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Kigali reprend l’impitoyable destruction des habitations malgré le Covid-19

Kigali reprend l’impitoyable destruction des habitations malgré le Covid-19

Contribution externe: Article d’opinion soumis pour publication par Jules GAHIMA

Depuis peu de temps, les pauvres habitants du district de Gasabo, Secteur Remera, cellule Nyarutarama, village de Kandongo 1 et 2, ont été contraints par les autorités du régime dictatorial du général Paul Kagame de signer des contrats d’expropriation de leurs habitations contre une promesse d’octroi par l’Etat d’autres habitations endéans une période de trois mois et demi c’est-à-dire au mois de juin 2020. Selon ce contrat standard établi par l’autorité, sans concertation préalable avec les habitants, l’objectif est de mettre en œuvre le plan directeur de la ville de Kigali et de permettre aux Rwandais de se loger conformément à la vision du pays.

En cette mi-mars 2020, au moment où le monde entier est alarmé et terrifié par la pandémie du Covid-19 qui ne cesse de se propager et causer des décès à une vitesse inquiétante, le gouvernement rwandais, qui connait le plus grand nombre de personnes contaminées dans l’Afrique de l’Est, n’a rien trouvé de mieux que de reprendre la destruction des habitations des plus pauvres sans aucune indemnisation préalable.

Les habitants des villages touchés s’indignent fortement de la décision draconienne d’être expulsés sans une compensation préalable telle que prévue par la loi. Ils dénoncent l’insouciance et l’iniquité des autorités étatiques dans ce projet qu’ils jugent illégal.

Parmi ceux qui sont brutalisés figure Madame Furaha Roseline, sans emploi et mère célibataire de trois enfants. Roseline regrette d’avoir cessé son asile en République démocratique du Congo pour rentrer dans son pays d’origine qu’est le Rwanda. Selon elle, la destruction des habitations que l’Etat est en train d’imposer aux plus pauvres sous la surveillance physique des forces armées ne saurait être autre chose que du terrorisme. Dans une interview accordée à la chaine de télévision Ishema TV diffusée sur YouTube[1], le 19 mars 2020, elle témoigne :

« Moi, j’ai quitté le Congo parce qu’on nous poussait à rentrer chez nous au Rwanda. Arrivés ici nous avons pu nous installer comme étant chez nous. Malgré cela, les autorités sont en train de nous faire déguerpir d’ici aussi. L’Etat a fait les expertises de nos habitations mais au lieu de nous indemniser il nous force à détruire. Les autorités nous offrent un loyer insignifiant de 90.000 frw seulement avec lequel tu ne peux pas te trouver un logement ! Est-ce je vais retourner au Congo, où vais-je aller… ? Je ne sais quoi faire (…), en tout cas moi je vais regagner le Congo parce qu’ici je ne sais pas comment vivre. Même s’ils ont fermé les frontières du pays je vais m’arranger stratégiquement pour les franchir. Ces terres ont été achetées par un investisseur, l’Etat a reçu l’argent et l’a utilisé frauduleusement. Pourquoi ces forces armées surveillent les destructions, parce que si tu refuses de détruire ton habitation, elles sont prêtes à tirer sur toi, ça s’appelle du terrorisme. En rentrant au Rwanda on nous flattait que le terrorisme était fini mais il y règne encore ! L’Etat est un bon-à-rien pour nous, il nous brutalise tellement mais si nous rejoignons ceux que nous avons laissés derrière en asile, ces derniers se moqueront de nous. En tout cas nous ne les encouragerons pas à rentrer au Rwanda. »

Ce qui enrage le plus les habitants de Kandogo 1 et 2 c’est le manque de réactions de la part des autorités administratives face au recours que les victimes leur ont adressé par écrit. A noter qu’un tribunal de Kigali a dernièrement rejeté leur plainte sur base de son incompétence. A l’heure qu’il est, les habitants pauvres de Nyarutarama attendent désespérément la réponse du parlement rwandais qui n’a jusqu’alors fait aucun signe après avoir accusé réception de leur plainte.

Dans une interview accordée à la télévision Umubavu TV online diffusée sur YouTube[1], Monsieur Kabera Bercar, père de 7 enfants et dont les maisons sont à détruire,se demande pourquoi l’Etat peut imposer la destruction des habitations alors que la pandémie du Covid-19 fait rage : « Les autorités sont en train de blesser plus profondément les plus pauvres au lieu de les secourir au moment où le Covid-19 gagne du terrain. Comment peuvent-ils nous dire que l’investisseur a besoin de ces terres alors que nous propriétaires n’avons pas reçu d’indemnisation ? On appelle ça de l’escroquerie » !

L’un des pétitionnaires du recours adressé au parlement, Monsieur Nzeyimana Charles, exprime son mécontentement : « Comment pouvons-nous avoir confiance dans cette promesse de l’Etat comme quoi nous recevrons des habitations alors qu’ils nous ont montré qu’ils ne peuvent même pas répondre à nos lettres de réclamations ? Dans tout ça, personne n’a été consulté, personne ne devrait être expulsé de sa maison sans préavis ! Franchement qui se soucie de nous, de nos droits ? Les autorités ici nous disent que nous n’avons pas à leur poser de questions et que nous devons absolument exécuter la décision de l’Etat (….). Nous entendons parler d’un investisseur qui va faire des travaux sur nos terres, ce qui compte pour les autorités c’est l’intérêt pécuniaire, ils s’en foutent du droit des citoyens » ![2]

L’investisseur dont il est question ici, s’appelle Denis Karera, frère de Busingye Johson, l’actuel ministre de la justice ; ce qui expliquerait pourquoi les démarches judiciaires que les pauvres habitants du village de Kandongo 1 et 2 ont entamées n’ont abouti à rien.

Denis Karera, directeur général de Kigali Heights, s’adressant au public lors de l’inauguration de Kigali Heights le 5 décembre 2016

Plusieurs habitations ont déjà été démolies. La vie des anciens propriétaires est mise à haut risque à plus forte raison que l’État rwandais continue de faire la sourde oreille à toute supplication et que la propagation du Covid-19 n’épargne pas le Rwanda.

Ce n’est pas la première fois que le régime dictatorial de Paul Kagame ordonne la démolition des maisons des pauvres sans les indemniser, L’année dernière peu avant Noël le régime du FPR a démoli les maisons de plusieurs villages de la ville de Kigali, réduisant ainsi plusieurs anciens propriétaires en sans-abris.

Rappelons que la loi rwandaise N° 32/2015 du 11/06/2015 qui détermine les procédures d’expropriation pour cause d’utilité publique en son article 3, paragraphes 1 et 2, prévoit que seul l’État est habilité à ordonner l’expropriation pour cause d’utilité publique et que l’expropriation n’a lieu qu’aux seules fins d’utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnisation[3].

Contribution externe: Article d’opinion soumis pour publication par Jules GAHIMA


[1] Ishema TV Noneho Abaturage Bariye Karungu | Badusenyeye kugahato|Abashoramari Baratuguze Batwirukana mu Byacu. https://www.youtube.com/watch?v=gs2oGg6WNfU

[2] Umubavu tv online, «Abaturage baratabaza ubuyobozi nyuma yo guhabwa amasezerano ya baringa» ; ajoutée le 17/03/2020 , voir sur: https://www.youtube.com/watch?v=dOGVSQpj07g

[3] MNIJUST, loi n° 32/2015 du 11/06/2015 portant expropriation pour cause d’utilité publique, journal officiel nᵒ 35 of 31/08/2015, voir sur : https://minijust.gov.rw/fileadmin/Law_and_Regulations/expropriation.pdf

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