« La base de notre politique c’est la peur », c’est par ces mots que Paul Henri Spaak jadis Premier Ministre et Ministre des affaires étrangères de la Belgique synthétisa l’essentiel de son discours lors de la 3ème session de l’Assemblée générale de l’ONU le 28 septembre 1948.
Un discours si courageux pour le représentant d’un si petit pays. Nul ne pouvait le prévoir, pourtant ce politicien belge hors du commun affronta avec talent et zèle la position de la toute puissante URSS.
Il ne s’agissait nullement d’une peur pouvant se confondre à de la lâcheté, il s’agissait bien au contraire de la peur d’une nation réaliste, la peur de la politique impérialiste de l’URSS; la peur des lendemains sombres après les terribles épreuves de la seconde guerre mondiale qui venait à peine de s’achever. Il s’agissait bel et bien d’une position brave pour un État à l’envergure si limitée.
Plus d’un demi-siècle plus tard cette politique belge de la peur du pire a vraisemblablement laissé place à la peur d’agir.
Le cas de la RDC en est une parfaite illustration
La guerre à l’Est de la RDC
Il n’y a point à rappeler les liens historiques existant entre la Belgique et la RDC, pourtant dans les heures les plus sombres de l’histoire du Congo, la Belgique s’est rarement rangée du côté de son ancienne colonie. Parfois elle s’est même retrouvée parmi les tireurs des ficelles dans ses différents épisodes de déstabilisation, jonglant parfois entre prévenance et condescendance. La guerre que vit la RDC en ce moment en est un parfait exemple.
Les faits ayant établi la responsabilité avérée du Rwanda dans la déstabilisation du CONGO depuis bientôt 6 mois, un certain nombre des partenaires traditionnels de Kigali ont voulu manifester leur désapprobation avec cette politique en suspendant soit partiellement soit totalement leurs aides. Les USA, la Grande Bretagne, L’Allemagne, les Pays-Bas, la Suède furent de ceux-là.
Curieusement la Belgique n’a réagi que très mollement au début pour durcir le ton quelque temps seulement après que les pays précités aient décidé de muscler leurs discours à l’égard du régime de Kigali. Par suivisme – affirmeront les plus cyniques. La Belgique s’est également abstenue de suspendre son aide au régime de Kigali arguant qu’une suspension groupée via l’Union Européenne serait la plus adaptée. Heureusement, ces exercices d’équilibriste ne trompent plus personne tant la connaissance de la politique entre États ne demeure plus une exclusivité des diplomates.
Lors de l’élection du Rwanda au Conseil de sécurité des Nations Unies, l’occasion fut une fois de plus donnée de constater à quel point l’actuelle politique étrangère de la Belgique se situait à
mille lieux de celle du valeureux Paul Henri Spaak. La Belgique s’est ainsi abstenue de voter pour ou contre le Rwanda. Certes pour marquer le coup, mais démontrant ouvertement une impuissance consécutive à un manque d’audace.
Le cas de la famille Chebeya
Tout le monde se souvient de l’affaire Chebeya, du nom de ce célèbre militant des droits de l’homme congolais assassiné dans les locaux de la police kinoise. Suite aux menaces dont faisaient l’objet sa femme et ses enfants après sa disparition, l’État belge qui s’était particulièrement montré sensible à cette disparition avait été sollicité afin d’accorder asile et protection à ceux-ci. Un refus cinglant de la Belgique contraignit la veuve éplorée à se tourner vers le Canada qui ne manifesta aucune objection à accueillir sur son territoire cette famille cruellement frappée par le sort. Et détail complètement surréaliste, la Belgique a refusé que le vol transportant la famille Chebeya à destination du Canada ne fasse escale sur son térritoire. Comment ? Pourquoi?
Rien ne saurait mieux résumer cette politique que la phrase de l’écrivain Belgo-argentin Julio Coltazar : « la lâcheté tend à projeter sur les autres la responsabilité qu’on refuse d’assumer »
Le cas paradoxal du docteur Mukwege
Si la politique étrangère de la Belgique était une dissertation, pour sûr la remarque « manque de cohérence » de différents paragraphes allait orienter négativement sa cotation.
Dans le cas du Docteur Mukwege, véritable héros des temps modernes, qui s’est donné pour mission de réparer les appareils génitaux des femmes victimes d’agressions, la Belgique s’est particulièrement montrée bienveillante, tantôt finançant l’hôpital Panzi qui accueille les patientes du docteur Mukwege, quelquefois lui octroyant à titre personnel des prestigieux prix honorifiques. Démontrant implicitement par-là que toutes les actions de la Belgique s’inscrivent dans une politique bien définie mais volontairement opacifiée. La récente tentative d’assassinat du docteur Mukwege dans sa résidence à Bukavu a montré à quel point la Belgique pouvait être réactive si elle le voulait vraiment. Sans doute la nécessité de paraître cohérent avec ses propres principes doit se compléter à l’exigence de garantir ses intérêts nationaux.
Plus qu’une politique de la peur, la politique de la Belgique au Congo semble se baser sur la sournoiserie, soufflant tantôt le chaud, tantôt le froid, tantôt le tiède. La technique consiste à maintenir le statu quo tout en ne se mouillant pas trop et continuant à tirer profit comme si de rien n’était.
La question est de savoir jusqu’à quand cette politique sera d’application.
Charis Basoko
Jambonews.net