Lors de la réunion du Conseil de sécurité le jeudi 25 juillet, John Kerry a demandé au Rwanda de « cesser immédiatement son soutien aux rebelles du M23 ». Quelques jours avant, c’était son porte-parole qui avait appelé Kigali à mettre fin à son soutien au Mouvement du 23 Mars, et à retirer son personnel militaire de l’est de la République Démocratique du Congo (RDC) ». Même si ce double appel accentue la pression sur le Rwanda, il n’aura probablement pas d’effets palpables puisqu’aucun acte concret n’a été envisagé afin de contraindre le gouvernement de Kigali à mettre fin au soutien qu’il apporte à ce groupe rebelle qui commet des exactions à l’est de la RDC.
Si le 23 juillet dernier la porte-parole du département d’État américain Jennifer Psaki a ouvertement appelé le Rwanda à cesser immédiatement tout soutien au Mouvement du M23, à retirer son personnel militaire de l’est de la RDC et à respecter ses engagements, trois jours plus tard lors d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU à laquelle le Rwanda participait, le Secrétaire d’État américain John Kerry a renouvelé cet appel au Rwanda, mais cette fois sans citer le pays.
« Je veux être très clair, toutes les parties doivent immédiatement mettre fin à leur soutien aux groupes rebelles armés » a affirmé le Secrétaire d’Etat américain. « Tous les gouvernements doivent arrêter ceux qui bafouent les droits de l’homme et poursuivre en justice leurs auteurs. Il faut mettre un terme à l’ère de l’impunité » a- t-il poursuivi.
Ce n’est pas la première fois que les Etats-Unis exhortent le Rwanda de mettre fin à son soutien au M23. En décembre 2012, le Président Barack Obama avait personnellement appelé l’homme fort du Rwanda, Paul Kagame, afin de lui demander de mettre fin à l’aide qu’il apporte aux rebelles de M23. D’où les doutes quant aux résultats de cette pression américaine si elle n’est pas accompagnée par des actions concrètes.
Entretemps la guerre continue
Au moment où la diplomatie s’active pour trouver une solution à cette crise à l’est de la RDC, des combats particulièrement violents opposent les FARDC (Forces gouvernementales) et le M23. L’armée congolaise a intensifié, ces derniers jours, des attaques sur les positions tenues par le M23, et a déjà remporté plusieurs victoires. La dernière en date, la reprise le 24 juillet dernier du camp militaire de Rumangabo qui était tenu par le M23 depuis 2012. Le choix de Kinshasa d’intensifier ses offensives contre les rebelles du M23 est probablement la preuve qu’on ne croit plus à la diplomatie pour mettre fin à cette guerre qui dure depuis plusieurs mois.
Un réel engagement de Washington dans la crise congolaise, ou une ruse destinée à rassurer l’opinion ?
Si Washington a été accusé depuis le début des hostilités, de ne pas prendre une position claire et ferme dans ce conflit, le double appel des Etats-Unis envers le Rwanda n’est pas pour autant interprété comme une volonté claire des USA de s’engager résolument pour la fin des conflits dans cette région. En effet, ceux qui suivent la situation de près interprètent la conduite de Washington de ces derniers jours plus comme une façon de sauver la face vis-à-vis de l’opinion nationale et internationale, au moment où on découvre l’ampleur des atrocités dont se sont rendus coupables le M23 et son allié le Rwanda (longtemps considéré comme allié des Etats-Unis dans la région).
Deux éléments ont interpellé l’opinion dans le comportement de Washington au cours de ses appels envers le Rwanda : premièrement, le choix du secrétaire d’État américain au Conseil de sécurité le 25 juillet de ne pas citer le Rwanda. « Il est étrange qu’un pays comme les Etats-Unis, dénonce un agitateur connu sans le citer », souligne un commentaire sur un forum de la diaspora rwandaise à Bruxelles.
Secundo, comment un pays aussi puissant que les Etats-Unis, informé de ce qui se passe partout dans le monde, demande au Rwanda de cesser de soutenir les rebelles au Congo que sur la base du rapport de Human Rights Watch (HRW) publié quelques jours avant ? En effet, dans son appel le 23 juillet dernier, invitant Kigali à cesser son soutien aux rebelles du M23, la porte-parole du département d’État, Jennifer Psaki, s’est appuyée sur le rapport de HRW, et semblait ne pas en maitriser le contenu au cours de son point de presse.
Le fait pour les Etats-Unis de se référer uniquement au rapport de l’ONG alors qu’ils disposent certainement d’informations étendus et fiables, interpelle quant au sérieux de leur engagement dans la résolution du conflit qui touche cette partie des Grands-lacs.
Jean Mitari