Ce 02 aout 2019, le public rwandophone a découvert, par la chaine Ukwezi TV, ce qu’un frère et une sœur qui vivaient dans les ruines de leur maison démolie par les autorités locales étaient devenus[1]. Cette démolition forcée aux allures d’une expropriation dans la mesure où la famille est dépossédée de la maison et du terrain, et qui laisse sur les carreaux les plus précaires n’est pas une première au Rwanda.
Le 16 juillet à 6h du matin, le responsable exécutif du secteur de Nyarugunga du district de Kicukiro dans la ville de Kigali, Geneviève Uwamahoro, est arrivé au domicile d’Ancilla Mukayisenga pour faire démolir sa maison. Cette dernière est en prison du district de Muhanga depuis Janvier 2019. Dans sa maison vivait ses deux jeunes enfants Hitamoyesu Chance (23 ans), Kiberinka Soleil (19 ans) et son petit-enfant de 2 ans.
Accompagnée des membres du DASSO (Organe d’appui à la sécurité administrative du district en français), la responsable du secteur est arrivée et a demandé à la fille et l’enfant en bas-âge de sortir de la maison, le grand frère étant absent. Ensuite, elle a demandé aux aides (les hommes qui gagnent leur vie en rendant des services à la population) de démolir la maison de la famille. Ils ont refusé en avançant qu’ils ne voulaient pas démolir la maison d’une personne en prison et mettre ses enfants dans la détresse, surtout que la mère a de bonnes relations avec son voisinage. La dirigeante est partie plus loin dans une localité appelée mu « ndege » située dans un bidonville d’après ce que les voisins de la famille ont raconté aux journalistes et les a payés 35 000 Francs rwandais (environ 35 euros) pour démolir la maison.
Quand Chance et Soleil ont appelé les journalistes, la responsable exécutive du secteur de Nyarugunga est montée dans sa voiture et est partie. La nouvelle ayant fait la une d’un média rwandais Umuseke, la dirigeante est revenue deux semaines plus tard pour proposer un logement en location, pris en charge par le bureau de secteur de Nyarugunga, aux deux enfants, qui devaient déménager dans l’immédiat. Les enfants ont demandé quelques heures pour faire leurs cartons et ont souhaité avoir les papiers signés du secteur leur allouant le nouveau logement et des garanties sur leur devenir après les deux mois. L’Exécutif est revenu accompagnée des membres du DASSO qui ont menotté les deux jeunes, les ont forcés à monter à l’arrière de leur camionnette, dans laquelle ils ont été battus jusqu’à leur mise au cachotau bureau de secteur Nyarugunga pour quelques heures.
Le frère et la sœur racontent : « Je ne peux pas compter les coups que j’ai pris sur le trajet, un certain Muyomba me frappait et me disait tu sais pas quel dossier on peut monter contre toi, je vous prends pour témoins car je ne sais pas de quoi je peux être accusé demain » pour le frère et « ils sont venus, m’ont menottée et nous ont emmenés en nous frappant dans la rue, ils nous ont rué des coups dans la camionnette du bureau de secteurNyarugunga, jusqu’à présent ma jambe est fracturée », pour la sœur qui a fondu en larmes en racontant sa mésaventure.
Répondant à la question des journalistes de la chaine UkweziTV, qui lui demandaient quelle leçon elle tirait de cette expropriation, qui n’est ni la première, ni la dernière (les voisins attroupés applaudissant spontanément à cette question), Geneviève Uwamahoro, responsable exécutif du Secteur Nyarugunga, a nié avoir participé à l’expropriation, avoir été présente sur les lieux et a affirmé que c’était une première expropriation. Après son départ les voisins ont approché les journalistes pour démentir ses propos : « Pourquoi est-elle en train de nier ? J’étais là, je travaille ici, quand les voitures de la police et du secteur sont arrivées…je me souviens bien car l’exécutif m’a demandée ce que je faisais là…» a raconte une jeune femme qui travaille à proximité.
La maison a été démolie sur fond d’un différend familial. Le frère d’Ancilla Mukayisenga lui a construit cette maison en 1989. Réfugié en France après 1994, il l’y est décédé, c’est sa femme Marguerité Nkwakuzi habitant en France qui se dispute la propriété avec son ex-belle-sœur. L’incompréhension demeure pour savoir pourquoi le responsable exécutif du secteur Nyarugunga, le DASSO et la police sont si impliqués et prennent partie dans un différend familial.
L’expropriation au Rwanda semble être une affaire courante qui se fait au détriment des populations les plus démunies.
Le 20 juin 2019[2], le public rwandophone apprenait qu’une mère et ses quatre enfants en bas âge vivaient dans un champ des bananiers dans un abri de fortune. «J’avais une maison et les autorités l’ont démolie en me disant qu’elles allaient louer une autre maison pour moi. Après trois mois, le propriétaire m’a mise dehors [pour loyers impayés] et je suis allée voir les autorités et l’on m’a dit que l’on ne me connaissait pas. C’est ainsi que j’ai construit un abri de fortune, je n’avais pas un autre endroit où aller. » Avait raconté Speciose Ntamfurayishavu au journaliste d’Ukwezi.
Pour plus d’information:
[1] https://www.umuseke.rw/umuhungu-na-mushiki-we-basenyewe-inzu-bamaze-ibyumweru-bibiri-mu-itongo.html
[2] http://www.ukwezi.rw/mu-rwanda/Ubuzima/article/Musanze-Umubyeyi-w-abana-bane-amaze-igihe-abana-n-abana-be-mu-Rutoki