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Norvège : Un rwandais en passe d’être extradé vers le Rwanda

Norvège : Un rwandais en passe d’être extradé vers le Rwanda

Charles Bandora, un homme d’affaires rwandais, est sur le point d’être extradé vers le Rwanda sur une décision de la Cour suprême norvégienne.

Charles-Bandora

Charles-Bandora


Afin d’exprimer leur « indignation »contre cette décision, les amis, les proches de Bandora et des militants des droits de l’Homme organisent une manifestation devant l’ambassade de Norvège à Bruxelles ce samedi 4 février 2012 durant laquelle ils demanderont essentiellement à la Norvège de revoir sa décision ou d’envoyer Charles Bandora « dans un autre pays dans lequel il pourra bénéficier d’une procédure équitable ».
Cette décision fait suite à un mandat d’arrêt lancé par le gouvernement rwandais l’accusant de participation au génocide de 1994 contre les Tutsi dans la région de Bugesera, au Sud-Est du Rwanda.
Joint par Jambonews, Alain Mukuralinda, le porte-parole du parquet rwandais a estimé que cette décision, « qui s’inscrit dans le prolongement des décisions du TPIR, de la Suède et de la Cour Européenne des Droits de l’Homme », était une bonne chose car cela montre que « des pays à gauche à droite se rendent compte que le Rwanda peut tenir des procès équitables ». Il considère que  ceux qui ont commis des crimes doivent de préférence « être jugés à l’endroit où les crimes ont été commis » et subsidiairement, si cela n’était pas possible, dans le pays étranger où la personne est arrêtée car « l’essentiel est que justice soit rendue, et qu’une juridiction condamne  ou acquitte la personne accusée ».
Selon le parquet rwandais, Charles Bandora aurait « incité des groupes d’interahamwe à prendre part au génocide » et  aurait également « participé à sa planification».
Du côté de la famille de Charles Bandora le son de cloche est tout autre,  cette dernière a en effet déclaré à Jambonews que « les accusations portées contre Charles Bandora par un tribunal Gacaca du secteur de Ruhuha ont été montées de toute pièce.» Pour la famille, « On l’accuse d’avoir été impliqué dans le génocide de 1994 en lui attribuant l’influence et les responsabilités dont il ne disposait pas durant ces massacres. En plus, on lui reproche d’avoir pillé les biens de certaines victimes du génocide. Les proches de ces victimes sont derrière deux simulacres de  procès. Il fut innocenté en premier lieu avant d’être condamné en appel (in absentia) par le même tribunal Gacaca. Ces victimes ont donc exigé d’être dédommagés d’où la saisie et la vente de nos biens sis à Ngenda et à Kicukiro. Après ce procès, Kigali s’est trouvé les moyens de le coincer définitivement via Interpol. Ainsi, il fut arrêté en Norvège en juin 2010 où il est incarcéré depuis lors. »
Le système judiciaire Gacaca a été lancé en 2001 « pour répondre à la surcharge d’affaires dans le système judiciaire classique et à une crise carcérale », selon le gouvernement rwandais. Il s’inspire de la traditionnelle  justice populaire rwandaise où les sages choisis dans et par la communauté réglaient les contentieux qui surgissaient dans celle-ci.
Toutefois, malgré certains aspects positifs salués tels que la rapidité des procédures, des organisations de défense des Droits de l’Homme émettent de sérieuses réserves quant à ces juridictions. C’est ainsi que dans un rapport du 31 mai 2011 consacré aux juridictions Gacaca, l’organisation de défense des droits de l’Homme Human Rights Watch a estimé qu’ il existait plusieurs entraves dans le système Gacaca, tels que « des violations fondamentales du droit à un procès équitable et des limitations de la capacité des accusés à se défendre efficacement ; des prises de décision pouvant être biaisées (souvent causées par les liens des juges avec les parties dans une affaire ou par des vues préconçues de ce qui s’est passé pendant le génocide) conduisant à des allégations d’erreurs judiciaires ; des affaires fondées sur ce qui s’est avéré être de  fausses accusations, liées, dans certains cas, au désir du gouvernement de faire taire les critiques (journalistes, militants des droits humains et agents de l’État) ou à des différends entre voisins et même entre membres de famille ; l’intimidation par les juges ou les autorités de témoins à décharge ; les tentatives de corruption visant certains juges pour obtenir le verdict désiré ; ainsi que d’autres graves irrégularités de procédure. »
Ce sont tous ces dysfonctionnements qui inquiètent la famille et les proches de Bandora.
Pour eux,  «la justice rwandaise est très connue pour sa partialité et son incapacité de conduire des procès équitables. Par conséquent, aucun pays européen n’a à ce jour extradé un suspect du génocide vers le Rwanda. Plusieurs cas ont été jugés en Belgique, Royaume-Uni, France, Pays-Bas, Danemark, Finlande et d’autres sont en cours de jugement (en Allemagne par exemple). La Norvège serait donc  le premier pays européen à fermer les yeux sur l’injustice qui règne au Rwanda. » «  C’est pour cela que nous voulons manifester pour protester contre cette injustice. » ont-ils déclaré.
Né en 1956 dans l’ancienne préfecture de Gikongoro, Charles Bandora est un des riches hommes d’affaires de la région de Bugesera. Entre 1991 et 1992, il s’est engagé en politique en tant que président du M.R.N.D. dans la localité de Ngenda.  . Après cette période, il céda cette présidence pour se consacrer à ses activités commerciales qu’il exerçait notamment à Ruhuha (centre commercial de Ngenda) et  à Kicukiro (Kigali-ville).

Jean François Singiza

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