Le 6 avril 1994 aux alentours de 20h30, l’avion transportant les Présidents rwandais Juvénal Habyarimana, son homologue burundais, Cyprien Ntaryamira ainsi que leur suite, était abattu au-dessus de Kigali.
18 ans après cet attentat terroriste considéré comme l’élément déclencheur du drame qui a suivi dont le génocide, la controverse au sujet des auteurs de cet acte aux conséquences apocalyptiques subsiste.
Longtemps pointé du doigt en raison de mandats d’arrêts émis par les justices française et espagnole, le FPR de Paul Kagame continue à clamer son innocence à la suite de la publication du rapport des experts mandatés par les juges Trevidic et Poux. Ce dernier pourtant, sans disculper cette ancienne rébellion devenue parti unique au pouvoir, ravive le débat au sujet de l’origine du tir des missiles.
Dans un communiqué du 5 avril 2012, à la veille du 18ème anniversaire de ce drame, les familles des victimes ont exprimé leur confiance en la justice française : « Nous connaissons son indépendance et sa rigueur. Un long chemin a déjà été parcouru mais des embûches demeurent » ont-elles écrit tout en affirmant leur détermination à voir justice rendue : « Nous ne baisserons pas les bras tant que cette vérité ne sera pas connue. Nous le devons à tous ceux qui ont péri dans cette tragédie ainsi qu’à la postérité. Nous avons le droit de savoir, le peuple rwandais a droit à la vérité. »
Joint par JamboNews, Alice Nsabimana, la fille du Général-Major Déogratias Nsabimana, ancien chef d’Etat-Major des Forces Armées Rwandaises ayant perdu la vie dans l’attentat exprime son souhait de voir les victimes de l’attentat reconnues en tant que telles car « au-delà des fonctions qu’elles occupaient, c’est aussi un drame familial. On occulte l’attentat du 6 avril alors que nos parents étaient les premières victimes de la tragédie mais jamais reconnues en tant que telles. »
Elle explique que 18 ans après, la douleur est toujours aussi vive car elle n’a jamais pu enterrer son père : « les corps de nos parents n’ont pas eu droit à une sépulture. Pour honorer leur mémoire et pouvoir enfin faire notre deuil, il est primordial de déterminer avec certitude les auteurs de cet acte lâche et ignoble».
Elle s’est dite «consternée», par toute la propagande et l’intoxication autour de la publication de ce rapport : « ça en est trop et c’est la raison pour laquelle aujourd’hui on sort de notre mutisme pour crier haut et fort qu’on aimerait que la lumière soit faite sur la tragédie du 6 avril »
Au-delà des familles ajoute-t-elle, la vérité sur cet attentat concerne l’ensemble du peuple rwandais ; « Il est plus que temps que la controverse cesse, qu’on puisse définitivement se tourner vers le futur et que les esprits s’apaisent. Cela sera impossible tant que les coupables ne seront pas identifiés et les circonstances de l’attentat élucidées.».
Aimé Niyigena, le fils du Colonel Elie Sagatwa, à l’époque Secrétaire particulier du Président Habyarimana également décédé dans l’avion embraye dans le même sens et nous confie éprouver « un profond sentiment d’injustice » car « la politique s’est tellement mêlée au drame familial, qu’on est tributaire de la bonne volonté des autorités politiques, plutôt que de la justice pour démêler cette affaire. »
« Ce qui nous frustre », ajoute-il c’est « qu’on ne sent pas qu’il y’a un véritable effort investi pour dénouer ce drame comparativement à toutes les affaires d’assassinats politiques, comme l’assassinat de Benazir Bhutto ou de Rafiq Hariri alors que les conséquences meurtrières de cet attentat sont innommables».
Et il dit espérer qu’il y’aura une plus grande mobilisation de la Communauté Internationale, et surtout de la Communauté Rwandaise pour éclaircir cet événement qui concerne tous les Rwandais et affirme que les familles sont prêtes « à travailler avec toutes les âmes de bonne volonté désireuses d’éclaircir ce drame.»
Il estime que « tant qu’on n’aura pas mis en lumière les causes de l’horreur, on ne pourra pas fermer la porte sur tous ces événements pour pouvoir avancer et réconcilier l’ensemble du peuple rwandais».
Et il ajoute « tout ce qu’on veut, c’est la vérité quelle qu’elle soit » avant de conclure « le but n’est pas d’oublier, mais de comprendre pour que ça ne se reproduise plus, mais pour comprendre il faut qu’on sache ce qui s’est réellement passé. »
Ruhumuza Mbonyumutwa
Jambonews.net