Après deux millénaires à scruter la moralité des relations entre partenaires de même sexe, il y a encore un énorme groupe de personnes qui préfèreraient voir une personne gay, lesbienne ou transsexuelle morte plutôt qu’exprimer librement sa préférence et identité sexuelle. Pour combien de temps encore, je me demande, l’Afrique va-t-elle continuer à torturer, emprisonner et rendre la vie des gens misérable sous prétexte de préservation d’une «culture» déjà diluée. Les femmes sont soumises à des viols « correctifs » et sont à risque élevé de contracter le VIH – imaginez être enfermée dans une salle sombre et froide où jusqu’à cinq hommes différents seront payés pour venir vous violer tous les jours jusqu’à ce que vous changiez vos habitudes lesbiennes. Les jeunes hommes réputés gay se voient refuser des postes et sont obligés de se prostituer pour gagner un peu d’argent. N’y-a-t-il que moi qui y vois un parallélisme avec l’époque de l’esclavage?
Le Christianisme nourri de force à notre continent à la force du fouet – et maintenant ceux qui ont été condamnés condamnent. Pendant combien de temps encore allons-nous fermer les yeux sur ce qui est clairement sous nos yeux et prétendre que les Européens ont apporté l’homosexualité à l’Afrique? Les archives historiques de l’Afrique précoloniale montrent qu’il y existait déjà divers partenariats sexuels avant que l’homme blanc ne mette pied sur la Terre Mère: des maris féminins, des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes – laissés en paix uniquement parce que les dirigeants spirituels croyaient que s’ils étaient dérangés, ils pourraient revenir en tant qu’esprits vengeurs et causer plus de dommages à la procréation de la communauté. Tout ceci n’était pas perçu comme une menace aussi longtemps que ces personnes étaient également engagées dans des relations hétérosexuelles- ce qui ressemble fort à ce que nous appellerions bisexuelles dans les temps modernes.
Ces derniers mois, le débat sans fin sur l’homosexualité a été à la une des journaux en Europe et en Afrique. Le Royaume-Uni a adopté une loi en Décembre 2011, mettant un terme aux spéculations qui avaient longtemps été au centre d’un grand débat au Zimbabwe après que Morgan Tsvangirai ait soudainement changé son point de vue sur l’homosexualité ; il n’y a pas très longtemps, il avait soutenu l’avis de Robert Mugabe disant que les homosexuels étaient pires que des porcs et des chiens. Cette loi conclut qu’être d’une orientation sexuelle différente au Zimbabwe, n’est pas une situation potentiellement mortelle, par conséquent, ceux qui viennent au Royaume-Uni demander l’asile sur base de la persécution en raison de leur orientation sexuelle seront bien surpris! En effet, le Royaume-Uni dit qu’ils acceptent qu’une personne gay est en danger, mais que face au risque, la personne se doit d’être discrète – « la discrétion volontaire ». Il est plutôt choquant cependant, que le même gouvernement qui a menacé de couper les aides à des pays africains s’ils n’introduisaient pas les droits des homosexuels, demander aux victimes de ne pas exprimer leur identité sexuelle si elles sont en danger. Un peu plus d’un mois plus tard, le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon, fut invité au sommet de l’Union Africaine à Addis-Abeba, et l’un des messages clés de son discours était que la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle « avait été ignorée, et même sanctionnée par de nombreux Etats pour depuis bien trop longtemps» et qu’il devait y avoir un changement afin de respecter les Droits Universels de l’Homme. Jusqu’à présent, seule l’Afrique du Sud a adopté une loi qui donne des libertés équivalentes aux homosexuels, et pour être franc, je crois que tous les humains sont nés égaux, par conséquent, j’encourage le reste de l’Afrique à suivre cet exemple. Nous avons des problèmes plus urgents à résoudre plutôt que de savoir si John et Matthew devraient être autorisés à se tenir par la main en public.
Ouganda:
Selon les Principes de Yogyakarta sur l’application du droit international des droits de l’homme en matière d’orientation sexuelle et identité de genre (2007) l’orientation sexuelle n’est pas uniquement l’acte sexuel, mais plutôt la conduite. En outre, l’identité de genre d’une personne n’est pas strictement liée au sexe assigné à la naissance ou si l’on a subi une chirurgie de transformation ou non. Ces définitions m’ont fait penser à la vidéo d’un pasteur ougandais homophobe bien connu, qui a fait sensation sur YouTube il ya deux ans; son titre seul suffit à expliquer la psychologie des homophobes. La vidéo «‘Eat Da Poo Poo!’ » ! montre le pasteur Martin Ssempa, qui est le président de la Task Force Nationale de la Lutte Contre l’Homosexualité en Ouganda, face à diverses congrégations et publics et leur montrant les détails graphiques des hommes ayant des rapports sexuels. Il termine la vidéo en demandant à la congrégation, «En tant qu’Africains nous voulons demander à Barack Obama de nous expliquer : est-ce ça qu’il veut apporter à l’Afrique comme un droit humain, de manger le « poo poo » de nos enfants ?» Tout dans cette vidéo est axé à faire rire le spectateur, jusqu’à ce que vous commenciez à vous demander comment ceux qui sont condamnés se sentent. Cela m’a conduit à me poser la question – à quoi est-ce que les gens sont-ils opposés au juste: l’identité gay ou l’acte sexuel?
En Octobre 2011, j’ai assisté à une conférence du Student Action for Refugees (STAR), une journée d’action à la London School of Economics intitulée «Protection des droits de l’homme: la sexualité, l’identité de genre et de l’asile au Royaume-Uni». Une journée entière de groupes de discussion, animés par des experts en droit de l’immigration et des questions touchant la communauté LGBT, des défenseurs des droits de l’homme et des lesbiennes et gays de divers pays en voie de développement. Un homme Ougandais venu au Royaume-Uni en 2001 demander l’asile, a parlé de la torture qui lui avait été infligé à Kampala et par la UK Border Agency, l’Agence britannique des frontières. Une scène qu’il décrivit les larmes aux yeux me toucha profondément ; il avait été attaqué par une foule à Kampala, et tout ce que les policiers avaient pu dire était ‘faites ce que vous pouvez, lorsque vous aurez terminé, nous viendrons faire le nettoyage’. J’étais en colère, car je sais que même s’il avait été chanceux d’y avoir échappé, beaucoup d’autres continuent à faire face une telle discrimination en Afrique. En 2010, un journal ougandais appelé le Rolling Stone a publié une liste de quelques 100 homosexuels vivant en Ouganda et a chargé le public de les pendre. Beaucoup d’hommes gays, y compris David Kato, un célèbre militant des droits LGBT ont été matraqués à mort par des voyous, et la réponse internationale à ces massacres a été pitoyable. Qu’est-ce que nous appelons l’utérus d’une femme qui porte un enfant qui plus tard devient gay? Un navire conçu par le Diable? Combien d’entre nous, s’il y avait un « Gaydar » machine qui détecterait l’orientation sexuelle du fœtus, se ferions avorter si les résultats étaient positifs?
Rwanda:
La situation au Rwanda est un peu difficile à évaluer ; il y a des sentiments mitigés parmi la population qui, comme d’autres pays africains continue de marquer l’homosexualité comme «non-africaine» et «impie». L’archevêque de l’Église épiscopale du Rwanda (EER), Mgr Emmanuel Kolini a affirmé que l’Afrique se battait contre un «génocide moral». Selon lui, en choisissant d’être avec un partenaire du même sexe, vous tuez délibérément une potentielle génération. Il y a un gramme de vérité dans cela, mais il y a tellement de gens qui choisissent de ne pas avoir d’enfants, et certains qui ne peuvent pas en avoir pour diverses raisons médicales. De nombreux pays africains ont du mal à garder les orphelinats à flot en raison du manque de financement. Il y a tellement d’enfants là-bas qui n’ont pas de parents, et dont personne ne s’occupe. Où vont-ils finir? Ne pouvons-nous donc pas dire que ces gouvernements sont également entrain de commettre un génocide moral, en omettant de fournir un niveau de vie décent à ces enfants afin qu’ils puissent être en bonne santé et vivre au-delà de 5 ans?
Le 10 Novembre 2011, Daddy de Maximo Mwicira Mitali, le premier Rwandais à s’aventurer dans l’industrie de la mode avec succès, a été brutalement attaqué à son domicile. Selon un article publié par le media de la LGBT Française le Yagg, il a été attaché à une chaise, bâillonné, puis torturé pendant une heure. Heureusement, il a réussi à briser la chaise sur laquelle il était assis au moment où ses agresseurs finissaient de lui renverser de l’essence sur le corps et il s’est enfui par la cuisine. Ils l’ont poursuivi avec l’intention de le poignarder, mais il s’est protégé avec ses bras et le couteau a sectionné ses tendons du bras gauche. Il ne doit sa vie qu’à un voisin qui, après avoir entendu le bruit causé par la lutte, est venu à son secours. Beaucoup ont comparé cet incident à ce qui s’est passé en Ouganda, mais la réponse générale des Rwandais a été positive, beaucoup d’entre eux sympathisant avec la victime, et disant qu’être à côté de l’Ouganda ne voulait pas dire qu’ils devaient agir comme eux – comme un Rwandais a dit, «le fait que Daddy soit homosexuel, ne devrait être que son problème à lui. »
J’ai eu la chance d’avoir des informations privilégiées d’un ami qui a des liens avec la communauté LGBT au Rwanda. Il dit que même si le Rwanda ne dispose pas d’une loi qui incrimine les homosexuels, il n’en a pas non plus qui soit en leur faveur. Il croit que ceci est influencé par l’Occident et en particulier par les États-Unis qui a fait du Rwanda l’un de ses plus grands chouchous d’un point de vue de l’aide financière accordée. En 2008 il y avait des travaux effectués par la Commission Nationale de Lutte contre le SIDA (National AIDS Control Commission) en partenariat avec le Fonds mondial (Global Funds) et Major Evaluation. Cette recherche a voulu prouver qu’il y a des homosexuels vivant actuellement au Rwanda et que si ce fait continue à être ignoré, tôt ou tard, il y aurait des conséquences graves. En 2010, les mêmes organisations ont fait une étude quantitative qui a tenté de savoir combien d’homosexuels il y avait, comment ils vivaient et comment ils pourraient obtenir de l’aide en particulier en ce qui concerne la santé. Ce n’est qu’avec l’agenda sanitaire de combattre le VIH / SIDA qu’ils étaient non seulement en mesure de les localiser, mais aussi les réunir, leur fournir des soins médicaux, les aider à démarrer certains projets et à construire un avenir. Cela a été principalement organisé par les éducateurs pairs qui sont recrutés par l’État pour pénétrer dans les communautés gays, afin de sensibiliser et d’éduquer ainsi que de représenter leurs pairs lorsque cela est nécessaire. C’est toujours dans le contexte de la lutte contre le VIH / SIDA que les homosexuels ont réussi à s’assurer une place dans le groupe des minorités sexuelles; ils sont avec les prostituées et les chauffeurs de camion, considérés comme groupe à haut risque pour le VIH.
Aujourd’hui, la communauté LGBT a ses propres organisations où ils peuvent passer par un processus de réadaptation, apprendre à s’accepter eux-mêmes, trouver des solutions à leurs problèmes, et créer des projets qui leur permettent d’être indépendant et gagner leurs vies. Il y a une liste d’organisations qui soutiennent le mouvement gay au Rwanda et ceux-ci sont énumérées ci-dessous. En outre, six groupes LGBT rwandais ont été formés à ce jour. Pour plus d’informations vous pouvez visiter les sites Web d’organisations ou les « Googler » pour en savoir plus en détail sur les recherches qui ont été menées. Pour plus d’informations sur les groupes LGBT au Rwanda, vous pouvez m’envoyer un courriel à l’adresse maziyateke.info@gmail.com.
CNLS – http://www.cnls.gov.rw Suivez les su Twitter @CNLSRwanda
ICAP – http://www.columbia-icap.org/wherewework/rwanda/index.html
ACORD – http://www.acordinternational.org/our-work/where/rwanda/
PSI – http://www.psi.org/rwanda
Global Fund – http://www.theglobalfund.org/en/savinglives/rwanda/hiv2/
Quelles sont vos points de vue sur l’homosexualité? N’hésitez pas à laisser quelques commentaires ci-dessous.
Angélique Gatsinzi
Traduit de l’anglais par Yannick Sangwa
Article original publié le 6 février sur la version anglaise de Jambonews.
Jambonews.net