Il y’a quelques mois le nom de ce haut fonctionnaire onusien était inconnu du grand public suivant l’actualité de la Région des Grands Lacs ; si ce n’est qu’il est expert auprès du conseil de sécurité de l’ONU et coordinateur du groupe d’experts sur la RD Congo. Après avoir présidé les travaux du groupe d’experts ayant remis un rapport à l’ONU il y’a quelques semaines sur la situation trouble au Nord Kivu et accusant Kigali de soutenir le M23 et d’être artisan de ces troubles, Hege est devenu la cible médiatique du régime de Kigali et de ses médias satellites qui l’accusent d’être « révisionniste », « raciste », « pro génocidaires » et « hostile à Kigali en soutenant les FDLR ».
Le quotidien en ligne rwandais IGIHE , Albert Rudatsimburwa, rédacteur en chef de Contact FM Kigali et Jean Pierre DUSINGIZEMUNGU, président de l’association IBUKA sont les plus virulents à l’égard de Hege et se basent pour ce faire sur un article intitulé « Understanding the FDLR in the DR Congo ; key facts on the disarmament and repatriation of Rwandan rebels » faisant parti d’un rapport que l’expert avait adressé à la Peace Appeal Foundation, une ONG américaine qui soutient et encourage toutes les initiatives de prévention des conflits et de maintien de la paix. En étudiant l’article qui déclenche la fureur des hauts dignitaires de Kigali, on découvre que les choses sont bien plus complexes qu’IGIHE, contact FM et IBUKA veulent bien faire croire. Les accusations graves de ces médias tombent bizarrement au moment même où le régime de Kigali fait l’objet de plusieurs défections des puissances occidentales dont les Etats Unis en première ligne.
Qu’en est-il réellement de cet article ?
Pour la première fois, un expert onusien apporte des éléments de réflexion politique sur la rébellion FDLR( Front Démocratique de Libération du Rwanda) que le régime de Kigali a toujours voulu relié au génocide rwandais de 1994 afin de bloquer toute éventuelle négociation et de se prévaloir du droit d’annexer le Nord Kivu au nom de la lutte contre ce mouvement qualifié de terroriste. On comprend bien l’acharnement médiatique du régime FPR qui a pour but de décrédibiliser Steve Hege. Loin d’être un plaidoyer en faveur de la rébellion FDLR, l’expert Onusien dresse un état des lieux sur le difficile maintien de la paix et de la stabilité dans cette région, traite la question FDLR à travers les enjeux politiques régionaux en faisant fi de la diabolisation que le régime de Kigali fait preuve depuis 16 ans. Les FDLR qui ont toujours été dépeint par Kigali comme la cause de l’instabilité dans cette région « ne sont qu’une des nombreuses conséquences de cette instabilité » selon Hege jetant par là même un pavé dans la mare. Comprenons nous bien, il ne s’agit pas de dire que le FDLR est la victime comme Ibuka tente de le faire croire afin de qualifier aisément l’analyse de l’article d’Hege de révisionniste mais plutôt d’analyser la face cachée de l’iceberg.
Dans le même article, Steve Hege ajoute qu’ « Eradiquer la branche armée de l’opposition FDLR n’apportera pas la liberté politique à Kigali tant que l’économie et l’espace politique seront dominés par la même élite tutsie ougandaise issue du FPR ». L’expert Onusien estime également que « les FDLR doivent être analysés au regard de l’histoire régionale caractérisée par la formation de rebellions armées de réfugiés ».
Le régime FPR en est lui-même issu. « Les FDLR ne peuvent pas être systématiquement reliées au génocide rwandais de 1994 mais être plutôt situées dans la période 1996-1999 caractérisée par les massacres massifs de réfugiés Hutus dans l’Est du Zaïre ». Steve Hege pointe du doigt le double langage et la mauvaise volonté du régime de Kigali et du gouvernement congolais qui ne favorisent pas et entravent le désarmement et le retour en paix des réfugiés et combattants.
Malgré les promesses de rapatriement de la déclaration de Rome de 2005 et du programme « go and see », les officiels du FDLR pointent du doigt les intimidations, l’absence d’une commission internationale censée assurer leur sécurité dans l’hypothèse d’un retour.
En 2001, le HCR (Haut Commissariat pour les Réfugiés) était menacé d’expulsion au Rwanda en voulant enquêter et contrôler sérieusement la réintégration effective des réfugiés et des anciens combattants. A l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières, le régime rwandais se borne à propager l’idée reçu selon laquelle les FDLR est un mouvement terroriste, constitués de génocidaires qui se financent en pillant des mines du Nord Kivu dans le seul objectif de générer une instabilité perpétuelle dans la région.
Mais en réalité, les choses sont plus complexes étant donné qu’actuellement aucune étude indépendante n’a été réalisée pour établir le profil des combattants FDLR et leurs objectifs.
Bien qu’ils bénéficient des ressources minières comme la plupart des rebellions et des forces armées régulières congolaises, les FDLR se financent également au travers de l’agriculture, le commerce de détail des produits de première nécessité, l’achat des vaches aux tutsis congolais et la revente de ceux-ci.
Effectivement, Steve Hege propose une analyse du mouvement FDLR à contre courant de la position de Kigali et 16 ans après, on ne peut plus continuer à se servir du génocide rwandais de 1994 pour occulter et ne pas traiter les problèmes politico-sociaux économiques qui nuisent à la stabilité régionale. L’instabilité tient surtout à la question épineuse des intérêts économiques rwandais dans le Nord Kivu, l’absence de l’Etat Congolais et une gestion désastreuse des ressources minières congolaises.
Certes, on peut ne pas partager l’analyse d’Hege, mais l’instrumentalisation du génocide et le recours par certains médias des termes « révisionnistes, raciste, pro génocidaires » est non seulement dangereux et hâtif mais démontre aussi une allégeance claire à la position du régime FPR.
Marie Umukunzi
Jambonews.net
http://www.rnw.nl/africa/article/rwanda-violator-or-victim
http://fr.igihe.com/politique/le-patron-des-experts-de-l-onu-au-congo.html
http://allafrica.com/stories/201208090924.html