L’évêque de Kigali a ouvert en septembre dernier les causes de canonisation de Cyprien et Daphrose Rugamba, un couple de Rwandais fondateur de la communauté de l’Emmanuel et qui a été tué avec six de leurs dix enfants au premier jour du génocide, le 7 avril 1994.
Lors de sa visite au Rwanda, en septembre 1990, Jean-Paul II avait déclaré : « je suis convaincu que la sainteté existe parmi ceux qui se trouvent ici parmi vous, parmi votre peuple rwandais, parmi vos mariages, vos familles, je suis convaincu. Un des désirs que je porte en mon cœur est de pouvoir béatifier ou canoniser le plus tôt possible, il y a un grand besoin, canoniser un couple». 25ans plus tard, son vœu est peut-être en passe d’être exaucé. La réputation de sainteté de ce couple répandue dans tout le pays a poussé la Communauté de l’Emmanuel à demander l’ouverture de leurs causes de canonisation. L’archevêque de Kigali, Mgr Thaddée Ntihinyurwa, a ouvert officiellement le 17 septembre dernier les causes de canonisation de Cyprien et Daphrose Rugamba, dans la cathédrale Saint-Michel de la capitale rwandaise.
L’engagement des Rugamba au service des couples et des enfants
Pourtant ce sont au départ deux personnes parfaitement ordinaires. Originaire de l’ex-préfecture de Gikongoro, Cyprien (1935-1994) était un spécialiste de la culture rwandaise. Il avait été un des concepteurs du musée d’Histoire du Rwanda à Butare. Longtemps directeur de l’INRS (Institut National de Recherche Scientifique), il était aussi poète, auteur-compositeur, danseur et chorégraphe. Il avait créé le ballet de danses traditionnelles Amasimbi n’Amakombe qui faisait des tournées internationales. Quant à Daphrose (1944-1994), elle fut d’abord enseignante. Par la suite, elle se consacra à ses enfants. Le couple, qui s’est marié en janvier 1965, connaît de grandes difficultés conjugales jusqu’à la conversion de Cyprien en 1982 pour laquelle priait ardemment son épouse. Dès lors, leur amour rayonne autour d’eux. Cette expérience de l’épreuve de leur mariage et l’action guérissante de la conversion leur donne une force particulière pour l’évangélisation des couples africains. Ils vivent alors une vie de foi intense à travers le renouveau charismatique et les groupes de prières. Ils exercent la compassion particulièrement auprès des malades et des enfants de la rue. Ils rencontrent la Communauté de l’Emmanuel en 1989 lors d’un séjour à Paray-le-Monial (France). C’est une communauté religieuse catholique provenant du courant du Renouveau Charismatique dont la vocation est l’adoration eucharistique, la compassion et l’évangélisation. De retour dans leur pays, ils commencent une maisonnée (groupe de partage hebdomadaire). Le premier week-end communautaire a lieu les 22-23 septembre 1990. La Communauté de l’Emmanuel au Rwanda est née. Au moment de leur mort 3 ans après, la Communauté compte une centaine de membres rwandais. Aujourd’hui, ils sont 1000. Le Rwanda est deuxième pays qui compte le plus grand nombre d’adhérents au monde.
Le pacifisme des Rugamba
En septembre 1990, Cyprien et Daphrose fondaient l’Emmanuel au Rwanda. Dès le mois d’octobre suivant éclatait la guerre entre le régime du président Habyarimana et les réfugiés tutsis venus en majorité d’Ouganda. À partir de ce moment, Cyprien et Daphrose se sont trouvés dans un contexte éminemment difficile. Tout le milieu ambiant s’est trouvé polarisé dans une opposition Hutu-Tutsi. Au nom de leur foi, Cyprien et Daphrose se sont opposés fermement à cette polarisation mortifère. Cyprien qui avait exercé la fonction de préfet de Kibuye en 1963 a refusé nombre de propositions des partis politiques. Il souhaitait, disait-il: « garder son indépendance d’esprit et pouvoir continuer à dialoguer avec tous les frères et sœurs du pays sans distinction. » Néanmoins, « ce n’est pas pour leur martyre, mais pour l’héroïcité de leurs vertus que l’on ouvre ce procès », précise François-Xavier Ngarambe, responsable de la communauté de l’Emmanuel au Rwanda et qui les a bien connus. « De leur vivant déjà, ils étaient admirés et aimés par tous », poursuit-il, rappelant qu’en lançant un premier week-end communautaire les 22 et 23 septembre 1990, le couple avait fondé l’Emmanuel dans le pays. Quatre ans plus tard, la communauté y comptait une centaine de membres ; elle en rassemble aujourd’hui un millier, ce qui fait du Rwanda le second pôle de l’Emmanuel après la France.
Un chemin encore long avant la canonisation
Pour mener à bien ces deux causes de canonisation, le diocèse de Kigali a nommé une commission diocésaine. La partie diocésaine de la cause a pour but à travers les témoignages et le travail des historiens constitués en commission historique de vérifier les vertus héroïques et la réputation de sainteté du « serviteur de Dieu » (qualificatif accordé à une personne dont la cause de canonisation est ouverte). Les éléments de l’enquête seront ensuite transmis au Saint-Siège à qui il appartiendra de statuer sur la question. Ce processus de canonisation établi par l’Église catholique conduit à la reconnaissance officielle d’une personne comme ‘sainte’, qui est proposée comme modèle exemplaire de vie chrétienne. Un culte public peut alors lui être rendu.
Norman Ishimwe
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