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Rwanda – Burundi : le conflit entre les deux pays s’exacerbe

Rwanda – Burundi : le conflit entre les deux pays s’exacerbe

Depuis le 4 février et la divulgation d’une enquête confidentielle d’experts de l’ONU incriminant le Rwanda pour le recrutement, l’entrainement et l’armement de réfugiés burundais se trouvant dans les camps situés sur le territoire rwandais, la crise burundaise prend une autre tournure. Alors que l’étau se resserre autour du Rwanda quant à son activité trouble dans l’exacerbation des violences chez son voisin du sud, la crise politique burundaise qui est devenue peu à peu une crise humanitaire et régionale risque de virer en un conflit armé entre les deux pays.

Manifestation de masse ce samedi 13 février à Bujumbura pour pour dénoncer les « actes d’agression » du Rwanda et de son président Paul Kagame.

Manifestation de masse ce samedi 13 février à Bujumbura pour pour dénoncer les « actes d’agression » du Rwanda et de son président Paul Kagame.


La semaine dernière, l’agence Reuters divulguait un rapport confidentiel réalisé par un groupe d’experts indépendants pour l’ONU chargés d’évaluer les sanctions contre la République démocratique du Congo (RDC). Le rapport indiquait que 18 personnes, toutes originaires du Burundi, ont été interrogées par le groupe. Les 18 personnes, dont 6 sont mineures, affirment qu’entre mai et juin 2015, des membres de l’armée rwandaise sont arrivés au camp de réfugiés de Mahama, dans l’est du Rwanda, pour recruter des combattants. Tous ceux qui refusaient de les rejoindre auraient été menacés et intimidés. Les témoins ajoutent que pendant deux mois, ils auraient suivi une formation militaire qui consistait en une introduction à la stratégie militaire et au maniement d’armes telles que les grenades, les mines antichars, les mortiers et les bazookas. Ils auraient également appris à manier et entretenir des mitrailleuses, avant de suivre des séances d’endoctrinement moral et idéologique. Selon eux, un total d’au moins 100 personnes auraient participé d’une telle formation.
Après leur formation, ils ont reçu de faux papiers qui les identifiaient comme citoyens de la RDC. Un convoi de camions et escortes militaires les a ensuite déposés en RDC, d’où ils étaient supposés s’infiltrer au Burundi et commettre des attentats afin de déstabiliser le gouvernement Nkurunziza.
Le mardi 9 février, les États-Unis se montraient eux aussi critiques envers le Rwanda. « Nous avons vu un certain nombre de rapports de nos collègues sur le terrain qui laissent penser que le gouvernement rwandais est impliqué dans des activités déstabilisatrices au Burundi », a déclaré ce mercredi la secrétaire d’État adjointe pour l’Afrique Linda Thomas-Greenfield, devant la commission des Affaires étrangères du Sénat américain. Devant cette même commission du Congrès, Thomas Perriello, émissaire spécial du gouvernement américain pour l’Afrique des Grands Lacs, a fait état d’« informations crédibles sur le recrutement de réfugiés burundais dans des camps au Rwanda afin de participer à des attaques armées conduites par l’opposition burundaise armée contre le gouvernement burundais ». Il a renchéri en se disant « préoccupé » par le « comportement déstabilisateur du Rwanda dans la crise au Burundi ». C’est la première fois que le gouvernement américain met en cause directement et publiquement les autorités de Kigali dans la crise qui secoue le Burundi voisin. L’envoyé spécial des États-Unis pour la région des Grands Lacs a même affirmé avoir lui-même rencontré 3 enfants-soldats burundais qui ont témoigné avoir été recrutés et entrainés par des instructeurs rwandais pour aller déstabiliser le Burundi.

Le Rwanda réagit en annonçant l’expulsion des réfugiés burundais

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Camp de réfugiés de Mahama (Province de l’Est / Rwanda) où se trouvent près de 27000 réfugiés burundais


En réponse aux accusations d’ingérence et de recrutement de réfugiés dans les camps en vue de déstabiliser son voisin burundais, le Rwanda a annoncé par l’intermédiaire d’un communiqué du ministère des Affaires étrangères ce vendredi 12 février : «  qu’il allait immédiatement commencer à travailler avec les partenaires de la communauté internationale pour préparer, de manière ordonnée et sûre, le transfert des réfugiés burundais vers des pays tiers ». Le Rwanda a accueilli sur son territoire quelque 75 000 Burundais, dont 25 000 à Kigali, où se concentrent notamment hommes politiques, militants associatifs ou journalistes. Le gouvernement rwandais n’a pas précisé qui était susceptible d’accueillir ces réfugiés. Les autres pays de la région abritent déjà des milliers de Burundais dans des camps souvent bondés. La Tanzanie en recense 130 000, l’Ouganda 21 000 et la République démocratique du Congo 18 000.
Le communiqué de la ministre rwandaise des Affaires étrangères – publié environ 24 h après les accusations des États-Unis – a fait l’effet d’un coup de tonnerre. Mardi, à la veille des critiques américaines, cette même ministre avait pourtant assuré que le Rwanda n’allait pas expulser les réfugiés burundais simplement « parce qu’ils ne sont pas amis avec leur gouvernement ».
Se disant très surpris de cette annonce, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), qui craignait une accentuation de la crise humanitaire, a immédiatement convoqué une réunion d’urgence avec le gouvernement rwandais. À l’issue de la rencontre, l’agence onusienne s’est dite rassurée. Les autorités rwandaises ont expliqué qu’elles allaient « continuer à respecter (leurs) obligations internationales » et « ne pas expulser de force les réfugiés burundais », a-t-elle rapporté. Toutefois, le gouvernement rwandais n’a pas encore rendu ces déclarations publiques.

« Si le Rwanda continue à supporter les rebelles, alors le Burundi sera prêt à se défendre lui-même. »

Les allégations incriminant le Rwanda se faisant de plus en plus précises, les autorités burundaises semblent se décider à se montrer plus offensives. Ce mercredi, Ernest Ndabashinze, l’ambassadeur du Burundi à Washington, interrogé par Foreign policy a affirmé que : « si le Rwanda continue à supporter les rebelles, alors le Burundi sera prêt à se défendre lui-même. Nous sommes toujours prêts à nous battre contre quiconque nous attaque ».
Néanmoins Ernest Ndabashinze a déclaré le 13 février 2016 sur son compte Twitter que ses propos avaient été déformés par le journal Foreign Policy et qu’il a uniquement communiqué que « le Burundi se défendra toujours en cas d’agression. Rien d’autre. ».

Manifestatnt burundais

Manifestant burundais


Ce samedi toujours, se sont tenues des manifestations de masse à travers tout le pays pour dénoncer les « actes d’agression » du Rwanda et de son président Paul Kagame. C’est des foules humaines qui se sont deversées dans les rues des 119 communes du pays et dans la capitale pour défendre leur pays contre « l’agresseur Kagame » en scandant des slogans hostiles au président rwandais tel que : « Kagame est un ennemi, nous allons le lessiver ».
Dans la capitale, c’est le maire de la ville, Freddy Mbonimpa, qui s’est chargé de faire passer ce message : « Nous, les Burundais, nous dénonçons le Rwanda et son président Paul Kagame pour les actes d’agression qu’ils ont commis dès le mois de mai 2015, a-t-il rapporté. Ils ont entraîné et enrôlé dans des groupes de tueurs certains réfugiés burundais qui sont dans des camps au Rwanda, et cela dans le but d’assassiner des dirigeants burundais et de renverser les institutions démocratiquement élues au Burundi. Nous sommes indignés ! »
Depuis le début de la crise au Burundi en mai 2015, le gouvernement burundais accuse le Rwanda d’être la source des perturbations qui secouent le pays. Paul Kagame avait balayé les dires des autorités burundaises les traitant de purs mensonges. Par l’intermédiaire de son ministre des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, le Rwanda ne cesse de récuser toutes les accusations à son encontre de la part de la communauté internationale. Les relations diplomatiques entre les deux pays sont au point mort. Alors que le Burundi accuse le Rwanda d’armer les rebelles, de fomenter les différentes déstabilisations et d’ethniser la crise politique. Le risque d’un conflit armé entre les deux pays comparables à plusieurs égards se fait pour la première fois entrevoir.
Blaise Linaniye et Norman Ishimwe
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