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Le Rwanda, ou l’arbre qui cache la forêt

Le Rwanda, ou l’arbre qui cache la forêt

Forêt Vierge

Forêt Vierge


Au sens propre comme au figuré. La forêt n’est autre que la République Démocratique du Congo. Elle est immense, dense et riche en ressources minérales. Quelques clairières par endroits laissent pénétrer la lumière du jour, laissant entrevoir des cadavres par milliers qui jonchent à même le sol. Des crânes fendus, les mains liées dans le dos. Des corps d’enfants en bas-âge. Plus loin, des femmes dont on aperçoit nettement des traces de mutilations génitales. Quelle est l’identité de ces corps, au milieu de nulle part ? Même les oiseaux ont déserté les lieux, excepté les rapaces, qui seuls règnent en maîtres. Ils se régalent du festin des corps encore en décomposition. Les Esprits de la forêt sont tourmentés. Quant aux morts, d’un bruit sourd, ils appellent au loin « Justice ! ». Leurs échos retentissent à travers toute la forêt, jusqu’à ce jour.
 Le Livre de Jason Stearns

Le Livre de Jason Stearns


Interpréter, c’est commencer par nommer ce petit arbre maudit qu’est le Rwanda. Oh qu’il brille de mille feux, tant sa capitale, Kigali, ses rues sont nickels et son économie en pleine croissance ! Petit pays qui n’est pas moins responsable d’un des plus grands cataclysmes – ignoré – de l’humanité, à savoir la guerre du Congo. C’est ce que nous trace l’auteur du récent livre (sorti en mars 2011) : « Dancing in the Glory of Monsters. The collapse of the Congo and the Great War of Africa », de Jason Stearns. Investigateur de l’ONU au Congo et doctorant à la prestigieuse université de Yale, aux Etats-Unis – il nous livre en détails les causes des conflits et atrocités commises dans ce géant déchu d’Afrique centrale. Le drame des Grands Lacs, dit-il, va au-delà du génocide rwandais de 1994, plus médiatisé. Une réalité inconfortable à admettre – au grand dame de l’impunité.
Aux stratégies géopolitiques, après démembrement de l’Etat du Zaïre du Maréchal Mobutu en 1996, aux pillages des ressources minières par le Rwanda voisin, ce dernier a surtout profité d’un Etat faible et vaste – rencontrant donc peu de résistance dans sa conquête vers l’ouest. Le régime de Kigali: le FPR et sa branche armée, l’APR (Armée Patriotique Rwandaise), tous deux dirigés par le président Paul Kagamé, prétextaient l’envahissement du Congo en avançant qu’ils pourchassaient les interahamwe qui ont fui dans l’ex-Zaïre avec des armes lourdes, alors responsables du génocide commis à l’encontre de la minorité Tutsi, d’avril à juin 1994, au Rwanda.
Cependant, les milliers de morts dans les camps de réfugiés Hutu, est-ce aussi l’œuvre des interahamwe ? Non. Papy Kamanzi, un jeune commandant Tutsi d’une unité d’élite APR, témoigne, dans le livre de Stearns, qu’il amadouait, dans les camps, les réfugiés Hutu à rentrer chez eux, au Rwanda. Il se proposait même de les accompagner. Et, une fois arrivés à un point précis, après les avoir tous regroupés, il les massacrait en masse à coup de hache – lui et ses camarades militaires. «On pouvait en tuer plus de cent par jour » – dit-il encore. Parfois «on utilisait des cordes, c’était le moyen le plus rapide et nous ne gaspillions pas de sang. Deux d’entre nous mettaient un homme à terre, nouaient alors une corde autour de son cou et tiraient très fort ». Kamanzi se défend que ce fût l’ordre reçu.
Ianbirell

Ianbirell


Des crimes dont on se refuse de nommer les responsables ? Le journaliste britannique, Ian Birell, dénonce justement l’hypocrisie qui règne autour de ces exactions perpétrées au Congo par l’armée de Paul Kagamé et ses alliés. Tous soutenus par la Grande-Bretagne de l’ex premier, Tony Blair et l’actuel Secrétaire d’Etat britannique du développement international, Andrew Mitchell. Les fonds d’aide au Rwanda, issus du contribuable britannique, ne servent au fond qu’à financer une dictature des plus sanglantes. Le gouvernement de Paul Kagamé n’hésite même plus à envoyer des mercenaires, au-delà de son territoire, pour assassiner des citoyens – britanniques d’origine rwandaise – qui militent pour les droits humains. Notamment René C. Mugenzi et Jonathan Musonera. Ces derniers ont reçu un avertissement de Scotland Yard, la police de Londres, leur disant que « le gouvernement rwandais représente un danger immédiat pour votre vie ». Kigali dément ces accusations.
L’opinion publique se décide-t-elle (enfin) à ouvrir les yeux ? Quoi qu’il en soit, le chemin qui mène au petit Rwanda, populaire, devra, dans le futur, passer par l’immense forêt du R.D Congo. Les millions de morts congolais et réfugiés Hutu attendent, en silence, équité. «L’injustice est muette, et la justice crie »1. En d’autres mots : l’histoire du «géant muet et du nain pipelet » est loin d’avoir révélé tous ses secrets.

Jean Bigambo.
Jambonews.net
1.Jean de Rotrou

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