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Europe : intenses mobilisations au sein « des » communautés rwandaises

Europe : intenses mobilisations au sein « des » communautés rwandaises

Depuis quelques semaines, à l’approche des 11 et 12 septembre 2011, la mobilisation au sein de la communauté rwandaise en Europe s’intensifie en même temps que les tensions montent.

Manifestation à Bruxelles contre Paul Kagame le 4 décembre 2010

Manifestation à Bruxelles contre Paul Kagame le 4 décembre 2010


En effet, même si l’ensemble de la communauté rwandaise vivant essentiellement en Belgique et en France a les yeux rivés vers une même date et une même ville, les raisons de leur mobilisation et de leur future présence dans la ville des lumières s’entrechoquent.
La communauté rwandaise semblant plus que jamais divisée en deux.
Pour les uns, l’objectif sera de montrer la « vraie face » de celui qu’ils considèrent comme « le plus grand criminel de l’ère moderne » et le « principal responsable des drames qui ont frappé et frappent encore la Région des Grands Lacs» depuis deux décennies. Ces derniers désirent également réclamer justice pour les leurs, notamment ces milliers de réfugiés hutu assassinés par les troupes de l’APR et pour lesquels, il y’a un an, l’ONU a rendu le rapport mapping qui a marqué une étape fondamentale contre l’oubli et le déni de justice pour ces victimes.

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Ils auront également pour objectif de montrer au monde que le « développement tant vanté » au Rwanda depuis 1994 n’est qu’une façade obtenue au « prix du sang de millions de citoyens congolais et rwandais » et d’une dictature des plus féroces.
Ils désirent enfin, « réclamer l’ouverture de l’espace politique et la démocratisation progressive du pays » et tout cela, afin de définitivement tourner la page la plus sombre de l’histoire du pays des milles collines.
Pour les autres, l’objectif sera de soutenir le Président Paul Kagame qu’ils appellent « His Excellency » , qualifient de « héros » et de « leader exemplaire » et même de montrer leur fierté en raison « des progrès réalisés par le Rwanda depuis la prise du pouvoir du FPR, le 4 juillet 1994 ».
Dans ce jeu de mobilisations en cours depuis plusieurs semaines, les « pros» semblent, à quelques jours de l’événement, avoir une longueur d’avance même si certains au sein de ce camp ne cachent pas leurs difficultés à mobiliser.
L’objectif annoncé en fanfare était de réunir 4000 personnes, mais jusqu’à présent, selon l’état des inscriptions à 3 jours de l’événement, les chiffres sont plus modestes et les estimations les plus optimistes annoncent les 2000 participants.

Affiche de la rencontre entre Paul Kagame et la

Affiche de la rencontre entre Paul Kagame et la


Et pourtant tous les moyens pour attirer le plus grand nombre ont été mis en œuvre. Depuis une quinzaine de jours en effet, une petite armée de sénateurs et de ministres venus du Rwanda sillonne les moindres recoins de Belgique et France afin de convaincre le plus grand nombre à venir à l’événement. De Rouen à Paris, en passant par Liège, Leuven, Gand, Namur, Mons ou encore Bruxelles, ces personnalités rwandaises, parfois accompagnées par le nouvel Ambassadeur du Rwanda en Belgique, ont à chaque fois rencontré des groupes de 20 à 50 personnes attentives à leur message à l’exception de Bruxelles, ou ils étaient près d’une centaine et celle notoire de Rouen, ou Inyumba, la Ministre « phare » qui conduisait la délégation, a eu la désagréable surprise d’être accueillie par des manifestants venus la huer en brandissant des pancartes dénonçant les crimes du régime qu’elle représente.
Au total ils seront près de 200 à venir du Rwanda « soutenir leur président » et « écouter son message » en toute vraisemblance à Aubervilliers, près du stade de France. La plupart à leurs frais, à l’exception des quelques dizaines de ministres, fonctionnaires et sénateurs payés par l’Etat rwandais car venus « en mission officielle » pour « sensibiliser la communauté rwandaise » et « essayer de battre le chiffre de Chicago ».
A côté de cette mobilisation « réelle », la mobilisation virtuelle n’est pas en reste. Page et événement facebook, compte Twitter, page internet, clips vidéos, aucun moyen de communication n’a été laissé de côté.

Et pour les jeunes réputés ne pas être en odeur de sainteté avec le régime, la communication change pour les attirer comme pour ce jeune ayant reçu « un coup de fil d’un pote » lui demandant s’il sera présent « au concert du 11 septembre à Paris ». Le côté festif n’a en effet pas été négligé afin de «montrer à l’opposition rwandaise et à la communauté internationale », « le soutien dont jouit Kagame au sein de la diaspora » et les grands moyens ont été mis en oeuvre en vue de l’organisation de concerts ou de danses et pour lesquelles certaines danseuses se sont vues offrir un alléchant chèque de 250 euros afin de « danser pour le Président ».
En parallèle à cette mobilisation, comme dans un monde parallèle, les rwandais aversifs au régime se mobilisent, au total, ils sont plusieurs dizaines de milliers en Belgique et en France ayant fui les crimes du FPR ou l’oppression de plus en plus féroce présente depuis la prise du pouvoir au Rwanda de ce parti unique.
Les associations les plus actives de la société civile en partenariat avec les principaux partis d’opposition en exil se réunissent depuis plusieurs semaines avec comme mot d’ordre, « l’unité » vers un seul et même objectif : la manifestation du 12 septembre 2011, pour laquelle des départs en cars sont organisés au départ de Bruxelles.
Ces manifestants seront attendus à 13h tapante à Paris au métro « Sèvres-Babylone » par ceux de France et d’autres coins d’Europe.
Malgré un terrain « plus favorable » pour la mobilisation des manifestants car les Rwandais en exil opposés au régime sont plus nombreux, ces organisations peinent également à atteindre des chiffres élevés dans la participation, la raison principale et habituelle n’ayant pas changé, à savoir la peur.
Peur d’avoir des ennuis lors d’un voyage au Rwanda, peur que des biens au pays soient saisis, peur de causer des problèmes à la famille au Rwanda, peur que le régime ne monte un dossier judiciaire, peur d’être d’être mis au pilori par un des médias du régime et bien d’autres craintes.
Cette peur est régulièrement alimentée par le régime, qui envoie souvent des hommes aux manifestations venir photographier de manière ostentatoire et peu orthodoxe les manifestants et ainsi alimenter le mythe selon lequel chaque manifestant est « cartographié ».
Un homme situé dans la parcelle de l'Ambassade du Rwanda à Bruxelles et intimidant des manifestants en les photographiant au mois de mai 2011

Un homme situé dans la parcelle de l'Ambassade du Rwanda à Bruxelles et intimidant des manifestants en les photographiant au mois de mai 2011


Comme un arbitre externe, la communauté congolaise se mobilise également avec en ligne de mire, la date du 12 septembre 2011 ou elle entreprend de tenir une grande manifestation.
Jusqu’à présent, la communauté congolaise de France s’est montrée la plus dynamique dans la mobilisation. Des événements facebook aux descentes dans les rues, dans les magasins, dans les métros de Paris afin de sensibiliser, en passant par de nombreuses vidéos sur internet, dont la dernière en date du 8 septembre 2011 a été visionnée près de 7000 fois en quelques heures rien que sur le site de partage Dailymotion, les congolais de France sont loin d’avoir chômés.
Dans leurs nombreux événements et vidéos, la communauté congolaise et en particulier « les combattants » déclarent inacceptable l’accueil « d’un génocidaire » en France et promettent l’enfer au Général Kagame.
NON A LA VENUE DU K-GAME EN FRANCE par banacongoRDC
Enfin, comme dans une autre dimension, l’Association France-Turquoise et plus généralement l’ASAF (Association de défense de l’armée française) a fait plusieurs apparitions médiatisées contre cette visite « qui brade l’honneur de la France et de son armée » et réclame que Paul Kagame fasse des excuses publiques avant son arrivée en France « pour les accusations mensongères qu’il a portées contre notre armée ».
La visite en France du numéro un rwandais, n’a pas encore commencé qu’elle est déjà un échec sur plusieurs plans.Elle l’est tout d’abord au niveau de l’image du régime qu’elle véhicule. Alors que le régime, n’a cessé de se présenter en champion de la réconciliation et de l’unité des rwandais, les tensions qui surgissent en marge de cette visite montrent que plus de 20 ans après le début du conflit, la communauté rwandaise est toujours profondément divisée et pire, le fossé, même entre jeunes ne cesse de se creuser entre les supporters du régime et ses opposants et ce, sur fond de tensions ethniques pour lesquelles, le gouvernement, s’est jusqu’à présent avéré incapable d’apporter le moindre début d’antidote.
De plus, la forte mobilisation des congolais et les messages de colère voire de rages exprimés montrent également un malaise avec la population congolaise et l’urgence d’entamer un dialogue régional.Il faut en effet trouver une issue pacifique à la crise que traverse la région en organisant le cas échéant un dialogue régional avant que les choses ne s’enveniment d’avantage.
Mais le régime est il en mesure d’apporter des réponses aux revendications des manifestants qui réclament essentiellement une justice pour les leurs assassinés, lorsque les principaux accusés pour ces crimes sont des hautes personnalités du régime dont le Président lui-même ?
Le régime est il en mesure de répondre favorablement à l’ aspiration des manifestants à une vraie démocratie au Rwanda, alors même qu’il a pris le pouvoir par les armes et qu’accepter des élections libres et transparentes risque de conduire à sa perte ?
Elle est ensuite un échec sur le plan diplomatique et judiciaire en raison principalement du refus de visas sur le territoire français à quelques uns des proches collaborateurs du Président et les conséquences qui en découlent si la visite est maintenue.
En effet, jusqu’à présent, ce régime s’est toujours donné l’image d’un leadership africain fier et capable de garder la tête haute face aux « humiliations » des occidentaux.
C’est ainsi qu’à son époque, un voyage de la Ministre des affaires étrangères, Louise Mushikiwabo en Belgique avait été annulé à la dernière minute après que la Belgique aie, comme la France aujourd’hui, annoncé être dans l’obligation d’arrêter un membre de la délégation qui était sous mandat d’arrêt international.
La réponse du Rwanda ne s’était pas fait attendre et toute la visite avait été annulée afin de protester contre cette mesure et le régime estimait qu’il n’appartenait « pas à un gouvernement étranger de déterminer la composition de la délégation rwandaise ». L’enjeu, jusqu’à présent flou de ce voyage, semble avoir forcé le leader rwandais à mettre de côté cette image d’un régime fier et qui ne se laisse pas dicter sa conduite.
Le Président qui a basé l’essentiel de ses derniers discours sur le thème « agaciro » (se donner de la valeur, du respect), aura-t-il encore de la crédibilité sur ce point auprès des autres Chefs d’Etat Africains et de ses partisans en acceptant un voyage la tête baissée ?
Par ailleurs, les contradictions au regard des positions antérieures exprimées lors de son discours faisant suite à ce refus de visas, risquent d’avoir d’autres conséquences.
Lors de ce discours, le Général Kagame a en effet dénoncé le principe de compétence universelle en matière judiciaire et a estimé qu’il ‘n’appartenait pas à un juge « assis dans un village en Espagne de juger des rwandais » alors même que le Rwanda est un des pays qui réclame que les Etats étrangers, le plus souvent la Belgique et la France jugent, les personnes accusées d’avoir trempé dans le génocide de 1994. Est il tenable d’une part de rejeter la compétence universelle lorsque sont en cause des militaires du FPR et d’autre part la saluer et coopérer avec les juridictions étrangères lorsque sont en cause des responsables politiques des gouvernements précédents ?
Elle est enfin un échec en raison des incohérences manifestes face aux lourdes accusations que le régime du FPR n’a cessé de proférer à l’encontre de la France, depuis que le Juge Bruguière, a lancé des mandats d’arrêts contre des proches de Paul Kagame, les accusant d’avoir abattu l’avion de Habyarimana , élément déclencheur du drame rwandais.

Si le régime est convaincu de la véracité de ces accusations, comment est-il possible qu’un tel voyage soit envisagé sans au préalable réclamer une reconnaissance et une forme de justice pour les victimes des militaires français ?
Ruhumuza Mbonyumutwa
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