La guerre civile de 1990 et les rassemblements politiques ont réveillé tous les démons du passé. Les tensions ethniques sont devenues violentes. La haine contre les Tutsi était exprimée ouvertement et publiquement. Les radios chantaient et prêchaient la haine. Les journaux publiaient des articles pleins de discours de haine. Le populisme était à son apogée. Certains politiciens Hutu de l’opposition étaient finalement étiquetés comme des sympathisants du pouvoir Hutu et d’autres comme des complices du FPR, qui devaient être condamnés au même sort que les Tutsi.
Le génocide contre les Tutsi et les Hutu traités comme des traîtres, communément appelés Hutu modérés, frappait aux portes du Rwanda.
Aujourd’hui, le Rwanda fait face à une opposition qui devient de plus en plus forte. Il y a une trentaine de partis politiques d’opposition, non enregistrés officiellement, dont la plupart des dirigeants opèrent à l’extérieur du pays.
De la même façon, le régime Habyarimana, dans les années 1990, traitait de ses opposants comme étant des ennemis du pays qui voulaient réinstaurer la monarchie Tutsie et subjuguer les Hutu à leur dominance, le pouvoir actuel dit que le but de ses opposants est de promouvoir l’idéologie génocidaire, malgré le fait qu’un bon nombre de ces opposants sont plutôt les anciens membres du FPR Inkotanyi, identifiés comme Tutsi. Les Hutu qui s’opposent au régime actuel sont souvent traités de génocidaires, et les opposants Tutsi sont traités des traitres qui collaborent avec des génocidaires.
Du coup, toute personne qui ose s’exprimer est assassinée ou mise en prison. Cela ne résout aucun problème mais plutôt crée plus de dissidents qui pourraient être prêts à saisir n’importe quelle occasion pour se débarrasser du régime dictatorial actuel.
Il serait souhaitable que le gouvernement actuel ne commette pas les mêmes erreurs du passé. Il faudrait dialoguer avec tous ces opposants politiques et les membres de la société civile, afin de trouver des solutions pacifiques et durables aux problèmes de la nation.

6. La psychologie des foules et le génocide

Un phénomène que beaucoup de gens ne comprennent pas est pourquoi et comment autant de civils Hutu ont participé au génocide contre les Tutsi en 1994. Où étaient les Rwandais de bonnes vertus ? Où étaient les politiciens impartiaux ? Qu’en est-il de bons gendarmes et soldats qui devaient protéger la population contre les militaires et les milices ? Qu’est-ce qui a conduit les masses à participer au génocide contre les Tutsi et les Hutu modérés ?
La réponse peut venir des psychologues des foules qui analysent comment le comportement d’une personne peut être influencé par le comportement de la foule, et vice versa.
Les psychologues des foules suggèrent qu’un groupe de personnes peut rationaliser des crimes bien plus odieux que ce que n’importe quel membre de ce même groupe peut faire individuellement. Ils nous enseignent qu’un comportement de la foule peut être fortement influencé par la perte de responsabilité de l’individu et/ou l’impression d’universalité du comportement, deux faits qui s’élèvent avec la taille de la foule.
Dans quelles circonstances la perte de responsabilité de l’individu influence-t-elle le comportement de la foule ? Ou, dans quelles circonstances l’individu développe-t-il l’impression de l’universalité du comportement ? Que s’est-il réellement passé au Rwanda en 1994 ?
Les psychologues pourraient à nouveau trouver leurs réponses dans ce que l’on appelle la « panique sociale », définie comme un état dans lequel un groupe social ou communautaire réagit négativement et de manière extrêmement irrationnelle aux changements inattendus ou imprévus dans son environnement.
Mon but n’est pas de justifier les actes de ceux qui ont commis le génocide contre les Tutsi, mais de montrer que, pour des raisons d’incertitude déjà expliquées ci-haut, les populations étaient déjà dans un état où toute situation émergente et inattendue pouvait déclencher des réactions extrêmement irrationnelles de la part des foules.
Malheureusement, les personnes qui avaient le pouvoir de mettre fin aux massacres avaient, soit perdu leurs responsabilités, soit choisi de ne pas les assumer.
Tout donnait l’impression d’universalité de la décision d’exterminer des Tutsi et de tous ceux qui étaient soupçonnés d’être des alliés du FPR Inkotanyi et, avec le temps, de plus en plus d’extrémistes Hutu se joignaient aux foules. Dans l’esprit de nombreux extrémistes Hutu, tout se passait comme si les Tutsi et les « Hutu modérés » avaient été condamnés à mort et que tout le monde était appelé à participer aux massacres, sans quoi, il pourrait être soupçonné d’être un traître. Il a fallu de l’héroïsme et du courage pour résister au comportement de la foule.
Une autre raison, encore plus importante, pour laquelle bon nombre d’extrémistes Hutu ont participé aux massacres, c’est qu’ils avaient consciemment ou inconsciemment conclu que tuer les Tutsi et les partisans du FPR était approuvé par les dirigeants politiques. Les politiciens et les dirigeants communautaires qualifiaient d’ennemis tous les Tutsi. Les médias diffusaient des discours de haine contre les Tutsi.
Nous pourrions probablement noter que la psychologie des foules ne s’appliquait pas seulement aux auteurs du génocide, mais également aux victimes.
De nombreux Tutsi réagissaient à la panique sociale en se réfugiant dans des églises. D’autres allaient se cacher dans des buissons. Mais le plus gros effet que cela a eu sur eux, c’est qu’ils n’ont même pas résisté, ni riposté, car leur première réaction était d’accepter la mort. Dans leur esprit subconscient ou inconscient, ils pensaient qu’ils avaient été condamnés à mort.
C’est ainsi que les Rwandais ont massacré leurs compatriotes dans un génocide d’une ampleur inouïe.
L’attentat contre l’avion qui transportait le président Habyarimana, sa mort et celle de ceux qui étaient avec lui dans l’avion ne font pas partie des ingrédients ayant permis au génocide contre les Tutsi d’avoir lieu. Cependant, l’évènement et le chaos qu’il a provoqué en décapitant l’Etat rwandais a accru le niveau de panique sociale et poussé les individus et les foules au plus haut niveau de folie nécessaire pour commettre un génocide de cette ampleur.
Je suis convaincue que si les dirigeants politiques, militaires, sociaux et religieux, avaient assumé leur responsabilité d’empêcher ces massacres ou de les arrêter lorsqu’ils ont commencé, le Rwanda n’aurait pas perdu toutes ces vies innocentes.
Nous connaissons des Hutu qui ont essayé d’agir soit en condamnant la haine, soit en cachant chez eux ceux qui étaient ciblés par les assassins. Cependant, nous n’avons pas ouï dire ou lu des histoires de dirigeants qui ont collectivement tenté, pas seulement de condamner, mais aussi de stopper ces massacres.
Le Rwanda actuel, serait-il capable de contrôler une éventuelle panique sociale si quelque chose était sur le point de se produire aujourd’hui ou demain ?
À mon avis, le gouvernement actuel, dirigé par le FPR Inkotanyi, commet les mêmes erreurs du passé.
Tous ceux qui osent critiquer le gouvernement ne sont pas seulement traités comme des ennemis de l’État, mais aussi comme des auteurs ou idéologues du génocide, ou des terroristes qui ne cherchent qu’à verser le sang des Rwandais.
Les politiciens du régime actuel, prononcent des discours de haine et exhortent les jeunes Rwandais à être toujours prêts à défendre leur pays contre l’ennemi, si nécessaire. De nombreux rwandais, en particulier les extrémistes et les fanatiques, prennent littéralement à cœur cette rhétorique et s’engagent à ne jamais permettre les idéologues du génocide (faisant référence aux opposants politiques, identifiés comme étant Hutu) et leurs alliés (faisant référence aux opposants politiques, identifiés comme étant Tutsi, ou les anciens membres du FPR Inkotanyi, souvent appelés ibigarasha, c’est-à-dire, des cartes sans valeur) une place dans la vie politique ou sociale du pays.
De nombreux jeunes rwandais ont participé à « Ingando », où ils ont reçu une formation militaire de base, notamment l’utilisation des armes à feu. Outre l’armée nationale et la police, il existe au Rwanda plusieurs groupes paramilitaires, par exemple : Inyeragutabara, DASSO et Abanyerondo, et tous ces groupes sont prêts à attaquer ou à contre-attaquer quiconque serait considéré comme l’ennemi.
Les médias contribuent à alerter la population en publiant des articles sur des groupes terroristes rwandais susceptibles d’attaquer le Rwanda en provenance des pays voisins. Ils soulignent que ces groupes travaillent avec les auteurs du génocide et qu’ils ne veulent qu’achever le génocide.
Il est difficile de prédire comment les Rwandais, qui sont déjà alertés, réagiraient si quelque chose se passait, Dieu nous en préserve. Seraient-ils capables de contrôler leur panique ? Quelqu’un, serait-il capable de gérer les réactions de tous ceux qui ont déjà été alimentés par les discours de haine et formés à la violence ?
En conclusion, les dirigeants doivent éviter les discours de haine et tout ce qui met la population dans un état de peur. Aucun Rwandais ne devrait être traité comme l’ennemi de l’Etat. Il faut apprendre aux jeunes que la violence est mauvaise et qu’ils ne devraient jamais s’en servir pour résoudre leurs problèmes.

Conclusion

Pour conclure, si les politiciens, ceux au pouvoir et ceux qui aspirent à prendre le pouvoir, souhaitent vouer un « Plus jamais ça », ils doivent commencer par éliminer toutes les causes profondes des génocides et / ou d’atrocités similaires.

  • L’histoire du groupe ou les dogmes « Eux » et « Nous » : en plus de promouvoir l’identité nationale par la suppression des mentions Hutu, Tutsi et Twa dans des cartes d’identité, et par l’introduction du slogan « Ndi Umunyarwanda », des efforts plus concrets devraient être fournis afin d’assurer que tous les Rwandais dans des circonstances similaires, indépendamment de leurs antécédents familiaux, exercent les mêmes droits et ont accès aux chances égales. Par exemple, les besoins des familles, en majorité des Hutu, qui ont survécu à la guerre au Rwanda ou les guerres au Congo, où ils étaient partis en tant que réfugiés, ont été ignorées. Ces Rwandais pensent que leurs voisins Tutsi, rescapés du génocide, ont plus de privilèges qu’eux, et concluent qu’ils ne sont probablement pas considérés simplement parce qu’ils sont Hutu. En revanche, certains Tutsi peuvent aussi penser qu’ils sont privilégiés simplement parce qu’ils sont Tutsi. Cela renforce les marques ‘eux’ et ‘nous’.
  • Idéologie de la suprématie, de la stigmatisation et de la déshumanisation : en plus de rendre tabous certains mots et aphorismes, le Rwanda devrait veiller à ce qu’aucun Rwandais innocent ne soit stigmatisé pour les erreurs du passé, soit celles qui sont attribuées aux groupes avec lesquels ils s’identifient, ou celles qui ont été commises par leurs ancêtres. Aucun Rwandais ne devrait se sentir inférieur en raison de son apparence physique ou de ses comportements culturels. La promotion de certains standards de beauté, similaires aux caractéristiques morphologiques sur lesquelles les colonisateurs se sont basés pour diviser les Rwandais, devrait être évitée. Aucun Rwandais ne devrait être déshumanisé. Il ne faut jamais appeler certains Rwandais des noms qui les égalisent aux animaux ou aux objets, par exemple, des serpents, des cafards, des cochons, des gorilles, ibipinga, abaginga or ibigarasha. Bien que l’identité de ceux qui étaient principalement visés par le génocide soient des Tutsi, il est tout à fait faux de dire que les Hutu ont tué des Tutsi avec le but de stigmatiser tous les Hutu en les qualifiant de mauvais par essence. Les lois contre le divisionnisme, le sectarisme ou l’idéologie du génocide devraient être applicables à tous les Rwandais qui commettent des crimes en rapport avec la haine sans distinction aucune.
  • Hégémonie, Assujettissement, et marginalisation Institutionnalisée : Même si les mentions Tutsi, Hutu et Twa ne figurent plus dans des cartes d’identité, on ne peut pas encore prétendre qu’aucun groupe de Rwandais n’est marginalisé. Le gouvernement actuel devrait veiller à ce que tous les Rwandais soient pris en compte et aient la possibilité de servir leur pays dans tous les secteurs et à tous les niveaux. Aussi longtemps que l’armée rwandaise continue d’être principalement composée de Tutsi, on l’étiquettera toujours comme étant une armée Tutsi. Malgré, le nombre de Hutu qui sont au parlement et au gouvernement central, on continuera à affirmer que le régime actuel est à prédominance Tutsi, par le fait que les postes clés sont principalement occupés par des Tutsi, et que le gouvernement local continue à être fortement aux mains de Tutsi. Pour parvenir à la parité nécessaire dans l’armée et la fonction publique, le gouvernement peut ne pas avoir besoin de réinventer le système de quotas, mais de mettre en place des processus transparents, équitables et compétitifs à travers lesquels chaque Rwandais qualifié peut être élu ou recruté aux postes de différents niveaux et dans de secteurs différents.
  • Crimes de haine, impunité et violation des droits de l’Homme : Le gouvernement actuel a la responsabilité de protéger tous les Rwandais. Dans une société qui a été fragilisée par son passé, les crimes de haine contre tout Rwandais, Tutsi, Hutu ou Twa, ne devraient pas seulement être condamnés, mais punis. Lorsque quelques Rwandais sont tués et que d’autres disparaissent et que le gouvernement ne montre aucun intérêt à ce que justice soit rendue, les membres des familles dépourvues concluent que c’est peut-être parce que leurs vies importent peu. Ces Rwandais vivent dans la peur et cette peur peut les conduire à la résistance et à l’insurrection.
  • Résistance, insurrection et rébellion : L’appel est lancé à tous les Rwandais. Nous devrions tous comprendre que la violence n’engendre que la violence. Le Rwanda en a assez des troubles, des agressions et des guerres. Nous n’avons plus besoin de groupes rebelles. Les Rwandais peuvent résoudre leurs problèmes et parvenir à une réconciliation totale de manière pacifique. J’appelle également le gouvernement actuel à écouter les doléances de certains Rwandais et à y répondre avant qu’ils atteignent un point où ils se sentent comme si le seul moyen de faire entendre leur voix serait à coups de feu.
  • Psychologie des foules : De nombreux Rwandais ont tendance à raisonner en groupe. Apparemment, les politiciens, soit au pouvoir, soit dans l’opposition, aiment cela. Ils nous disent que nous avons un ennemi commun, càd « l’autre groupe ». Ils nous apprennent à haïr et à attaquer ceux que nous considérons comme « l’ennemi ». Ils nous disent que l’ennemi se prépare à quelque chose de mauvais. Avant le génocide contre les Tutsi, l’ancien régime disait aux Rwandais que le FPR Inkotanyi voulait rétablir la monarchie Tutsi. Aujourd’hui, chaque fois qu’un Rwandais s’oppose à la totalité ou à une partie de la politique du régime actuel, s’il est Hutu, on dit qu’il veut achever le génocide, et s’il est Tutsi, on le traite de traitre qui collabore avec des génocidaires Hutu. Cela met les Rwandais ordinaires, surtout les jeunes qui n’ont pas vécu le génocide, sur le qui-vive. Ils écrivent sur les médias sociaux qu’ils sont prêts à combattre quiconque s’opposera au gouvernement actuel. Je peux seulement dire que j’espère que rien ne se passera pour changer le statu quo. Si, non, j’ai peur que toute situation émergente, qu’elle soit naturelle ou provoquée, puisse mener à une tragédie similaire au génocide contre les Tutsi de 1994.

Pour finir, permettez-moi de conclure en affirmant une nouvelle fois que si nous voulons vouer « plus jamais ça » au génocide contre les Tutsi ou contre tout autre groupe de Rwandais, nous devons nous attaquer à toutes les causes profondes du génocide ou de toute autre atrocité de masse.


Teta Sineyase

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