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RDC : Solange Lusiku ; Une femme, des combats

RDC : Solange Lusiku ; Une femme, des combats

Solange Lusiku. source :cheikfitanews.net

Solange Lusiku. source :cheikfitanews.net


« Tous connectés…un levier pour la démocratie?» fût le thème choisi par l’Université  catholique de Louvain (Belgique) pour  la cérémonie qui eut lieu le 2 février 2012 en l’honneur de l’attribution du titre de docteur honoris causa 2012.
Trois personnalités ont été honorées de ce titre : Solange Lusiku Nsimire, Salil Shetty pour Amnesty International et Daniel Cornu.
Ce jeudi  8 mars, en marge de la journée de la femme, Jambonews a interrogé Solange Lusiku,  femme de cœur habitant le Kivu et véritable symbole de toutes ces femmes qui dans leur quotidien luttent en faveur de la démocratie et pour un meilleur être de la population.
Solange Lusiku Nsimire est une journaliste, éditrice du journal « Le Souverain » basé à Bukavu. En plus de ses activités de journaliste, elle est active dans la lutte contre les violences faites aux femmes en RDC et plus spécifiquement au Sud Kivu où elle vit et exerce son métier. 
« Le Souverain », dont elle est rédactrice en chef, a été créé en 1992 dans un contexte de libéralisation de la presse au Congo sous la dictature de Mobutu. À l’époque, il s’est créé un grand nombre de presses indépendantes en comptant sur les subventions de l’Etat. Mais « les magazines fermaient presque aussitôt par manque d’aide promise par l’état ».
« Le Souverain » a survécu grâce à un statut d’ASBL luttant contre le VIH, ce qui a permis au journal d’avoir quelques aides sommaires pour pouvoir continuer son activité.
Solange Lusiku a en quelque sorte « hérité » du journal peu avant le décès de son fondateur qui tenait à ce qu’elle le reprenne. Actuellement, la situation est telle que le Souverain est le seul magazine de presse écrite pour  13 radios et 5 télévisions.
Avant de s’engager au  « Souverain », Solange Lusiku avait une forte expérience en journalisme, 7 ans pour la radio communautaire et 5 ans à la radio Maria. Mais c’est surtout son idéologie et son rôle de chargée de programme dans le Caucus des femmes congolaises du sud Kivu, qui a fait de Solange, la personne idéale pour relever le défi du « Souverain » aux yeux de son prédécesseur, « Le journalisme c’était ma vocation et il savait » nous confie-t-elle.
Interrogée sur la manière dont elle vit son métier de journaliste libérale dans une communauté qui ne respecte pas les droits et libertés en général, surtout en tant que femme, elle nous répond « Bukavu est une grande ville qui, aujourd’hui, tend vers un million d’habitants et il est difficile d’avoir la position qui est la mienne. Le leadership des médias est entre les hommes de l’audiovisuel. Je me souviens qu’au début, on me sous-estimait en disant « pensez-vous y arriver là où bien d’hommes avant vous ont échoué ? ». Mais il fallait bien plus pour la décourager.
Pour elle, la liberté totale dans son métier viendra quand ils auront un minimum d’autonomie financière pour n’avoir de comptes à rendre à personne car quand on  « se libère soi-même du monnayage de l’information et du parti pris politique et autre, c’est un grand pas en avant ».
Elle nous informe que la RDC n’est qu’à la première étape de la construction démocratique qui se présente fragile à cause du passé. Le pays a vécu trente années de dictature sous Mobutu, après lui ce fut Kabila le père qui n’a pas duré. Puis la transition avec le schéma 1+4, et maintenant la première législative vient de se terminer et « nous avons à faire à des dirigeants qui n’ont pas été préparé à l’exercice démocratique ». Les citoyens non plus.
Et donc comme le dit Solange, d’un côté comme de l’autre, ils sont tous appelés à adopter certaines attitudes démocratiques qui vont leur permettre de faire évoluer le pays.
Sur le rôle du journalisme,  Solange attire l’attention sur le manque de formation des journalistes dans cette région. Ce qui fait que parfois, « nous, journalistes dépassons les limites dans notre façon d’écrire et d’aborder les choses ». « Il faut faire attention, liberté d’expression ne veut pas dire droit de diffamation, ou injure. », dit  Solange, sourire aux lèvres, avant de plaider pour « plus de formation pour qu’ils puissent faire leur métier de façon critique tout en se protégeant ».
Lorsque nous abordons les problèmes de la région du Sud-Kivu et des injustices qui s’y passent spécialement la violence faite aux femmes, elle nous fait remarquer qu’un travail visible est fait de plus en plus sur le terrain pour promouvoir certaines valeurs, et qu’il y a de quoi être optimiste. « Ce n’est pas par coup de baguette magique qu’on peut voir un changement dans toute une société. Donc, il faut y aller petit à petit tout en étant optimiste » Dit-elle.
Et Solange continue « De plus en plus de femmes s’expriment et débattent de différents sujets politiques, économiques et culturels. Et je sais que ce qui se passe en terme de débat, en terme d’analyse ne passe pas inaperçu ».
Sur le rôle de la communauté internationale au sujet de la situation au Kivu,  elle nous dit éprouver un sentiment d’injustice car «  les personnes qui sont venues dans les années 90 se transforment en bataillons qui tuent ». D’après elle, Il faut exiger leur rapatriement chez eux puisque l’armée Congolaise n’est ni réformée ni assez structurée.
« Nous sommes un peuple sacrifié par la communauté internationale »
Et elle estime qu’aujourd’hui, le nombre de personne tuées lors du génocide au Rwanda est bien moins élevé que les pertes qui continuent en RDC. « Nous sommes un peuple sacrifié par la communauté internationale ».
Après le constat qu’il ne faut compter que sur la conscientisation des habitants pour faire évoluer les choses, et étant donné le grand nombre d’analphabète dans la cible du journal Le Souverain, un arrangement a été trouvé  avec la presse audio-visuelle. À chaque parution du mensuel le Souverain, « nous faisons une revue de presse pour mettre la lumière sur les sujets traités ».
Comme dernier exemple en date, elle nous cite  une polémique lancée afin de susciter le débat sur la dote et ses abus.
Interrogée, sur ses priorités dans le combat de la lutte contre les violences faites aux femmes, sa réponse fut, « la sécurité, la lutte contre l’impunité, la lutte contre les traditions et coutumes discriminatoires qui mettent les femmes en position de sous-homme. » Car dans la région, « les femmes meurent chaque jour de fatigue quand elles ne sont pas tuées ou, finissent dans les mines pour 1$ par jour sans compter la prostitution et les meurtres injustifiés. »
« Nos dirigeants se servent en premier, il faut que ça cesse »
A la fin de notre entrevue, nous lui avons demandé le message à retenir si nous ne devions en retenir qu’un. Elle nous a répondu sans hésitation qu’il faut une reconstruction politique et la bonne gouvernance. Avant de lancer d’un ton ferme« nos dirigeants se servent en premier, et il faut que ça cesse ».
La RDC a du mal à avancer car la constitution n’est pas respectée. « Le gouvernement ne va pas dans le bon sens, il donne de la main droite et reprend tout de la main gauche en ce qui concerne les femmes ».
D’après elle, il faut être réaliste. Dans un avenir proche, ce qu’ils doivent faire, c’est poser les bonnes bases pour un changement meilleur. Et surtout « laisser l’individualisme pour penser à l’avenir du pays ».
Avec le titre de Docteur honoris causa qui lui a été décerné par l’Université catholique de Louvain, elle compte maintenant qu’elle est rentrée au pays, présenter officiellement son diplôme. Elle espère qu’il lui permettra de faire une sorte de sensibilisation qui va « booster » ses confrères à plus s’investir chacun dans son domaine.
Car pour elle, le schéma de la politique semble être verrouillé et elle répète à qui veut l’entendre, les ingrédients pour le changement : « Au sommet il faut de la volonté, et à la base, il faut du courage ».
Josephine Mukamana
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