Le Rwandan National Congress, l’un des principaux partis d’opposition rwandais, a organisé le samedi 15 août 2015 dernier, son 2e Congrès international de la jeunesse à Bruxelles. Le thème du jour : mobilisation des jeunes pour le changement. En plus des cadres du parti, plusieurs autres partis d’opposition et des associations de la société civile étaient présents. Les différentes interventions ont tourné autour des thèmes de la démocratie, de l’éducation, de la réconciliation ou encore de la jeunesse.
C’est le Thon Hôtel dans le centre de la capitale bruxelloise, qu’avait choisi le RNC pour accueillir la jeunesse rwandaise du monde entier. Après l’édition sud-africaine, qui s’était tenue à Cape Town en juin 2014, c’était donc la seconde fois que le RNC conviait la jeunesse rwandaise à se réunir. La journée fut un succès d’audience pour le RNC qui n’a pas eu du mal à remplir la salle avec ses partisans vêtus aux couleurs du parti : le jaune et le blanc. Beaucoup de cadres et militants du RNC avaient fait le déplacement pour l’occasion, certains venant même du continent américain ou africain. À noter tout de même l’absence des trois principaux fondateurs : Kayumba Nyamwasa, Théogene Rudasingwa et Gerald Gahima.
Avant le lancement des hostilités, c’est à l’abbé Athanase Mutarambirwa qu’a été demandé de placer cette journée sous les auspices divins. Celui-ci n’a certainement pas choisi au hasard les versets de la bible traitant de Caïen et d’Abbel pour illustrer cette journée. Comme pour démontrer une nouvelle fois la nécessité pour tous les enfants de Kanyarwanda, de se réconcilier. Une minute de silence a également été respectée par les participants en mémoire de feu Patrick Karegeya. Il s’est ensuite succédé au micro, bons nombres de personnalités éminentes du RNC, des partis politiques d’opposition et de la société civile rwandaise.
Les partis politiques de la coalition représentés
Ce Congrès de la jeunesse faisait suite à l’événement de la semaine qui s’est déroulé la veille : la signature du Protocol d’accord, entre le RNC, les FDU-Inkingi, Amahoro-PC, PDP-Imanzi et PS-Imberakuru, initiant la plateforme politique rwandaise la plus large. Les différents représentants de ces partis politiques étaient présents à ce congrès.
S’adressant à la jeunesse, Joseph Bukeye, Coordinateur de la plateforme nouvellement créée et 2ème Vice-Président des FDU-Inkingi, a insisté sur l’importance de la transmission de l’histoire du Rwanda des plus anciens aux plus jeunes. Déplorant que « l’histoire du Rwanda ne soit pas relatée à partir de faits, alors que normalement les faits sont censés être têtus ». Il a dénoncé le fait qu’à chaque époque, le pouvoir en place réécrivait l’histoire dans son intérêt. Enfin, il a appuyé sur le fait qu’il est temps qu’on apprenne des erreurs du passé et a regretté notamment le fait que ni les Hutus ni les Tutsis n’ont assez fait preuve d’empathie l’un envers l’autre durant la longue histoire du Rwanda.
« La liberté ne se donne pas, mais elle s’arrache, d’où la nécessité d’être maitre de son destin »
Brave Bahibigwi, Président de Jambo ASBL, a commencé par expliquer les raisons qui ont poussé Jambo ASBL a participer à cet évènement politique : « Premièrement, quand nous avons reçu l’invitation à débattre sur l’avenir du Rwanda, nous ne pouvions pas refuser. Deuxièmement, le fait que cela soit une conférence organisée par des jeunes, nous avons ressenti cela comme un devoir de nous joindre à vous pour débattre et unir nos idées ». L’idée maitresse de son discours fût fut la notion de « Kwigena » qu’il a traduite en français comme « être maitre de son destin ». Il l’a définie comme le fait d’être : « autonome, maitre de soi et libre de faire ses propres choix dans son pays. C’est le droit de pouvoir entreprendre librement et de récolter les fruits de son travail ». En l’appliquant au cas rwandais, il a précisé que c’était aussi le droit « d’avoir droit à son pays sans être réfugié et de pouvoir pleurer les siens sans se cacher ». Bahibigwi a regretté le fait qu’il y ait aujourd’hui plusieurs éléments empêchant les Rwandais d’atteindre la maitrise de leur destin. Il en a décelé trois principaux: « Le manque de justice, l’imparfaite réconciliation et le problème des réfugiés ». Dénonçant, les crimes du FPR et le manque de justice, il a rappelé qu’ : « il ne faut surtout pas mettre les crimes contre les Hutus et contre les Tutsis sur la même balance, car il est dangereux et inutile de comparer les tragédies, elles ont toutes un caractère particulier ». Le président de Jambo ASBL, association qui a initié la plateforme « SOS réfugiés » a tenu à avoir une pensée pour les Rwandais « qui vivent dans des conditions atroces, surtout dans les forêts de l’Est du Congo ». Bahibigwi a conclu en adressant un message aux partis politiques et à la jeunesse. Aux politiciens il a rappelé qu’« en tant que membre de la société civile, nous [société civile] avons le devoir d’être les gardes fous des partis politiques ; si vous ne respectez pas vos engagements et responsabilités, nous aurons nous le devoir de vous remettre en place ». Aux jeunes, le président de Jambo asbl a répété l’idée maitresse de son message : « la liberté ne se donne pas, mais elle s’arrache d’où la nécessité d’être maitre de son destin ».
Débats et échanges sur des thématiques de société
C’est à Gervais Condo, 2ème vice-Coordinateur du RNC, qui avait fait le déplacement spécialement des États-Unis qu’est revenu l’honneur de lancer officiellement le congrès. Il a pris la parole pour remercier les organisateurs du jour et pour rappeler les objectifs du RNC. Il a félicité tout particulièrement la jeunesse du parti pour son dynamisme et ses idées. Il a tenu rappeler l’importance des deux évènements principaux de la veille : la création de la plateforme politique et la manifestation contre le changement de la constitution rwandaise.
Après les interventions des invités et celle de Gervais Condo, ont suivi un panel de discussions sur différentes thématiques de société. Christine Mukama, Commissaire chargée du statut de la femme au sein du RNC est intervenue sur la culture rwandaise. Elle a rappelé l’importance de Dieu dans la société rwandaise. Une importance qui pour elle est antérieure à l’arrivée des premiers missionnaires au Rwanda. Elle a tenu à rappeler l’importance de l’éducation de l’enfant à la rwandaise. Mme Mukama a fait un appel aux parents pour qu’ils enseignent à leurs enfants le Kinyarwanda critiquant au passage la méconnaissance de la langue, même chez certaines personnalités politiques.
Docteur Emmanuel Hakizimana, Secrétaire général du RNC, est lui intervenu sur la thématique de l’éducation au Rwanda. Celui-ci a dressé un portrait peu reluisant de la situation de l’éducation rwandaise. Rappelant que malgré le fait qu’il y avait plus de 40 universités au Rwanda, aucune ne faisait parti du Top 100 africains. Détaillant plusieurs indicateurs chiffrés, il a démontré que la qualité d’enseignement des professeurs était trop basse notamment à cause du fait qu’ils sont payés juste au-dessus du seuil de pauvreté. Il a déploré la médiocre qualité linguistique des jeunes rwandais « qui ne maitrisent au final ni l’anglais ni le français ». Enfin, il a critiqué le marché de l’emploi rwandais qui pour lui est miné principalement par la main mise du FPR et la mauvaise entente du Rwanda avec ses voisins.
Ensuite, Kayumba Nyamwasa est intervenu par vidéo conférence sur les thématiques de la démocratie et de l’indépendance. Lors de son intervention il a démontré à quel point l’actuel président Paul Kagame dirige le Rwanda d’une main de fer, mais a cependant estimé que le régime dictatorial de Kagame s’effondre à petit feu grâce aux efforts menés par l’ensemble de l’opposition rwandaise. En effet, il constate que Paul Kagame bénéficie de moins en moins du soutien de la communauté internationale. Nyamwasa a également tenu à appeler la population rwandaise à être prête à mener la lutte contre le régime dictatorial en place et ce peu importe la nature du combat à mener.
Lors de la dernière partie du congrès, ce fut au tour du Dr Etienne Mutabazi, Jean-Marie Micombero, Jonathan Musonera et Joseph Garambe d’intervenir. Ils ont respectivement abordé les thématiques de la justice, la sécurité, l’unité et la réconciliation ainsi que la conséquence des mesures économiques sur les jeunes.
Interrogé sur la question de la commémoration, Jonathan Musonera a déploré le fait qu’au Rwanda il n’est pas possible pour tout un chacun de commémorer les siens perdus car Kagame lui-même est un criminel. Selon Musonera, les droits de l’homme sont tellement bafoués que pour sa part, ceux qui sont encore réfugiés dans l’Est de la RDC, sont dans de meilleures conditions que ceux qui se trouvent encore au Rwanda.
« Le peu de Tutsis qui sont dans les forces de défense rwandaises occupent des postes stratégiques »
Le congrès étant suivi en direct sur internet via la Radio du RNC, Itahuka, des questions furent également posées par le biais de Facebook. C’est ainsi qu’un des auditeurs de la radio Itahuka a posé à Jean-Marie Micombero la question de savoir pourquoi dans les forces de défense rwandaises il n’y a que des Rwandais de l’ethnie tutsie. Micombero a alors expliqué que – bien au contraire – il n’y a que peu de Tutsis dans les force de défense rwandaises, mais que ceux-ci occupent tous un poste stratégique. Micombero en a par ailleurs profité pour préciser qu’en ce qui concerne ce qui s’est passé en 1996 contre les réfugiés Hutu dans l’ex-zaïre, la plupart des soldats rwandais des forces de réserve rwandaises étaient hutus mais que ces derniers recevaient les ordres de commandants issus de l’ethnie tutsie.
La place des jeunes dans le congrès
Bien qu’un grand nombre de jeunes rwandais étaient présents lors du congrès, un jeune des FDU-Inkingi a quand même déploré le fait que les jeunes ne sont pas assez pris en considération et pas assez consultés par les ainés. En effet, force est de constater que parmi les intervenants durant le congrès une minorité étaient des jeunes ; or dans un Rwanda où 61% de la population est âgée de moins de 25 ans, il est important d’impliquer les jeunes dans le processus du changement politique et social du pays.
Le congrès s’est terminé par un concert surprise du chanteur Ben Rutabana, qui est également membre du RNC.
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