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RDC : Joseph Kabila, un silence assourdissant

RDC : Joseph Kabila,  un silence assourdissant

Quoi de plus légitime qu’un chef d’Etat élu, qui rende régulièrement des comptes à ses compatriotes sur certaines de ses actions. Que ce soit pour passer en revue toutes les bonnes choses accomplies ou  pour revenir sur les ratés de certaines décisions, le tout dans  le but d’y remédier. C’est également une forme de participation et d’implication des citoyens à la gestion de la chose publique. Malheureusement, Joseph Kabila est passé maître dans l’art du silence…

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« La parole est d’argent, mais le silence est d’or » dit-on. En politique, c’est souvent le contraire qui est présumé : « le silence serait d’argent et la parole d’or ». Plus encore dans un monde qui subit de profondes mutations avec les nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication. Imaginez que des obus tombent sur Bordeaux, et qu’à Paris, François Hollande reste de marbre. Imaginez que des obus tombent  sur Atlanta, New York et que le président Obama, comme si de rien n’était, reste plongé dans un mutisme ahurissant. On imagine aisément la détresse et la colère qui peuvent envahir  les habitants de Goma face à des obus qui pleuvent sur les toits de leurs maisons. Mais cette douleur est d’autant plus forte quand le chef d’état reste dans un profond silence comme si de rien n’était. Les populations des deux Kivus (Est du Congo) ne savent plus quels dieux invoquer et se sentent, sinon trahies, du moins abandonnées.
Retour aux élections de 2011.
Pour séduire de nouveau les électeurs de l’Est, le président Kabila part en campagne dans le Kivu où il prétend être le pacificateur. En effet, sa campagne avait des allures de tournée d’un général après une guerre. Ci et là, Joseph Kabila se vante d’avoir pacifié l’Est du Congo et d’avoir éradiqué les groupes armés qui entretiennent l’insécurité dans cette région depuis deux décennies. Le second mandat de Joseph Kabila devait donc se préoccuper de l’essor économique de la région, car les affres de la guerre pouvaient désormais être rangées dans les placards de l’histoire. La réalité et la complexité de la géopolitique du Kivu vont rattraper le  discours de campagne de Kabila. L’inattendu rapprochement entre la RDC et le Rwanda, fin 2008, n’a pas suffi à pacifier la région. Quelques opérations conjointes de l’armée congolaise et l’armée rwandaise contre les rebelles hutus des Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR) n’ont  pas ramené la paix au Kivu mais ont eu des conséquences humanitaires désastreuses. Le Congrès National Du Peuple (CNDP), ex-mouvement rebelle du seigneur de guerre Laurent Nkunda (refugié actuellement à Kigali) s’est un temps rallié à la majorité présidentielle en décembre 2010. Cette situation a caché pas mal les ratés de la  constitution d’une armée forte et régalienne avec l’intégration des ex-rebelles sans foi ni loi, hier encore sources de tous les maux des citoyens congolais.
La paix est-elle pour autant revenue dans les deux Kivus ? D’après International Crisis Group[1], officiers et militaires congolais issus de l’ex-rébellion « ont toujours continué à obéir à des chaînes de commandement parallèles ». La preuve en est qu’ils refusent leur permutation du Kivu pour une autre région. Contrairement au discours de campagne de Joseph Kabila en 2011 et malgré la promotion sociale des rebelles en intégrant une armée dont certains directement aux rangs de généraux, la réponse est non.
 
Une rébellion en cache une autre…
Moins d’un an après ces élections, les ex-alliés rebelles du CNDP, un temps convertis en politiciens républicains, ont sans doute profité de leurs entrées dans les hautes sphères d’un pouvoir incrédule à Kinshasa afin de bien préparer leur coup. Et nous revoilà à la case départ avec le Mouvement du 23 Mars (M23), les mêmes faits causant les mêmes effets : le territoire de Rutshuru est toujours sous la coupe autonome de rebelles. Depuis la création de ce mouvement, Goma vit à nouveau sous les oripeaux de crépitement de Kalashnikoff ou des cratères laissés par des obus insatiables.
Dans tout ça, où est le président ?
Aux abonnés absents, comme une tortue qui sort sa tête de sa carapace et la remet aussitôt qu’un danger est pressenti, Kabila s’est recroquevillé dans un silence qui a de quoi irriter. Il se réfugie derrière les propos, parfois dépouillés de tout sens,  du  très contesté porte-parole du gouvernement, Lambert Mende Omalanga. Ce dernier est surtout connu pour ses diatribes envers l’opposition et ses sorties très médiatiques, qui ressemblent plus à des « one man shows », qu’à des verves fournissant des réponses aux préoccupations des Congolais. Comment se fait-il que le chef-lieu d’une grande province est harcelé de tout bord par des groupes armés, et ce, dans l’indifférence totale du Chef de l’Etat?
Tout se passe comme si la misère des populations du Kivu, otages des appétits d’orgue de forces extérieures, n’était pas un désastre national. Les habitants de Goma et du Kivu en général sont doublement meurtris car la guerre n’est pas seulement militaire avec ses supplices mais elle est aussi psychologique. Et quoi de plus qu’un discours à chaud de celui qui est censé garantir l’intégrité de l’Etat pour remonter le moral en berne de toute une population ? Du soldat courageux, qui a une solde de 50 dollars, mais qui va malgré tout au front, pour redorer l’emblème d’or de sa patrie au citoyen lambda, en quête de paix et de stabilité socio-économique, en passant par des investisseurs gourmets de la richesse minière du Kivu, nul ne doute que le discours du chef de l’Etat aurait un effet tranquillisant. Chaque fois qu’une bombe ou des coups de feu parasitent Goma, une simple démonstration du leadership congolais aurait suffi pour reconstruire une atmosphère d’espoir et de confiance pour les populations de l’est…
De ce point de vue, le silence du président Kabila peut être révélateur de deux aspects. Soit il est conscient de l’échec cuisant de sa politique militaire, soit il connaît à priori, les tenants et aboutissants de l’enfer kivutien et en serait alors un des « complices » comme aiment à le dire ses détracteurs. Sans oublier que le plus grand vice du silence est que sa compréhension est sujette à l’intellect de tout un chacun…
 
Cynthia Bashizi
Jambonews.net


[1] L’International Crisis Group est une organisation non gouvernementale, indépendante et à but non lucratif, qui œuvre pour la prévention et la résolution des conflits armés.

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