Du 21 au 28 septembre 2025, Kigali, capitale du Rwanda, accueille les Championnats du monde de cyclisme sur route. Une première historique : jamais auparavant une nation africaine n’avait été choisie pour organiser cette prestigieuse compétition.
Le choix du Rwanda n’est pas anodin. Surnommé le « pays des mille collines », le pays offre un terrain idéal pour les cyclistes, entre pentes exigeantes et paysages spectaculaires. Mais derrière cette image de carte postale soigneusement mise en scène, le discours lisse de l’Union Cycliste Internationale (UCI) et les sourires des officiels se cache une autre réalité.
Un événement à l’image immaculée… au prix fort
Pour accueillir dignement l’événement, le gouvernement rwandais, soucieux de soigner son image à l’international, n’a rien laissé au hasard. Kigali a été entièrement nettoyée, réorganisée, repeinte. Les habitants vivant le long du parcours ont été sommés de nettoyer et repeindre leurs maisons — jusqu’aux toits — pour que les images soient belles pour les télévisions internationales au moment du passage des drones. Ceux qui ne s’exécutent pas dans le délai, souvent faute de moyens, sont expulsés de leurs logements sur lesquels sont apposés des cadenas. Dans ce reportage d’une télévision locale, ces habitants racontent comment ils sont privés d’accès à leur logement au point de ne pas savoir comment ils pourront se nourrir.
Les écoles de la capitale sont fermées du 21 au 29 septembre. Le ministère de l’Éducation a invité les étudiants à « profiter de cette occasion pour apprendre et approfondir leurs connaissances sur le cyclisme et son organisation au niveau international ». Une brochure coéditée avec l’UCI a même été distribuée à cet effet.
Un pouvoir autoritaire au service de l’image
Ces méthodes brutales ne sont pas nouvelles. Elles s’inscrivent dans une stratégie bien connue du régime rwandais, qui n’hésite pas à réprimer sa population pour maintenir une image de « modèle africain » auprès des investisseurs et des médias étrangers.

Le Rwanda reste un régime autoritaire, où l’espace politique est fermé, et où les voix dissidentes sont soit emprisonnées, soit assassinées, soit en exil. La figure emblématique de Victoire Ingabire, opposante politique emprisonnée puis placée sous contrôle judiciaire et remis en prison le 18 juin 2025 sous des accusations fallacieuses, symbolise cette répression systématique de l’opposition.
L’UCI et le deux poids, deux mesures
Le positionnement de l’Union Cycliste Internationale (UCI) dans ce contexte soulève des questions.
Le 1er mars 2022, à peine une semaine après l’entrée des troupes russes en Ukraine, l’UCI avait suspendu la Russie et le Bélarus de toutes ses compétitions. Mais quand il s’agit du Rwanda — accusé par l’ONU de soutenir les rebelles du M23 — la fédération ferme les yeux et plaide la neutralité sportive.
En janvier 2025, alors que les combats faisaient rage à Goma, à la frontière est de la RDC, et que des tensions militaires menaçaient de s’étendre au Rwanda, la fédération est restée silencieuse. Des rumeurs évoquant un possible transfert de la compétition en Suisse ont été rapidement démenties par un communiqué rassurant :
« Le Rwanda reste entièrement sûr pour le tourisme et les affaires. »
Traduction : peu importe les morts, les crimes de guerre, les accusations de complicité dans des massacres. L’essentiel, c’est que les sponsors soient rassurés et que les images télé soient propres. Des millions de morts, des déplacés par millions, mais l’UCI, soucieuse de ses partenariats et de l’image de l’événement, a choisi de détourner le regard.
Le sport comme outil de propagande
Ce que le Rwanda organise en septembre 2025, ce n’est pas seulement un championnat de cyclisme. C’est une campagne de propagande à l’échelle mondiale, soutenue par une fédération complice, des diffuseurs silencieux, et un public souvent mal informé.

Les rues repeintes cachent des expulsions. Les slogans sur le sport masquent la terreur politique. Le cyclisme devient ici un outil de marketing d’État — un tapis rouge pour les visiteurs et les cameras pour couvrir les exactions et un rideau coloré tiré devant une dictature qui continue de broyer les voix discordantes.
En définitif, ces championnats ne sont rien d’autre qu’un bel exercice de sportwashing.
Luc RUGAMBA
Jambonews