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Rwanda : l’opposition se mobilise à Bruxelles

Rwanda : l’opposition se mobilise à Bruxelles

C’est une opposition rwandaise des grands jours qui a tenu un meeting à Bruxelles ce dimanche 31 juillet 2011 devant plusieurs centaines de personnes ayant répondu à l’appel conjoint d’une partie des FDU et du RNC.
Devant une salle comble et sous une importante surveillance policière belge, les FDU de Nkiko Nsengimana et de Joseph Bukeye affichaient la tête des grands soirs, à des années lumières de leurs dernières sorties et semblaient avoir définitivement dépassé les dissensions internes ayant divisé la tête de  leur parti ces derniers mois.

Meeting conjoint FDU-RNC à Bruxelles

Meeting conjoint FDU-RNC à Bruxelles


C’est Nkiko Nsengimana, le Président du comité de coordination qui a symbolisé l’état d’esprit d’un parti déterminé et sûr de sa force, en estimant que le changement au Rwanda était très proche car « plus de 50% du chemin pour renverser la dictature a été parcouru » et qu’afin d’atteindre le changement tant désiré, il ne restait que « 30% du chemin à parcourir car les 20% restant seront « offerts » par le régime  de par les nombreuses erreurs qu’il commet».
Côté RNC, c’est Thèogène Rudasingwa s’exprimant à distance à partir des Etats-Unis, via Skype qui a eu l’honneur d’introduire la réunion par un discours durant lequel il a appelé les rwandais à cesser d’avoir peur et les a invités à rejoindre l’association FDU-RNC.
Ses propos furent par la suite repris par Paul Rusesabagina, le héros d’Hôtel  Rwanda qui, après avoir eu une charge virulente à l’encontre des Gacaca a déclaré que « la solution aux problèmes du Rwanda est l’association FDU-RNC » avant d’inviter  à son tour les rwandais à rejoindre leurs rangs clamant que les portes étaient grandes ouvertes.
Selon plusieurs participants, l’un des temps forts de la journée fut le discours de Jonathan Musonera, l’une des figures du RNC qui a rendu durant son intervention un vibrant hommage à Victoire Ingabire en la comparant à Ndabaga, une héroïne des comptes rwandais qui s’est distinguée sur le champ de bataille par sa bravoure, après avoir intégré l’armée en se faisant passer pour un homme en remplacement de son père.
Il a déclaré qu’elle avait été emprisonnée injustement et a demandé à ce qu’on diffuse son discours du 16 janvier 2010 au mémorial de Gisozi dédié aux victimes du génocide des Tutsi et a estimé qu’elle avait été emprisonnée pour le péché d’avoir rappelé que les tueries au Rwanda n’avaient pas concerné que les Tutsi et que des crimes de masse avaient également été commis à l’encontre des Hutu et que tous les criminels de tous bords devaient répondre de leurs actes.

Les autres temps forts de la journée, furent les interventions de Jean-Marie Vianney Ndagijimana, de Gérard Karangwa Semushi ainsi que de Jean Baptise Ryumugabe , représentant du PS Imberakuri.
Plus que le fond du discours de Jean Baptiste Ryumugabe qui a rendu hommage à Bernard Ntaganda, leader du PS incarcéré au Rwanda, c’est la présence d’un représentant de ce parti qui était en soi un symbole fort marquant une certaine unité de l’opposition rwandaise.
Jean-Marie Vianney Ndagijimana a pour sa part annoncé la création du « Covigla » (Collecif des victimes de masse de la Région des Grands Lacs) visant à rassembler des témoignages afin de déposer plainte en justice. Il a invité tous les rwandais à déposer plainte car « chaque rwandais est un rescapé, étant donné qu’il n y’en a aucun d’entre eux qui n’ait perdu un membre de sa famille ».
Il a annoncé que pour remplir cette mission, un groupe d’avocats avait été engagé et que la première plainte concernera le principal criminel qui est selon lui Paul Kagame et a invité, au nom du Covigla, Théogène Rudasingwa et Kayumba Nyamwasa à être témoins dans le cadre de cette plainte qui « sera déposée avant le 12 septembre » date de la visite du Général Kagame à Paris.
Gérard Karangwa Semushi, s’exprimant au nom du PDP-Imanzi, le parti de Déo Mushayidi a quant à lui tenu un discours direct abordant sans détours le problème sensible voire tabou de la discrimination ethnique au Rwanda, estimant qu’une ségrégation ethnique avait lieu au Rwanda, au bénéfice des Tutsi et au détriment des Hutu.
Comme illustrations pour appuyer son affirmation, il a cité l’exemple des bourses d’études qui avaient récemment été coupées avant d’être partiellement rétablies.
Lorsque  99% des enfants Tutsi rescapés bénéficient de l’aide du FARG (fonds d’aide aux rescapés du génocide) qui est une bonne chose, qu’une importante partie des bourses pour l’étranger est attribuée aux anglophones qui sont quasiment tous des Tutsi, qui reste il ? Qui est affecté par la mesure de coupure des bourses si ce n’est les Hutu s’est il demandé ?
Comme autre exemple, il a cité la récente promotion de 164 officiers dans l’armée, parmi lesquels figuraient seulement  13 Hutu ou encore le récent remaniement à la tête du Rwanda, pour lequel, toutes les personnes nommées à des postes clefs sont exclusivement Tutsi (NDLR, en réalité les trois postes principaux des services de renseignements sont occupés par des personnes issus d’un groupe encore plus minoritaire à savoir celui des Tutsi anglophones venus d’Ouganda, démontrant la main mise sur le pouvoir d’une petite clique ultra minoritaire loin d’être représentative des rwandais dans leur ensemble).
Parmi les points traînés par le RNC comme un boulet et abordés par l’assistance, figure la  question des mandats d’arrêts espagnols délivrés contre 40 hauts responsables du FPR, parmi lesquels figure Kayumba Nyamwasa, l’un des leaders du mouvement.
Commentant ces mandats d’arrêts, Gerald Gahima, s’exprimant par skype depuis Washington   a déclaré que pour le RNC, « chaque personne  ayant commis des crimes devait être punie »  et que « certains sur la liste ont des crimes qu’ils ont peut être commis », « certains des faits reprochés ont un fondement mais certains autres ont des motifs politiques et le fait de figurer sur la liste ne signifie pas qu’on est coupable » et a appelé à attendre les suites des travaux des juridictions espagnoles.
Kayumba Nyamwasa, le principal concerné par ces mandats d’arrêts espagnols , répondant à une autre question d’une participante, et s’exprimant également à distance via Skype à partir de l’Afrique du Sud, a pour sa part déclaré être prêt à faire face à la justice espagnole, affirmant ne l’avoir jamais fui «  Je veux rappeler que je suis en Afrique du Sud et non au Rwanda, depuis un an que je suis ici personne n’est venu me voir, la justice espagnole n’a jamais agi ».
Nkiko, commentant cette question a déclaré « si vous attendez la justice internationale, vous risquez d’attendre longtemps, c’est nous, rwandais qui ferons la justice, pour cela nous devons lutter pour le pouvoir afin d’avoir une justice impartiale ».
Du côté des FDU côté Ndahayo et Mberabahizi en perte de vitesse et de popularité ces derniers mois, la position sur cette question est plus radicale. Dans la Newsletter parue le 1er août au lendemain de la conférence, Eugène Ndahayo, chef de file de cette branche des FDU estime que « tolérer des gens soupçonnés de crimes au sein des organisations politiques et à préconiser l’impunité pour des génocidaires, des tortionnaires, des maffieux et autres responsables de la tragédie rwandaise, c’est que plus rien ne semble avoir de sens, c’est que nos valeurs sont à la dérive. »avant d’ajouter qu’« un génocide et ses victimes ne se marchandent pas ; tous les génocidaires et autres criminels hutu et tutsi au pouvoir ou dans l’opposition, en fuite ou pas, doivent répondre de leurs crimes devant la Justice »
Malgré ces quelques points fondamentaux qui restent à clarifier, l’opposition rwandaise a sans aucun doute marqué d’énormes points  grâce à ce meeting  réussi sur plusieurs plans.
La grande affluence au meeting ainsi que la bonne santé affichée par les partis d’opposition s’expliquent sans doute par les récents déboires du régime qui semblent annoncer un tournant entre le régime de Kigali et ses principaux alliés mais aussi et peut être surtout par un sentiment de ras-le-bol de la communauté rwandaise, lasse des divisions, des espionnages, du climat de peur, de l’ethnisme, des tueries, des emprisonnements, de l’injustice, du mensonge et de la dictature.
Ce ras-le-bol s’est traduit en paroles par les propos de Jonathan Musonera lors de la conclusion de son intervention : « enough is enough».

Ruhumuza Mbonyumutwa
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