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RDC : Quand la musique s’invite en politique

RDC : Quand la musique s’invite en politique

Il y a maintenant plus d’une année depuis que les musiciens congolais vivant au pays  ne se sont plus produits dans la zone Schengen. En cause, un embargo été  décrété par le mouvement des combattants contre tous les musiciens rd-congolais. Accusés d’avoir apporté leur soutien au président congolais Joseph Kabila,  les grands noms de la musique congolaise tels que : Papa Wemba, Koffi Olomide, Ngiama Werrason, JB Mpiana, Fally Ipupa et Ferre Gola sont devenus des personnes non grata dans le milieu des Congolais en Europe. En effet, cette décision semble avoir été respectée dans  la communauté. Sans toutefois entrer dans ce conflit congolo-congolais force est de rappeler que c’est depuis belle lurette que l’histoire politique congolaise marche de pair avec la musique. Un brin d’histoire.  
Une vieille tradition de Joseph Kabasele à Koffi Olomide

Grand Kalle et son orchestre

Grand Kalle et son orchestre


La musique congolaise a toujours été riche. Depuis les années 50, la musique congolaise a fait danser toute l’Afrique. Le Congo se présente donc comme la patrie de la rumba. En d’autres termes, on pourra dire que c’est la rumba qui constitue la bande de son du Congo. Connue sous le nom de « Soukous » en Occident, la rumba désigne un  mélange d’autres styles latino et afro-cubains tels le son, le merengue, le pachanga, le Cha-Cha-Cha, le Boléro, la Biguine. Au Congo, la musique est une religion comme le football au Brésil. Il ne se passe un jour sans qu’un jeune talent n’excelle dans l’art d’Orphée.  Comme un peu partout en Afrique la musique  représente un des aspects essentiels de la vie politique, culturelle et sociale du Congo.
A cet effet, presque tous les grands noms de la musique congolaise ont pu s’associer à  la politique. Le premier fut Joseph Kabasele connu sous le pseudonyme de « Grand Kallé ». En 1953, il fonde l’orchestre « African Jazz » avec lequel il révolutionne la musique congolaise. Dans ce même groupe, on verra des personnages comme Dr. Nico Kassanda et autres Tabu Ley Rochereau.  Faisant partie de la délégation congolaise  à la table ronde de Bruxelles en 1960, le très populaire Joseph Kabasele, proche de Lumumba, compose deux morceaux  qui resteront dans les annales de la culture congolaise. Ces belles œuvres sont « Indépendance cha cha cha » et « Table ronde ».  Le premier morceau a d’ailleurs été chanté dans plusieurs nations francophones d’Afrique qui accédaient  à leur souveraineté nationale et internationale en la même génération.  Le succès de ce chef-d’œuvre est éternel.
Par ailleurs, le contexte politique congolais  a changé la donne. Après l’accession de la RDC à l’indépendance le 30 juin 1960, une crise politique s’est installée. Le premier ministre Lumumba est arrêté et assassiné le 17 janvier 1961. Ensuite, Mobutu prend le pouvoir à la suite d’un coup d’Etat en 1965. L’homme du Zaïre est un bon maître de jeu. Il sait construire son image tout en faisant appel à un véritable culte de personnalité. D’où il s’avérait nécessaire de recourir aux artistes musiciens afin de mieux répandre l’idéologie mobutienne. Parmi les hommes du  Roi Léopard. On peut citer Franco Luambo Makiadi. Un leader charismatique et un génie de la guitare. Ce dernier profitant de sa vieille amitié avec le nouvel homme fort du Congo,  se permet donc de tout jusqu’à composer une chanson intitulée « Tailleur » contre le citoyen Kengo Wa Dondo,  ancien premier ministre du Zaïre (actuellement président du Sénat congolais).
Luambo, fin provocateur mais aussi propagandiste. Le souvenir retiendra de ce musicien un tube composé en l’hommage de Mobutu lors des élections de 1984. Intitulée «  Candidat na biso Mobutu » (Notre candidat Mobutu), cette chanson de Luambo invite tous les Zaïrois à voter massivement Mobutu lors du scrutin 84 qui n’avait qu’un seul candidat.  En outre, dans cette chanson, Luambo exhorte de manière négative, les journalistes à écrire des faussetés pour la gloire de Mobutu.
Après la fin de règne du Maréchal Mobutu en 1997, Mzée Laurent Désiré  Kabila savoure aussi à son tour le goût du miel. Il est désormais accompagné des musiciens lors de ses meetings à Kinshasa et à l’intérieur du pays y compris en Afrique. Il fait connaissance de la célèbre Reine de Muntwashi la chanteuse Tshala Mwana. En 1998, une œuvre musicale chantée  par les grands noms de la musique congolaise est dédiée en l’honneur de Kabila. « Tokufa Pona Congo », tel est le titre de la chanson dans lequel on retrouvera même Bokesthu Ier  l’actuel leader du mouvement des combattants contre le pouvoir de Kinshasa installé depuis quelques années en Belgique.
Arrivé au pouvoir en 2001 à la suite de l’assassinat de son père, Joseph Kabila n’avait que 29 ans. Un véritable garçon fashion. Il avait l’âge requis pour se divertir avec les musiciens. D’ailleurs il n’en manquera pas l’occasion. « Lettre J », « Raïs Che Guevara » et autres seront les surnoms de Joseph Kabila lors des dédicaces dans les chansons.  « Lors de dernières élections, c’est le chanteur Koffi Olomide qui s’est distingué en composant une belle chanson pour Kabila. Ceci n’a pas plu aux combattants et l’ont traité de « collabos »,  nous a confié Patrick, un jeune congolais branché lors d’une visite à Matongé  à Bruxelles.  Toutefois  même jusqu’à ce jour « Joseph Kabila suscite toujours l’intérêt des artistes musiciens », renchérit-il.
« Privés de leurs droits d’auteurs, les artistes musiciens congolais vivent de ce qu’on appelle le « Matolo » (la mendicité). C’est la raison pour laquelle le phénomène « Mabanga » (dédicaces dans les chansons) est bien entretenu histoire de se faire de l’argent et de bien  assurer l’avenir par peur de se retrouver pauvre à la fin d’une longue carrière dans un pays où les institutions de la protection des droits des artistes et d’auteurs n’existent presque pas », affirme un avocat congolais qui a requis l’anonymat.
Faudrait-il s’en prendre à tel ou tel autre musicien pour avoir chanté en faveur de Kabila alors que l’histoire nous enseigne que presque tous les grands noms de la musique congolaise avaient toujours une couleur politique et ont chanté pour les dirigeants qui étaient en place à leurs époques ?
 
Mathy Mati   
Jambonews.net
 
 

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