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L’ambassadeur du Rwanda en Belgique sur la sellette?

L’ambassadeur du Rwanda en Belgique sur la sellette?

A quelques jours du sommet Union européenne-Union africaine, où le Rwanda de Paul kagame occupera une place importante, nous apprenons que l’ambassadeur du Rwanda en Belgique, Dieudonné Sébashongore serait sur la sellette. Outre les nombreux échecs sur les dossiers stratégiques que tente de mener le gouvernement rwandais en Belgique, de nombreux conflits internes intoxiqueraient le travail que doit mener l’ambassade.

 « Délétaire», «  à couteaux tirés », « malsaine », c’est ainsi que les nombreuses sources avec lesquelles Jambonews a pu s’entretenir décrivent l’ambiance qui règne à l’ambassade du Rwanda à Bruxelles. En effet, il y aurait de fortes tensions au sein de l’équipe et le catalyseur de celles-ci serait l’ambassadeur.  Le  choix de Dieudonné Sébashongore comme nouvel ambassadeur en aout 2020 avait surpris tout le monde. A Bruxelles, il est à la tête de la plus grande équipe diplomatique rwandaise en Europe, composée d’une dizaine de collaborateurs, dont les cinq principaux cadres sont Gustave Ntwaramuheto (toujours en charge du renseignement malgré les polémiques), Grace Nyinawumuntu, André Bucyana et Jean-Pierre Nkunzurwanda (les trois derniers étant arrivés début 2021), et enfin, Joël Ndoli Pierre, chargé de la communication.

Peu connu du grand public, Dieudonné Sebashongore est un fidèle et discret serviteur du FPR. Disposant d’un doctorat en chimie organique de l’Université Catholique de Louvain, il a évolué principalement dans le milieu académique. Revenu de Belgique au milieu des années 1990 où il vivait en exil avec sa femme et ses deux filles, il a longtemps enseigné à l’Ecole belge de Kigali. Il a plus tard évolué vers le monde universitaire où il a enseigné de nombreuses années, notamment à l’Université du Rwanda et à la Kigali Institute of Science and Technology. Son expérience politique majeure il l’a tient de la fonction de Président du Conseil de la ville de Kigali qu’il a occupé de 2012 à 2015.

Incompétence et conflits

Depuis sa prise de fonction, les relations avec ses collaborateurs n’ont cessé de se détériorer. Le principal reproche qu’ils lui font, serait son incapacité à s’imposer et à être visible. Sa communication est « insipide » et son attitude « molle« , selon l’un de ses collaborateurs. Au sein de son équipe à l’ambassade, on lui reproche de ne pas être capable de réellement marquer les esprits et de tenir un discours ferme pour contrer les opposants et les nombreux détracteurs du gouvernementrwandais établis en Belgique.

Selon ce collaborateur : « Il n’a aucune expérience des arcanes de la diplomatie, il semble perdu, le costume est trop grand pour lui ». Une source au ministère rwandais des Affaires étrangères a déclaré à Jambonews que :  » quand Sebashongore a été nommé pour le poste à Bruxelles, beaucoup savaient que ça allait mal finir, il n’a pas le profil. Il ne connaît rien à la diplomatie ou aux relations internationales, il n’est bon qu’à faire de la chimie, et encore… ». Un autre employé de l’ambassade, a osé, lors d’un événement privé, une déclaration moqueuse : « On ne peut pas quitter les bancs de l’école belge de Kigali un jour et le lendemain devoir défendre notre pays dans la capitale de l’Europe. »

De son côté, l’ambassadeur Dieudonné Sebashongore reste droit dans ses bottes. Pour l’ambassadeur, s’il y a des couacs dans le travail de communication et de lobbying de l’ambassade, « c’est de la faute des jeunes ». En effet, le courant ne semble pas passer entre ce sexagénaire et son équipe composé majoritairement de quadras. Selon un participant régulier aux activités de l’ambassade : « Sebashongore reproche aux plus jeunes leur manque de connexion dans les milieux politiques belges et européens ».

Selon ce proche de l’ambassade : « Même s’il est vrai qu’il y a des critiques qu’on peut faire à Dieudonné [Sebashongore], cette machination contre lui est l’œuvre des plus extrémistes au sein de l’ambassade qui veulent le nuire car ils ne le considèrent pas comme aussi radical qu’eux ». Celui-ci précisant au passage qu’« aucun de ses collaborateurs n’a la moitié de ses études ou de son expérience. Contrairement aux racontars de ces mauvaises langues, Dieudonné [Sebashongore] est un homme d’une grande intelligence ». En effet, l’ambassadeur Sebashongore se distingue de ses prédecesseurs Amandin Rugira et Olivier Nduhungirehe dont la grande majoritée de leurs interventions consistaient à attaquer les opposants et critiques du pouvoir de Kigali. A la question de savoir ce qui pouvait expliquer cette différence de comportement, ce proche de l’ambassade répond: « Rugira et Nduhungirehe le faisaient pour plaire à la franche la plus extrème qui est aussi la plus influente, Sebashongore n’a rien à prouver, il fait son travail tout simplement« .

L’ambassade du Rwanda en Belgique

Communication et lobbying ratés sur le dossier Rusesabagina

Du côté de Kigali, les reproches fusent également et c’est la gestion de l’affaire Paul Rusesabagina qui fait débat. En ligne de mire, la gestion de la communication gérée par Joel Ndoli Pierre, un ancien du Bureau du Porte-parole du gouvernement. En juin 2021, une résolution en faveur de Paul Rusesabagina a été votée au parlement belge. Le ministère des Affaires étrangères à Kigali a été informé bien avant le vote du projet de résolution en cours et a préparé une note de sept pages intitulés « Fiche d’information sur Paul Rusesabagina » détaillant l’argumentaire du gouvernement contre le héros d’Hotel Rwanda. « L’ambassade était chargée de diffuser au mieux cette note auprès de la classe politique belge », nous a confié un cadre du ministère rwandais des Affaires étrangères. Cela n’a pas l’impact espéré, car aucun des députés n’a repris les arguments de la note et la résolution est passée assez facilement.

Un autre cas mal géré est celui de la communication publique avant le verdict du procès de Paul Rusesabagina. La décision des juges était prévue pour septembre 2021. L’ambassade a mené un travail en coulisses pour assurer que des relais d’influence soutiendraient la décision judiciaire à venir. Au final, le résultat a été insignifiant, la presse a très majoritairement critiqué la décision judiciaire et a peu relayé les arguments visant à justifier une condamnation de Paul Rusesabagina à l’issue de ce procès au verdict couru d’avance. « Yolande [Makolo], ceux du Bureau du porte-parole du gouvernement et en général les hautes sphères du ministère n’ont pas beaucoup apprécié« , nous a avoué ce cadre. « Beaucoup critiquent la faiblesse du réseau de l’ambassadeur au sein du milieu politique belge et sa tendance à ne pas suivre à la lettre les lignes qui ont été fixées« , a révélé ce fonctionnaire du ministère.

Gestion chaotique du dossier Ibuka

Enfin, la gestion chaotique de l’affaire Ibuka ne l’aide pas. En effet, l’ambassadeur Sebashongore a été mis au courant des difficultés judiciaires d’Ibuka plusieurs semaines avant qu’elles ne soient rendues publiques. L’ordre était d’être aussi discret que possible. Ibuka étant l’un des instruments d’influence du gouvernement rwandais, il était impératif d’éviter d’entacher son image. Néanmoins, le secret n’a pas duré longtemps. Après que Jambonews eut révélé les ennuis judiciaires d’Ibuka, la boîte de Pandore s’est ouverte, plusieurs médias s’en sont emparés et le dossier a même été couvert par le plus important quotidien francophone belge. En somme, une mauvaise publicité dont le gouvernement rwandais se serait bien passé.

Du côté de Félicité Lyamukuru, qui a récemment été débarquée de ses fonctions de présidente de l’association, la pilule passe mal. Alors qu’il est de notoriété publique que ses relations avec l’ambassadeur sont mauvaises, « elle aurait le sentiment d’avoir été lâchée et jetée aux loups par l’ambassade » confie un membre d’Ibuka. Ernest Sagaga, qui avait fait une déclaration détonante et critique sur la gestion d’Ibuka sur les ondes de la BBC, a ensuite été soutenu par l’ambassade pour prendre la présidence d’Ibuka en lieu et place de Félicité Lyamukuru. Ce qui s’est concrétisé lors de l’AG du 21 janvier 2022, dont le but était de sauver l’association qui était alors dans le collimateur de la justice belge.

Un message de compassion qui ne passe pas

« Ce n’est pas le peuple tutsi qui a été tué, c’est le peuple rwandais qui a été tué et qui a souffert », c’est ce qu’a déclaré l’Ambassadeur Sebashongore en mars 2021 lors d’un coloque d’Ibuka qui avait pour thème : « La lutte contre le négationnisme et l’urgence d’éduquer ». Celui-ci évoque au passage ce qu’il a qualifié de « génocide rwandais ».

Une intervention étonnante et qui détonne totalement avec la ligne enseignée, propagée et martelée par le gouvernement rwandais. Auprès de l’aile la plus extrémiste, ces propos sont jugés négationnistes et impardonnables.

Erreur de langage, oubli ou volonté sincère d’inclure l’ensemble des victimes ? Quelle que soit l’explication, le mal était fait pour ceux qui adhérent aux théories du régime, selon lesquelles on ne doit parler que des seules victimes tutsies. Selon un membre d’Ibuka : « c’est certainement de là que vient la détestation entre Félicité Lyamukuru [ancienne présidente d’Ibuka Belgique] et Dieudonné Sebashongore. ».  

Cette déclaration qui épouse la vision et les positions de certaines organisations critiquant « l’apartheid mémoriel » du pouvoir de Kigali, lui a valu les louanges, remerciements et félicitations de la part de certains critiques de la politique mémorielle prônée par le régime du FPR.

Merci à Ange Kagame

Face à cette situation conflictuelle, Dieudonné Sebashongore reste pourtant très serein. Pour cause, « il sait qu’il est protégé au plus haut niveau », nous a confié un membre de l’ambassade. En effet, sa fille Rachel Iriza, entretient une relation d’amitié très forte avec Ange Kagame, la fille du président. Rachel Iriza a même été récemment promue directrice de la stratégie du puissant fonds d’investissement du FPR, Crystal Ventures.

Ange Kagame, qui fait désormais officiellement partie des collaborateurs de son père au sein des services de la présidence, reste assez discrète publiquement. Néanmoins, son influence se fait de plus en plus sentir sur différents dossiers politiques et diplomatiques.

De plus, si Dieudonné Sebashongore jouit d’un crédit important, il le doit beaucoup à son épouse Jeanne Murebwayire. Il a longtemps été dans son ombre. Celle-ci a longtemps été le bras droit de Donald Kaberuka quand celui-ci était Ministre des finances. Brillante économiste, elle est considérée comme une des têtes pensantes de l’architecture des modèles budgétaires et économiques du Rwanda post 1994.

 « Il est certain que sans sa fille et sa femme, il ne serait pas ici à Bruxelles. Il serait encore avec une craie à écrire au tableau » confie ironiquement ce même cadre du Ministère. Ce sentiment de népotisme crée néanmoins des jalousies auprès de certains de ses plus proches collaborateurs qui mènent désormais un lobbying avec aplomb pour que celui-ci « soit déconnecté le plus vite possible ». Le fonctionnaire ministériel nous avoue que tout le monde se pose une seule et même question : « combien de temps ses soutiens au plus haut niveau vont continuer à le protéger ?».

Emmanuel Hakuzwimana

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