Depuis son arrestation le 19 juin 2025 à Kigali, la mobilisation ne cesse de grandir à travers plusieurs capitales européennes en faveur de Victoire Ingabire Umuhoza, figure emblématique de l’opposition rwandaise. À Berlin, Bruxelles et Paris, militants, membres de la communauté rwandaise et organisations de défense des droits humains se rassemblent pour réclamer sa libération immédiate, dénonçant une arrestation à motivations politiques.
Parmi les acteurs de cette mobilisation figurent des associations comme Jambo ASBL, le Réseau International des Femmes pour la Démocratie et la Paix (RIFDP), les partis politiques d’oppositions comme le FDU-Inkingi, le RNC, ainsi que des défenseurs des droits humains. Tous s’efforcent de faire entendre leur voix auprès des institutions internationales, appelant à une pression accrue sur le régime rwandais afin d’obtenir la libération sans condition de Madame Ingabire.
Victoire Ingabire, présidente du parti DALFA-Umurinzi, a été arrêtée par le Rwanda Investigation Bureau (RIB) dans le cadre d’une affaire impliquant Sylvain Sibomana et plusieurs de ses coaccusés. Elle est poursuivie pour « tentative de création d’un groupe criminel et incitation aux troubles à l’ordre public » , des accusations qui frappent également d’autres membres de son parti.
Le 9 juillet, le tribunal de première instance de Kicukiro a ouvert l’audience relative à sa détention provisoire. À cette occasion, Mme Ingabire a soulevé deux objections et exprimé le souhait d’être défendue par son avocat kényan. Elle a souligné que son avocat habituel, Me Gatera Gashabana, représente déjà plusieurs autres personnes, dont neuf membres de son parti poursuivis dans une affaire similaire, rendant difficile un accompagnement juridique efficace dans son cas.
Me Gashabana, présent au tribunal, a rappelé qu’il est fondamental pour tout prévenu de pouvoir choisir librement son avocat, un droit inaliénable et essentiel à un procès équitable.
De son côté, le tribunal a précisé qu’il ne pouvait se prononcer sur l’accréditation de l’avocat kényan, une décision relevant exclusivement de la compétence du barreau rwandais.
L’audience a été suspendue et renvoyée au 15 juillet 2025, « afin d’éviter tout retard préjudiciable à la justice ».
En attendant, Victoire Ingabire demeure détenue à la station du RIB de Remera. Des préoccupations croissantes sont exprimées quant à son intégrité physique, certains craignant qu’elle ne subisse des traitements inhumains ou des actes de torture. C’est dans ce contexte alarmant que les mobilisations s’intensifient à Paris, Bruxelles et Berlin, où ses soutiens continuent de réclamer sa libération immédiate et inconditionnelle.
Messages des manifestant (es) : Berlin et Bruxelles main dans la main en faveur de Victoire Ingabire
Le 6 juillet, une manifestation pacifique s’est tenue sur la Place du Luxembourg, devant le Parlement européen à Bruxelles. Les slogans exigeaient la libération immédiate de Mme Ingabire, présentée comme prisonnière politique.
Ngabire Robertine, militante venue de Suisse et membre de l’association de la diaspora rwandaise « Action citoyenne pour la paix » (ACP), a lancé :
« Le Rwanda ne peut pas se prétendre champion des droits des femmes tout en emprisonnant l’une des plus courageuses parmi elles »,
Trois jours plus tard, le 11 juillet, c’est à Berlin que les manifestants ont fait entendre leur voix. Rassemblés devant le parlement allemand (Bundestag), le ministère des Affaires étrangères et l’ambassade du Rwanda, ils ont réitéré leur appel à la libération de Victoire Ingabire.
D’autres manifestants à Berlin et à Bruxelles ont appelé à la libération de Madame Victoire Ingabire.
« Victoire Ingabire est notre héroïne, une héroïne de la démocratie au Rwanda et dans toute la région. Nous demandons sa libération immédiate afin qu’elle puisse continuer à soutenir le peuple rwandais. Elle est la voix du peuple, une voix contre l’injustice. » a déclaré Vital Munyurangabo.
Mukasine Libèree a ajouté : « C’est révoltant de voir que le gouvernement rwandais ne respecte pas les principes des droits humains. Nous ne pouvons plus rester silencieux. Nous luttons pour la liberté d’expression de chaque Rwandais. C’est la raison de notre présence ici : pour dire au monde que nous en avons assez des injustices dans notre pays. Nous exigeons la libération de Victoire Ingabire, et que chacun ait le droit d’exprimer librement ses opinions.»
Éric Itangishaka, exilé politique en Belgique, a livré un témoignage bouleversant au micro de Jambo news, soulignant que la répression orchestrée par le régime rwandais ne s’arrête pas aux frontières du pays.
C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il a choisi de se joindre à la mobilisation en soutien à Victoire Ingabire :
« J’ai fui le Rwanda pour échapper aux persécutions du régime du FPR-Inkotanyi, qui pourchassait ses opposants jusque dans des pays lointains comme le Mozambique. J’ai trouvé refuge en Belgique, mais même ici, les exilés rwandais restent dans la ligne de mire du régime. Victoire Ingabire n’est pas seulement la voix de ceux qui souffrent au Rwanda ; elle est aussi la nôtre, celle des réfugiés et exilés rwandais disséminés à travers le monde. C’est pour cela que je suis ici aujourd’hui : pour demander sa libération et faire entendre notre voix. »
Uwera Eugénie, membre de l’association Igicumbi, qui regroupe des rescapés du génocide perpétré contre les Tutsi et milite pour le respect des droits humains, l’état de droit au Rwanda, ainsi que contre l’instrumentalisation politique du génocide par le régime rwandais, était présente lors de la manifestation en faveur de Victoire Ingabire et a également déclaré :
« Victoire est un exemple, une héroïne pour nous. Elle a eu le courage de défendre les opprimés et de dénoncer les abus. Aujourd’hui, elle est persécutée à cause de ce combat contre l’injustice. Je suis ici pour demander la libération de notre héroïne et la reconnaissance de son droit à faire de la politique. »
Mobilisation pour Victoire Ingabire : les voix des organisateurs s’élèvent
Alors que les manifestations de soutien à Victoire Ingabire Umuhoza se multiplient à travers l’Europe, les responsables des organisations impliquées font entendre des messages clairs et déterminés. Tous dénoncent une arrestation à caractère politique et appellent à la solidarité, à l’unité et à l’action contre les injustices au Rwanda.
Norman Sinamenye, président de l’organisation de défense des droits humains Jambo ASBL, a ouvertement dénoncé la dérive autoritaire du régime rwandais, rappelant que de nombreux opposants sont actuellement détenus, exécutés, portés disparus ou réduits au silence.
« Au Rwanda, la lecture d’un livre sur la résistance non violente peut être punie par la prison. C’est vous dire le niveau d’intolérance que nous combattons », a-t-il affirmé.
Il a cité plusieurs figures emblématiques de cette répression, notamment Aimable Karasira, Cyuma Hassan, Idamange Yvonne, Déogratias Mushayidi, Théoneste Nsengimana Rashid Kakuzimana et d’autres , tous emprisonnés pour avoir exprimé leurs opinions, et a appelé à leur libération.
Du côté de la formation politique FDU-Inkingi, le ton est tout aussi ferme.
Straton Nduwayezu, représentant du parti en Belgique, a déclaré : « C’est le moment de rassembler nos forces, en tant que Rwandais opposés au régime. Garder le silence ou baisser les bras à cause de l’arrestation de Victoire Ingabire Umuhoza, ce serait aider le gouvernement rwandais à atteindre son objectif de faire taire et décourager toute opposition.»
Placide Kayumba, président de FDU-Inkingi , a confirmé avoir adressé des Memorandum of understading à plusieurs institutions internationales Parlement européen, Nations Unies, et Union Africaine pour dénoncer la répression politique et exiger sa libération immédiate.
Il appelle à une mobilisation globale et à une vigilance continue : « Le silence face à l’injustice, c’est de la complicité. Nous devons continuer à parler, à dénoncer et à agir. »
Enfin, Marie Louise Gakwaya, coordinatrice du Réseau International des Femmes pour la Démocratie et la Paix (RIFDP) en Belgique , a souligné la nécessité d’un soutien matériel et financier à la Fondation Victoire pour la Paix, qui œuvre pour la défense des droits humains au Rwanda.
« Victoire est détenue arbitrairement. Elle paie le prix de son engagement en faveur de la justice, de la paix et de la démocratie », a-t-elle martelé.
Elle a invité la diaspora à contribuer activement, notamment via des dons destinés à financer la défense juridique de Mme Ingabire et à soutenir les familles de ses partisans emprisonnés ou disparus.
Une collecte de fonds a été organisée à l’issue de la manifestation. Les personnes souhaitant apporter leur soutien peuvent contribuer via la plateforme GoFundMe, ou effectuer un virement direct sur le compte bancaire de la Fondation Victoire pour la Paix, ouvert auprès de BNP Paribas Fortis : IBAN : BE65 0018 5041 1079 06.
Prochaine étape : Paris, la mobilisation continue
Le mouvement de soutien à Victoire Ingabire se poursuit. Une nouvelle manifestation est prévue à Paris, le 26 juillet 2025, marquant une étape décisive dans une mobilisation transfrontalière de plus en plus organisée.
Cette action vise directement la France, partenaire stratégique du Rwanda, en appelant le gouvernement d’Emmanuel Macron à faire pression sur Kigali pour obtenir la libération immédiate de Madame Ingabire.
À travers ces mobilisations organisées dans plusieurs capitales européennes, une voix collective s’élève pour dénoncer les injustices et dérives autoritaires du régime rwandais, et exiger le respect des droits fondamentaux.
Depuis sa première arrestation en 2010, Victoire Ingabire incarne une opposition pacifique fondée sur la résistance non-violente, la quête de justice, l’unité et la réconciliation basée sur la vérité. Elle milite également pour le retour digne des réfugiés et incarne l’espoir d’un Rwanda véritablement démocratique.
Prudence NSENGUMUKIZA
