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Du monde au Rwanda, quels droits pour les femmes ?

Du monde au Rwanda, quels droits pour les femmes ?

A l’occasion de la Journée Internationale des Femmes, Jambonews revient sur le dernier rapport, publié le 27 février 2019 par la Banque mondiale, portant sur l’égalité des droits entre les femmes et les hommes. Intitulé Les Femmes, L’Entreprise et Le Droit 2019, ce rapport compare les opportunités des femmes à celles des hommes au travers de 8 critères que nous détaillerons. Il revient sur les réformes menées de par le monde ces dix dernières années pour garantir l’égalité des droits entre les hommes et les femmes. Deux chiffres en ressortent : 274 est le nombre des réformes adoptées dans 131 économies sur les dix dernières années et trois quart (3/4) est la moyenne mondiale des opportunités offertes aux femmes dans chaque pays en comparaison à celles dont bénéficient les hommes. Dans cet article le portrait de la femme rwandaise en 2019 ainsi que les défis qui s’imposent encore au Rwanda pour permettre son plein épanouissement sont dressés.

Les critères évalués

  1. La liberté de circuler

    Il s’agit de déterminer si les femmes sont indépendantes, autonomes quand elles se déplacent et si elles sont libres de décider de leurs déplacements. Les questions qui ont été posées pour évaluer ce critère sont : une femme peut-elle choisir de vivre de la même façon qu’un homme ? Une femme peut-elle sortir de chez elle de la même façon qu’un homme ? Une femme peut-elle obtenir un passeport de la même façon qu’un homme ? Une femme peut-elle voyager à l’étranger de la même façon qu’un homme ?
    Le soudan, l’Arabie saoudite et l’Iran sont les cancres de ce critère avec 0 points chacun.

  2. Entrée dans la vie active

    Ce sont toutes les mesures qui peuvent impacter les décisions des femmes à entrer et à évoluer dans la vie active. L’évaluation de ce critère se fait à partir de ces questions : légalement une femme peut-elle travailler, ouvrir un commerce de la même façon qu’un homme ? La loi punit-elle la discrimination au travail basée sur le genre ? Existe-il une législation sur le harcèlement sexuel au travail ? Le harcèlement sexuel sur le lieu du travail est-il sanctionné par la loi ?
    L’Iran, le Koweït et la Jordanie sont les moins performants pour ce critère avec 0 points chacun.

  3. Accès au salaire

    Le rapport regarde les pays qui ont introduit les lois garantissant l’égalité salariale entre les femmes et hommes et aussi les éventuelles restrictions qui empêcheraient les femmes de travailler dans un domaine donné. La liste des questions pour mesurer ce critère est : à travail identique, la loi garantit-elle la même rémunération ? Une femme peut-elle travailler les mêmes heures de nuit qu’un homme ? Les femmes peuvent-elles occuper des emplois jugés dangereux, ardus ou moralement inappropriés au même titre que les hommes ? Les femmes peuvent-elles travailler dans les mêmes industries que les hommes ?
    L’Afghanistan, l’Azerbaïdjan, la Guinée-Bissau, l’Inde, le Koweït, le Sao Tomé-et-Principe, le Pakistan, l’Arabie Saoudite, le Sud Soudan, le Soudan, la Syrie, l’Ukraine et les Emirat arabe unis ont chacun 0 points.

  4. La vie maritale

    Ce critère évalue les contraintes des femmes liées au mariage, la distribution des droits au sein d’un couple. Pour ce critère, les réponses aux questions suivantes ont été analysées : la loi oblige-t-elle une femme mariée à obéir à son mari ? Une femme peut-elle être le chef de famille au même titre que son mari ? Existe-elle une loi spécifique contre les violences domestiques ? Une femme peut-elle obtenir un jugement de divorce de la même façon qu’un homme ? Les femmes bénéficient-elles des mêmes droits que les hommes pour se remarier ?
    Le Djibouti, l’Iran, l’Iraq et la Mauritanie ont 0 points chacun.

  5. Avoir des enfants

    Il s’agit des toutes les mesures permettant aux femmes de pouvoir travailler tout en ayant des enfants : la durée des conges maternités, les congés parentaux, les congés paternités. Les réponses aux questions suivantes sont prises en compte pour évaluer ce critère : le congé maternité est-il payé jusqu’à la 14ème semaine au moins ? Le congé maternité ou le congé parental (en cas d’absence de congé maternité) est-il payé à 100% du salaire par le gouvernement ? Existe-t- il un congé paternité ? Quid d’un congé parental ? Le licenciement des femmes enceintes est-il interdit ?
    14 pays dans le monde ont obtenu la note de 0 points : L’Antigua-et-Barbuda, le Botswana, le Brunei, le Koweït, Les îles Marshall, le Népal, les Palaos, le Qatar, la Sierra Leone, Les îles Salomon, le Royaume de Tonga, le Suriname, et les Emirat arabes unis.

  6. Diriger une entreprise

    Ici il s’agit de mesurer si les femmes peuvent entreprendre ou gérer une entreprise en bénéficiant des mêmes facilités que les hommes. La liste des questions posées pour ce critère est la suivante : Une femme peut-elle signer légalement un contrat de la même manière qu’un homme ? Une femme peut-elle faire enregistrer une entreprise de la même façon qu’un homme ? Une femme peut-elle ouvrir légalement un compte en banque au même titre qu’un homme ?
    Un seul pays, la Guinée Bissau, obtient une note minimale de 25 points.

  7. Accès et gestion du patrimoine

    Ici les mesures qui permettent aux femmes de pouvoir bénéficier de l’héritage au même titre que les hommes sont évaluées. A cela s’ajoutent les droits des femmes à pouvoir gérer les biens de leurs foyers au même titre que les hommes. Pour apprécier ce critère les réponses aux questions suivantes sont analysées : les hommes et les femmes ont-ils les mêmes droits de propriété sur les biens immobiliers ? Les filles et les garçons héritent-ils de leurs parents avec les mêmes droits ? Les veuves et les veufs sont-ils logés à la même enseigne en termes d’héritage ? La loi accorde-t-elle aux conjoints un pouvoir administratif égal sur leurs biens durant le mariage ? La loi prévoit-elle l’évaluation des contributions non monétaires ?
    Les Tonga et la Mauritanie obtiennent le score minimal de 20 points pour ce critère.

  8. La retraite

    Il s’agit des mesures qui garantissent les mêmes droits à la retraite aux femmes et aux hommes. Par exemple égaliser l’âge de départ à la retraite pour les femmes et les hommes, créditer les périodes d’interruption de travail pour élever les enfants dans le calcul de la pension. Les questions qui permettent d’évaluer ce critère sont : Les hommes et les femmes ont-ils le même âge de départ à la retraite pour bénéficier du taux plein ? Ont-ils le même âge de départ à la retraite pour bénéficier d’une pension partielle ? L’âge maximal de départ à la retraite est-il le même pour les hommes et les femmes ? La loi établit-elle des crédits de pension pour la période de garde d’enfant ?
    15 pays obtiennent la note minimum de 25 points pour ce critère : l’Afghanistan, l’Algérie, le Bangladesh, le Bhoutan, Les Comores, l’Erythrée, la Guinée Bissau, l’Iran, la Lybie, la Birmanie, le Népal, L’Arabie Saoudite, l’Afrique du Sud, le Swaziland et le Vietnam.

Le classement

Le tour du monde

En haut de la liste, 6 pays se distinguent en totalisant une note de 100 points sur 100. Ce sont les pays où les femmes bénéficient des mêmes droits que les hommes : la Belgique, le Danemark, la France, la Lettonie, le Luxembourg et la Suède.
En bas de la liste les pays qui octroient au plus 3 droits pour les femmes là où ils en octroient 10 pour les hommes sont : le Qatar avec 32,5 points, l’Iran avec 31,25, le Soudan et les Emirats arabes unis avec chacun 29,38 et l’Arabie Saoudite avec 25,63 points.

Le tour d’Afrique

Les premiers pays africains accordent 8 droits aux femmes pour 10 droits accordés aux hommes. Les 5 premières places africaines sont l’Afrique du Sud avec 88,13 points, le Zimbabwe avec 86,88 points, la Namibie avec 86.25 points et la Tanzanie et Togo exæquo avec 84,38 points.
En bas du classement des pays africains se trouvent des pays qui octroient au maximum 5 droits aux femmes pour 10 droits octroyés aux hommes. Les 5 dernières places africaines sont l’Egypte avec 50,63 points, La République Démocratique du Congo avec 46,25 points, le Sud Soudan avec 45,63 points, la Mauritanie avec 41,88 points, la Guinée-Bissau avec 36,25 points et le Soudan avec 29,38 points.

La région des Grands Lacs de l’Afrique

A l’exception de la République Démocratique du Congo qui est dans le bas du classement mondial, les autres pays de cette région sont biens classés et figurent parmi ceux ayant effectué le plus de reformes relatives à l’égalité du genre sur ces dix dernières années. La Tanzanie est en tête avec 84,38 points, le Rwanda est deuxième avec 80,63 points, le Burundi et l’Ouganda sont exæquo avec 73,13 points et la République Démocratique du Congo est dernière avec 46,25 points.

La femme rwandaise en 2019

Elle est réputée émancipée, sa place dans la société a été renforcée, elle représente 6 députés sur 10, un ministre sur deux et se trouve à la tête de grande institutions rwandaises et internationales. Ses droits sur le plan de l’héritage, du foncier et des biens matrimoniaux ont été renforcés. [1] Dorénavant toute la durée de son congé maternité est prise en charge à 100% de son salaire, auparavant les six dernières semaines étaient payées à 20% de son salaire.
Tout n’est pas parfait pour autant, la durée de prise en charge de son congé maternité est inférieure à la recommandation de la convention n° 183 sur la protection de la maternité de l’Organisation internationale du travail, qui préconise 14 semaines.

La femme rwandaise : de la promesse à la réalité

La rwandaise ci-haut qui s’en sort sur le papier cohabite avec une autre rwandaise qui est celle du terrain. Pamela Abbott, professeure honoraire à l’université d’Aberdeen et spécialiste du genre au Rwanda a publié en janvier 2015 un rapport intitulée « The promise and the Reality : Women’S Rights in Rwanda ». Ce rapport est le résultat des recherches, analyses de données et enquêtes faites au Rwanda par des Organisations Non Gouvernementales en faisant participer les citoyennes ordinaires. Tout en soulignant les remarquables avancées du Rwanda sur l’égalité des droits entre les hommes et les femmes, il met en lumière la difficulté de mettre en pratique les mesures votées par le parlement. En effet la nature dictatoriale du régime est un frein à la manifestation des besoins des femmes et à la mise en application des mesures votées. « Elle (la dictature) affecte la participation sur la base de l’organisation de la communauté qui souvent n’a pas accès à l’information. Les leaders locaux cascadent les messages du gouvernement à la communauté au lieu d’écouter les besoins et les préoccupations des citoyens afin de pouvoir les remonter ». De plus ce rapport met en lumières les difficultés auxquelles sont confrontées les femmes rwandaises.

  • Faciliter l’accès à la santé sur les questions liées à la maternité

Les femmes rwandaises, dont une majorité a des revenus faibles, ont remonté les inquiétudes sur les amendes que l’on leur impose quand elles n’accouchent pas dans un centre de santé. Aussi les ménages font face au coût des mutuels qui entre en concurrence avec les frais de consommation alimentaire et les frais de scolarité pour les enfants.
Le taux de grossesses non planifiées reste élevé au Rwanda, ce dernier étant estimé à 47% .La loi est restrictive sur l’avortement. Ceci place les femmes dans des situations où elles prennent les risques de faire des avortements illégaux au risque de leur santé ou de purger de longues peines de prison. En 2015, l’ONG rwandaise Initiative des Grands Lacs pour les droits de l’Homme et le développement estimait qu’une détenue sur quatre était en prison pour avortement illégal. [2]

  • L’inégalité en termes des ressources

A l’école ou dans la vie active, les femmes sont confrontées à plus de difficultés que les hommes. Sur les bancs de l’école les filles subissent des violences sexistes à des niveaux élevés et ce par leurs camarades d’écoles ou par les enseignants. De plus les jeunes filles sont détournées de l’école par les « sugar daddy » qui profitent de leur pauvreté et les guettent sur le chemin de l’école.
Dans la vie active, les femmes rwandaises ont des droits sur le plan de l’héritage, du foncier et des biens matrimoniaux mais elles méconnaissent ces droits, selon le rapport de Pamela Abbott « La méconnaissance de la loi, le manque de soutien juridique, la peur de la violence domestique et des pratiques coutumières sont des obstacles majeurs qui empêchent les femmes de revendiquer leurs droits fonciers. Les femmes ne font pas confiance aux tribunaux de la famille ou aux dirigeants locaux pour arbitrer ; elles les considèrent comme biaisés et préjudiciables ».
Enfin si 6 députés sur 10 sont des femmes, leur action n’a pas suffisamment répondu aux besoins des femmes ordinaires : «Il n’est pas nécessairement vrai que les femmes représentent les intérêts des femmes. En outre, les progrès réalisés en matière de leadership des femmes n’ont pas été répercutés aux échelons inférieurs du gouvernement ou dans d’autres domaines tels que l’enseignement supérieur, la police, les forces armées ou le secteur privé. Les législatrices nationales, par exemple, ont été critiquées parce qu’elles n’en font pas assez pour adopter des lois qui profitent aux femmes car la plupart d’entre elles doivent faire allégeance au Front Patriotique Rwandais plutôt qu’aux femmes ».
L’exemple d’une des mesures allant à l’encontre de la protection des femmes par le parlement rwandais est le rejet, peu avant sa publication du rapport de Pamela Abbott, « des recommandations de la coalition rwandaise pour l’Accès des Femmes à la Terre, un groupe de plaidoyer composé des principales organisations communautaires de femmes et des organisations non gouvernementales travaillant sur les questions foncières ». Ces recommandations, dans le cadre de la révision du Code civil, préconisaient d’accorder « Une protection des droits à la propriété des femmes (et des hommes) vivant en union libre ».

  • La société patriarcale

La dernière inégalité que subissent les femmes rwandaises, surtout celles des zones rurales, est celle liée aux normes et valeurs de la société rwandaise. « Les hommes sont considérés comme responsables de la bonne conduite des épouses et des filles, les jeunes femmes célibataires sont accusées d’être des prostituées si elles utilisent la contraception, les femmes et mères convenables effectuent la plupart des travaux pénibles et veillent à ce que la famille soit nourrie mais n’ont que peu ou pas de contrôle sur les ressources et doivent restent en retrait en public ». Selon le rapport de Pamela Abbott.
 
Constance Mutimukeye
[1] https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/07/06/les-rwandaises-sur-le-chemin-de-l-emancipation_5327317_3212.html
[2] http://www.jambonews.net/actualites/20151019-1-rwandaise-sur-4-en-prison-pour-avortement-illegal

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