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Rwanda : Pourquoi je vote Kagame

Rwanda : Pourquoi je vote Kagame

Blog de Jean Bigambo

Que le désir (ou instinct) individuel de vivre l’emporte souvent sur celui de la raison universelle. Cette dernière, c’est bien connu, est la condition nécessaire pour l’établissement d’un Etat moderne. Le règne d’une Justice absolue qui noie les passions individuelles pour le bien et la pérennité de la Nation. La République, le suffrage universel, le pouvoir du peuple…des slogans à forte résonance. On a bien assimilé le discours du Blanc. Et le Burundi y a cru ces derniers mois, lui. Sa population a marché dans les rues pour faire Pourquoi vote PKentendre sa voix. Elle croit en la démocratie, elle. Nous, Rwandais, nous y croyons aussi, là n’est pas le problème, c’est juste que…nous ne pouvons pas. Et notre faux jumeau du sud a pris de l’avance, nous dévoilant en même temps, nous Rwandais, que notre développement n’est que de façade. Les gratte-ciels, les rues propres, la parité entre hommes et femmes. Tout ça est factice, douloureux même: Kagame est là pour durer. Que le FPR serait cet océan dont on n’arrive point à maîtriser les courants profonds. La force de ses vagues nous assomme dès la moindre tentative de remontée à la surface. Un océan qui, toujours par intérêt, sait aussi se faire silencieux et évasif. On est impuissant face à cette sagacité.
Si je vote Kagame, c’est parce que j’ai choisi, du moins pour l’instant, de vivre ! Et ça c’est une raison suffisante. Donc « oui » pour un troisième mandat. En effet, le succès du FPR tient moins à sa vertu qu’à sa volonté de puissance. On s’incline parce qu’il nous maintient en vie. Il est efficace dans son pouvoir de répression et de persuasion. Au fait, Kagame nous a montré ces vingt-cinq dernières années ce que c’est que la mort. Il nous a initiés à la pratique du corps-cadavre. La simple image d’un crâne, d’une tache de sang séché ou d’un bruit similaire à un coup de fusil réveille en nous des souvenirs terribles. Le Rwandais est hyper affecté. Kagame symbolise donc cet imaginaire collectif, contrairement à Nkurunziza du Burundi. Le premier est une idole qu’on craint autant qu’on vénère, là où le deuxième n’est qu’un agent plutôt affable et contingent. La jeune génération rwandaise, dont les parents sont traumatisés par le génocide, ne connaît que Kagame. Le « supprimer » laisserait un vide incommensurable, car il est le fil rouge de notre histoire. Et le génocide est sa légitimité au maintien de pouvoir. Je vote Kagame parce que je ne veux pas mourir deux fois. Une définition négative forcément fatale.
Ce qu’il faut confronter, ce n’est pas notre leader – ce dernier n’est que l’effet, non la cause – mais nos passions les plus refoulées, à savoir notre incapacité à affronter la vérité en face. Notre agressivité passive…que Kagame maintien en laisse. Voilà pourquoi on le craint autant qu’on le vénère. Et si on le méprise, c’est parce qu’il a réussi là où ses prédécesseurs ont échoué. C’est en cela qu’il représente une certaine modernité, cynique, à l’image d’un Machiavel. Le FPR a rompu le contrat social au sein de la population rwandaise et sa diaspora. Un abîme difficile à combler quand on voit, par exemple, comment le mensonge et le meurtre, au sein même gouvernement, ne sont plus un mal, au sens moral et religieux du terme. Kagame en parle d’ailleurs de manière très décomplexée. Sa finalité, c’est dominer. Par conséquent, la fin justifie les moyens. Et le néolibéralisme qu’il a également introduit dans la région des Grands Lacs, lui et son homologue ougandais, Museveni, suit facilement cette idéologie.
Enfin, on vient de le voir, ce contexte rwandais, plus passionnel que rationnel, donne une autre clé d’interprétation. Le totalitarisme que vit le pays des mille collines a son utilité propre, qu’on le veuille ou non. Par là je ne veux pas dire qu’il est nécessaire ou encore que c’est une fatalité. Au contraire. Kagame n’est pas une condamnation venue du ciel. S’il est fort, c’est parce que nous sommes faibles. That’s it. Il faut rompre avec cet idéalisme illusoire. Et je suis d’avis que le seul moyen d’en « finir » avec Kagame, c’est de préparer l’après-Kagame. Il le dit lui-même : s’il reste au pouvoir c’est parce qu’il n’y a personne capable de le remplacer. Et quelque part il a raison. L’opposition est là certes et elle se bat coûte que coûte, mais elle est si divisée. La jeune génération ne s’y retrouve pas dans leurs querelles.
Que notre véritable liberté consiste à comprendre avant tout pourquoi nous sommes déterminés, ici en l’occurrence par notre bloody past : état-nation homogénéisant par coups- d’états ; la religion catholique aux valeurs universelles, hiérarchisées et castratrices : elles ont accentué le tabou Hutu/Tutsi ; les privilèges des nordistes (Kiga) par rapport aux sudistes (Nyenduga) ; des Tutsi venu d’Ouganda par rapport à ceux venus du Congo ; avril 1994 ; la question Twa ; les réfugiés à l’est de la RDC ; etc. Vous verrez au final que Kagame ne représente qu’une goutte dans cet océan de violence. Oui, ce sont ces plaies citées qu’il faut panser…avec ou sans troisième mandat.
Jean Bigambo
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