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1 Rwandaise sur 4 en prison pour avortement illégal

1 Rwandaise sur 4 en prison pour avortement illégal

Récemment, l’ONG rwandaise Initiative des Grands Lacs pour les droits de l’Homme et le développement[1] a publié un rapport d’enquête qui révèle notamment que parmi les femmes emprisonnées au Rwanda, 1 femme sur 4 a été condamnée pour avoir pratiqué un avortement illégal. Pourtant, depuis 2012 à l’issue d’intenses débats au sein de la société civile, de l’Eglise et au Parlement, une loi dépénalisant l’avortement a été adoptée.
Capture d’écran 2015-10-19 à 20.53.24Depuis 2012, le code pénal rwandais a légalisé l’avortement mais uniquement dans 4 cas qui sont le viol, l’inceste, le mariage forcé et le risque pour le pronostic vital de la mère ou de l’enfant. Cependant, le rapport démontre que des femmes qui entrent pourtant dans l’un de ces 4 cas ne peuvent pas faire valoir leur droit à l’avortement en raison de barrières administratives et culturelles.
En effet, selon le texte de loi pénale, un avortement en raison d’un risque de santé pour la mère ou l’enfant n’est légal que s’il a été recommandé par au moins 2 médecins. Or, au Rwanda, on compte en moyenne 1 médecin pour 16 000 habitants[2] selon le ministère de la santé. En cas de viol, d’inceste ou de mariage forcé, la femme n’est autorisée à avorter que sur décision d’un juge. La procédure judiciaire qui doit être entamée implique des délais pouvant atteindre 5 à 6 mois, et est donc inadaptée à la situation d’urgence liée à l’avortement. De plus, comme le rappelle Chantal Umuhoza, co-auteure de ce rapport, l’avortement est une décision très personnelle, sensible et stigmatisante. Par conséquent, il est rare que les femmes osent saisir le tribunal pour faire appliquer leur droit.
Les femmes actuellement emprisonnées pour avortement illégal sont généralement des jeunes femmes de moins de 25 ans, pauvres et issues des zones rurales. La méconnaissance de leur droit à l’avortement issu de la loi de 2012 les conduit à recourir de fait à l’avortement illégal au péril de leurs vies. Les risques de complications et de stérilité sont d’autant plus nombreux que la plupart des avortements sont pratiqués par des agents non qualifiés comme les médecins traditionnels, les pharmaciens utilisant des méthodes dangereuses, voire les femmes enceintes elles-mêmes qui absorbent des produits toxiques ou introduisent des objets contondants tels que des débris de verre dans l’utérus afin d’évacuer le fœtus[3]. En 2009, l’institut américain Guttmacher spécialisé dans la santé reproductive a publié une étude consacrée à l’avortement au Rwanda d’où il ressort que 54% des femmes pauvres en zones rurales sont susceptibles de développer des complications liées à un avortement clandestin contre seulement 20% des femmes plus aisées vivant en ville[4].
Aux barrières administratives et judiciaires, s’ajoute également la barrière culturelle. En effet, malgré de nombreuses avancées pour les droits des femmes depuis le milieu des années 90, la société rwandaise demeure conservatrice et l’influence de l’Eglise catholique et des églises protestantes est très présente. En 2012, lors de l’examen du projet de loi sur la dépénalisation de l’avortement au Parlement, la Conférence des évêques catholiques du Rwanda présidée par Mgr Smaragde Mbonyintege s’était montrée hostile à une légalisation partielle de l’avortement. « Nous choisissons la vie de l’enfant et tout en comprenant la souffrance de la femme meurtrie dans sa dignité, nous nous engageons à l’accompagner et à l’aider pour qu’elle choisisse la vie de l’enfant », avait écrit Mgr Mbonyintege dans un communiqué.
arton32601Les mères rwandaises sur lesquelles la société fait reposer une forte pression sociale n’osent pas admettre que leurs filles ont des rapports sexuels avant le mariage. Il est vrai que l’éducation sexuelle des jeunes gens demeure lacunaire. D’ailleurs, les programmes d’éducation à la contraception s’adressent toujours aux femmes mariées pour limiter ou espacer les naissances mais jamais aux jeunes femmes ou aux adolescentes.
L’avortement est une question sensible qui met au défi la société rwandaise et la classe politique qui doivent apporter une réponse progressiste et humaniste qui soit à la hauteur de l’enjeu. La femme n’est pas obligée d’interrompre la grossesse mais il faudrait lui reconnaitre au moins le droit de faire un choix.
 
Marie Umukunzi
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[1] http://www.glihd.org/?p=49
[2] http://www.moh.gov.rw/index.php?id=3
[3] http://www.jambonews.net/actualites/20120330-lavortement-en-afrique-cas-du-rwanda/
[4] https://www.guttmacher.org/pubs/FB-Abortion-in-Rwanda-FR.html

 

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