La Haute Cour de Kigali a rejeté ce vendredi 12 novembre 2010 l’appel de Victoire Ingabire Umuhoza contre la décision du tribunal de Gasabo qui lui avait refusé sa mise en liberté pour la période durant laquelle le ministère public mènerait des investigations.
Le verdict a été lu de 15h50 à 16h40 devant une énorme foule de spectateurs dont des membres du parti FDU-Inkingi, nous précise un communiqué du même parti.
Même si la décision est sans surprises, les déclarations des principaux acteurs de la décision ont pris une tournure surréaliste.
En effet, selon l’agence rwandaise d’information, célèbre pour ses publications allant dans la droite ligne du régime, le Juge Busingye a, lors du prononcé du jugement, reconnu « des contradictions » dans le dossier.
L’exemple que nous donne l’agence rwandaise d’information est la requalification de l’accusation de génocide contre Ingabire qui a été remplacée par celle d’idéologie du génocide.
Malgré les contradictions reconnues par le juge lui-même, la décision de maintenir Ingabire en prison a été prise.
Mais la palme du surréalisme dans ce dossier est sans doute à attribuer au procureur qui a déclaré, selon la même agence, « Nous allons préparer le dossier pour accélérer la tenue du procès. Des investigations seront menées au Rwanda et dans d’autres pays dont certains ont manifesté la volonté de coopérer pour nous faire parvenir des éléments d’investigation »
Et le procureur d’ajouter toujours selon la même source, « qu’après l’investigation, l’on saura s’il faut un dossier qui englobe beaucoup d’accusés, ou s’il faut mettre Ingabire dans le même cas que Paul Rusesabagina, accusé d’avoir financé les activités de déstabilisation et de violence perpétrées par les FDLR. »
Après un mois de détention au cours de laquelle Ingabire aurait subi des actes de tortures durant les premiers jours, le procureur admet publiquement que le dossier n’est pas encore prêt et que même l’ensemble des accusés dans le dossier est encore à déterminer.
Pire encore, le juge de l’affaire constate des contradictions et permet que des accusations soient changées en pleine audience ; du rarement vue en droit.
Ces déclarations vont sans doute donner du grain à moudre aux nombreuses personnes dont le parti d’Ingabire qui affirment à voix haute que le procès d’Ingabire est juridiquement vide et ne poursuit que des motifs politiques.
L’affaire avait pris une autre dimension durant la semaine lorsqu’une délégation venue du Rwanda, conduite par la sénatrice Aloysie Inyumba, avait fait le tour de plusieurs capitales européennes pour entre autres, expliquer en quoi Ingabire était coupable.
Plutôt que de maintenir la façade écornée d’un système judiciaire indépendant du pouvoir politique, en déclarant que « il appartient à la justice, et non aux politiques de déterminer le fondement des allégations formulées à l’encontre d’Ingabire et que pour ces raisons, la délégation s’abstiendra de commentaires sur le sujet»,
Bernardin Ndasyimye, membre de la délégation, avait, dans un long plaidoyer essayé de démontrer à l’assistance en quoi les allégations formulées contre Ingabire étaient fondées. Malgré quelques précautions sémantiques d’usage, le Sieur l’avait déclaré coupable avant même l’issue de son procès.
Son intervention a irrémédiablement laissé subsister la question suivante : « si c’est une affaire judiciaire de droit commun, ne poursuivant pas de motifs politiques, qu’ont à faire des hommes politiques dans ce dossier ? »
Cette même délégation avait rencontré le mardi 09 novembre 2010 des parlementaires Hollandais dont plusieurs d’entre eux avaient manifesté leur désir de couper l’aide budgétaire au Rwanda.
Selon Radio Nederlands, la délégation avait échoué à changer l’avis des parlementaires présents. Selon une source présente sur place, l’un des participants avait déclaré que l’affaire Ingabire a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
Un autre parlementaire néerlandais avait déclaré quelques jours plus tôt, en faisant allusion à l’aide accordée pour la mise sur pied d’un système juridique servant entre autres à la construction et au maintien des prisons: « Ces prisons sont utilisées pour enfermer les opposants politiques. Je ne veux pas être responsable de cette politique. »
Ces nouveaux rebondissements surréalistes dans l’affaire Ingabire vont sans doute finir de convaincre les plus récalcitrants d’entre eux à couper cette aide tant que le Rwanda ne change pas son cap dictatorial.
Ruhumuza Mbonyumutwa
Lire l’article complet de l’Agence rwandaise d’information.