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Bruxelles : des « journées du Burundi » aux antipodes des « Rwanda days »

Bruxelles : des « journées du Burundi » aux antipodes des « Rwanda days »

Article d’opinion soumis pour publication par les auteurs
Ces mercredi 28 et jeudi 29 novembre 2018, s’est tenu, au sein du Parlement francophone bruxellois[1], ainsi que dans le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles[2], un évènement très particulier pour les Burundais vivant en exil en Belgique, mais également aux quatre coins du monde.

Pendant ces deux jours, près d’une quinzaine de personnalités de la diaspora burundaise de Belgique mais également de la société civile burundaise vivant au Burundi ou en exil, se sont succédées à la tribune de ces deux Parlements, sous l’oreille attentive de quelques Députés et Sénateurs des plus grands partis francophones de Belgique.
De la CDH Julie De Groot, Présidente du Parlement francophone bruxellois, ayant introduit la première journée, en passant par le PS Phillippe Courard, Président du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, ayant introduit la deuxième journée, jusqu’au PS Rudy Demotte, Ministre-Président de la Fédération Wallonie-Bruxelles, ayant clôturé les deux journées. On citera également la présence de quelques députés DéFI, Ecolo et PS voire même quelques fonctionnaires du SPF Affaires Etrangères, directement concernés par la situation au Burundi.
On déplorera l’absence de la presse belge, même spécialisée, alors que de hauts représentants de l’exécutif et du législatif francophones belges avaient « appuyé » l’évènement et ce malgré la présence d’une centaine de Burundais venus des quatre coins du monde,
En préparation depuis trois ans, cet évènement a finalement été l’occasion pour les burundais de la société civile hostile au Président Burundais, Pierre Nkurunziza, d’exprimer officiellement, tous leurs griefs à l’encontre de leur gouvernement, en place depuis 2005 au Burundi.
Pourtant, le programme de ces journées se voulait constructif et inclusif, en témoigne d’ailleurs le texte de l’invitation qui définissait ces journées comme « un espace de rencontres et de réflexions entre Burundais » favorisant « un dialogue franc et ouvert ».
Toutefois, en l’absence de représentants du gouvernement burundais, la tenue d’un dialogue devenait de facto impossible et les participants ont dès lors assisté à un quasi-procès, uniquement à charge contre le Gouvernement du Burundi ainsi que le parti politique qui y est majoritaire, le CNDD-FDD.

Ce côté unilatéral ne pourra toutefois occulter la qualité de certaines interventions et surtout la dynamique de réconciliation et d’unité dont certains orateurs ont fait preuve.
Frère Emmanuel Ntakarutimana par exemple, Président des Journées, à l’éloquence sans faille, a parfaitement introduit les discussions en plénière, imposant d’entrée de jeu un ton serein en rappelant son attachement à un « peuple burundais pacifié et réconcilié ».
Un autre orateur qui a semblé marqué les esprits et surtout les cœurs, fût le Doctorant Aloys Batungwanayo, qui s’est exprimé sur le sujet qui préoccupe sans doute le plus les burundais et les rwandais, celui de la Mémoire et de la Justice. On retiendra tout, absolument tout, de son exposé, mais surtout son appel à « une mémoire partagée » pour l’ensemble du peuple burundais, ainsi que ses mises en garde face à la « cécité mémorielle qui voit les uns comme les criminels des autres » et qui finit par engendrer « des mémoires communautaires » au détriment d’une « mémoire collective ».
Il y eut aussi l’intervention très poignante de Cyriaque Mbonabuca, rescapé direct des tueries d’un 30 avril 1997 de triste souvenir, au petit séminaire de Buta. Avec beaucoup de courage et de poigne, il a raconté le récit inimaginable des tueries auxquelles il a échappé par miracle.
Dans les recommandations formulées par l’assemblée, une attention toute particulière a été donnée à la situation des réfugiés burundais dans les pays limitrophes, surtout en ce qui concerne la condition de la femme et le désespoir des jeunes.
A côté de ces interventions chargées en émotions, il y eut également quelques exposés plus « techniques » comme celui de Richard Hagabimana sur « le rôle des corps de défense et de sécurité dans les crises cycliques que connait le Burundi » ou encore celui de Mgr Jean-Louis Nahimana, Président sortant de la Commission vérité et réconciliation, qui a parlé des « défis socio-politiques burundais ».
Parmi les exposés les plus hostiles au Gouvernement de Pierre Nkurunziza, il y eut sans aucun doute celui de Me Armel Niyongere, avocat, qui a présenté les travaux du Collectif d’Avocats venant en aide aux victimes et rescapés des violations graves du droit international commis au Burundi. Une initiative très délicate puisqu’elle vise à mettre en cause l’Etat Burundais et certains de ses représentants, sous la Présidence de Pierre Nkurunziza, auprès de la Cour Pénale Internationale.
Dans ce collectif d’avocats décidé à attaquer l’Etat Burundais, on notera la présence paradoxale d’un avocat belge, Me Bernard Maingain, qui est plutôt connu pour sa défense de l’Etat Rwandais face à des accusations quasiment similaires…
Mise à part les travaux de ce collectif, et éventuellement les propos d’un jeune dans le public qui a terminé son intervention sur un ton révolté avec un «[…] Nkurunziza, on l’aura », les questions et réflexions du public étaient apaisées et remplies de sagesse, à l’instar d’un autre jeune homme qui a tenu à rappeler l’importance de considérer l’histoire et la souffrance de l’autre, en soulignant que la plupart des dirigeants actuels du Burundi, sont eux-mêmes victimes et orphelins d’un passé très complexe notamment lors des massacres de 1972, qualifiés de Génocide contre les Hutu par de plus en plus d’observateurs[3][4].
Mais il a fallu attendre la toute dernière intervention, à l’issue de la deuxième journée, pour assister à un discours appelant sans détour à un dialogue entre les différentes parties. A notre grand étonnement, ce fût Rudy Demotte, Ministre Président de la FWB qui, dans son discours de clôture, a souligné l’importance de ne pas « fragiliser le dialogue là où il reprend » et d’adopter une « approche structurelle, affranchie d’émotion » afin de restaurer les « canaux de dialogue ».

Rudy Demotte, Ministre-Président de la région bruxelloise en grande discussion avec des participants


Sans transiger sur les violations des Droits de L’homme, Rudy Demotte a rappelé l’importance d’aider au désarmement des milices et d’instaurer « une concertation permanente » avec le Burundi, qui reste « un pays ami ».
Sans ce discours de Rudy Demotte, au-dessus de la mêlée, ces journées du Burundi auraient gardé un goût amer de partialité, mais avec une telle conclusion, on peut désormais espérer que les nombreuses recommandations formulées par toutes ces personnalités burundaises, seront probablement portées, en toute transparence, devant les autorités burundaises afin d’être étudiées dans un respect mutuel.
Ce serait en effet la meilleure chose à faire, mais l’époque des politiques étrangères unilatéralement imposées au pays de la Région des Grand Lacs est-elle vraiment révolue ? Quel rôle la Belgique veut-elle jouer cette fois-ci ?
L’avenir, très proche, nous le dira. Mais d’ores et déjà, on peut s’étonner de l’approche contradictoire que la Belgique adopte face aux revendications quasiment similaires des exilés Rwandais, à qui elle préfère fermer ses portes, mêmes celles de son Parlement Fédéral, comme ce fût le cas en février dernier, en leur refusant un débat citoyen sur la question de la mémoire rwandaise.[5]
Robert Mugabowindekwe et Gustave Mbonyumutwa
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[1]https://www.parlementfrancophone.brussels/accueil
[2]http://www.pfwb.be/
[3]https://www.genocidehutu1972.org/
[4]http://www.jambonews.net/actualites/20130501-le-genocide-de-1972-contre-les-hutus-au-burundi-41eme-commemoration/
[5]http://www.jambonews.net/actualites/20180312-rwanda-belgique-le-parlement-belge-a-cede-a-la-pression-du-regime-rwandais/

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