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Rwanda : la gouvernance en question (1er partie)  

Rwanda : la gouvernance en question (1er partie)  

Le programme de développement Vision 2020, publié par le Ministère rwandais des finances et de la planification économique en juillet 2000, puis révisé en 2012, définit la gouvernance que la classe dirigeante en place a promise aux citoyens. Le document du programme indique : « L’État assurera une bonne gouvernance qui peut être comprise comme la responsabilité, la transparence et l’efficacité dans le déploiement de ressources limitées. Cela signifie aussi un État respectueux des structures et des processus démocratiques et qui est engagé en faveur de l’État de droit et la protection des droits de l’homme en particulier. La participation des populations au niveau de la base sera encouragée par le biais du processus de décentralisation, dans lequel les communautés locales seront habilitées dans le processus décisionnel, ce qui leur permettra de résoudre les problèmes qui les touchent le plus » (Pg 10).
[Si vous voulez découvrir la deuxième partie, cliquez ici]
 À l’approche de l’année 2020, il convient d’explorer les principales caractéristiques de la gouvernance promise au peuple rwandais. Par conséquent, cette première partie de l’article couvre les défaillances dans les principales caractéristiques de la gouvernance promise, à savoir la responsabilisation, la transparence et l’efficacité dans le déploiement de ressources limitées. L’objectif est de stimuler, en particulier les citoyens rwandais ainsi que les décideurs en exercice comme les postulants, à l’intérieur et à l’extérieur du pays, à travailler avec diligence pour améliorer la gouvernance au Rwanda.

Responsabilité

Bien que le Rwanda ait été classé 2ème à l’indice de la responsabilité sur les 54 pays africains en 2015, le score des indicateurs essentiels de responsabilisation du Rwanda est soit inchangé, soit faible, soit s’est considérablement détérioré entre 2000, l’année au cours de laquelle Vision 2020 a été lancée, et 2015. Cela peut évidemment être observé à partir de L’Indice Ibrahim de la gouvernance africaine de 2016 (IIAG), un indice annuellement publié qui fournit une mesure statistique de la performance de la gouvernance dans chaque pays africain (Pg 12).
Tout d’abord, l’indicateur de la corruption dans les pouvoirs publics et chez les fonctionnaires publics montre que le niveau d’intérêt personnel/de favoritisme et la corruption dans le secteur public rwandais est restée inchangé ; indiquant un score de 60 sur 100 au cours des 15 dernières années.
Deuxièmement, l’indicateur du détournement de fonds public, qui mesure la prévalence du détournement de fonds public vers des entreprises, des particuliers ou des groupes en raison de la corruption au Rwanda,      s’est lui détérioré. Le Rwanda avait atteint 100 sur 100 sur cet indicateur jusqu’en 2010. Depuis, bien qu’il reste considérablement élevé, le score a chuté et le pays n’a plus réussi à l’élever à nouveau à 100.
Troisièmement, l’indicateur de Responsabilité des fonctionnaires publics, qui mesure le degré de pénalités si les fonctionnaires abusent de leurs positions, est resté faible et inchangé, marquant 45,2 sur 100 au cours des 15 dernières années.
Quatrième, l’indicateur de l’enquête sur la corruption n’a pas changé. Celui-ci évalue dans quelle mesure les allégations de corruption dans le secteur public et l’exécutif sont examinées par un organisme indépendant et la mesure dans laquelle le public est satisfait de la façon dont le gouvernement lutte contre la corruption. Cet indicateur indique un score de 50 sur 100 jusqu’à 2014, puis il a chuté à 37,5 en 2015.
Du point de vue des indicateurs de responsabilisation mis en évidence, on comprend leur importance pour promouvoir la bonne gouvernance dans n’importe quel pays. Le Rwanda est un cas particulier en ce qui concerne la responsabilité, compte tenu de la culture de l’impunité et du favoritisme qui a caractérisé l’administration précédente renversée par le régime actuel en 1994. Par conséquent, l’échec du gouvernement actuel du Rwanda à faire des progrès significatifs dans les indicateurs de responsabilité susmentionnés soulève des questions sur sa transparence concernant le budget du pays.

Transparence

En fait, Transparency (Open Budget Index) pour 2015 indique que le gouvernement du Rwanda fournit au public des informations minimales sur le budget. Lors de l’enquête en 2008, 2010 et 2012, le Rwanda a toujours été classé parmi les pays qui fournissent au public peu d’informations, sinon aucune sur le budget. Transparency (Open Budget Index) évalue si le gouvernement central met les documents budgétaires clés à la disposition du public en temps opportun et si les données contenues dans ces documents sont complètes et utiles.
Le rapport de l’Open Budget Survey 2015 que publie Transparency (Open Budget Index) a indiqué que le Rwanda est un exemple frappant d’un pays qui publie tous les documents budgétaires requis, mais le niveau de détail et la variété des informations contenues dans les documents sont limités (Pg 22). En conséquence, le score de transparence du Rwanda était de 36 sur 100, ce qui reste modérément inférieur au score moyen mondial de 45 et inférieur par rapport à celui de l’Ouganda (62), du Kenya (48) et de la Tanzanie (46). À la fin de 2016, le Rwanda n’avait rendu publics que cinq des huit documents budgétaires clés requises, ce qui implique une diminution nette par rapport aux résultats d’Open Budget Survey 2015.
Le budget d’un pays est important, car il est au cœur du développement. Son contenu aide le public à surveiller la façon dont le gouvernement gère les revenus et les dépenses du pays pour favoriser le développement social promis (comme ceux inclus dans Vision 2020) et mesurer les progrès du gouvernement. Par conséquent, le manque de transparence du gouvernement du Rwanda sur les questions budgétaires du pays est une préoccupation. Cela soulève des questions sur son efficacité pour déployer les ressources limitées du pays.

Efficacité dans le déploiement de ressources limitées

Le Rwanda a reçu des louanges des communautés donatrices de l’aide pour son efficacité dans la gestion des fonds d’aide. Le Forum économique mondial a classé le Rwanda 7e sur la liste des pays gouvernementaux les plus efficaces en 2015, grâce en grande partie au faible niveau de gaspillage des dépenses publiques. Toutefois, les éléments de preuve montrent que le gouvernement actuel au Rwanda a perdu, et continue de perdre, des fonds considérables au-delà des dépenses gouvernementales inutiles.
Ceci est documenté dans les rapports annuels publiés par l’Office de l’Auditeur Général du pays. Selon les rapports d’audit passés, le gouvernement rwandais a subi des pertes estimées à 215 millions de dollars américains entre 2002 et 2016 à travers des dépenses publiques irrégulières. Ceux-ci incluent des dépenses non étayées et partiellement soutenues, des dépenses inutiles et des avances illégales au personnel. Si d’autres pertes de fonds publics avaient été incluses, telles que celles provenant d’actifs non utilisés, des contrats retardés et abandonnés, des activités frauduleuses, des services ou des biens payés, mais non livrés, etc., les fonds publics perdus par le gouvernement en place au Rwanda seraient beaucoup plus élevés que le montant indiqué.
Pour le mettre dans une perspective globale, le montant perdu par des dépenses publiques irrégulières équivaut à un prêt de 204 millions de dollars US que le FMI a offert au Rwanda en juin de l’année dernière. Le prêt a été délivré pour permettre au pays de financer ses obligations internationales suite à sa diminution brutale de la réserve due à la baisse persistante des recettes des exportations.
En outre, le montant perdu dans les dépenses publiques irrégulières est en moyenne de 15 millions de dollars US de fonds publics perdus chaque année. Il s’agit incontestablement d’une énorme perte de revenus pour une petite économie, comme le Rwanda, qui aurait pu être utilisé plus efficacement pour faire face à certains des défis de développement auxquels le pays est confronté, tels que :

1) Lutter contre la dénutrition des enfants, que l’étude Cost of Hunger in Africa (COHA) sur le Rwanda a déclaré qu’elle a coûté 11,5 % du PIB du pays en 2012. (Pg12)

2) Relever les défis du changement climatique ainsi qu’éradiquer les insectes ravageurs et les épidémies qui touchent les cultures au Rwanda. La Banque mondiale a indiqué que ces pertes ont affecté la production agricole rwandaise pour une valeur de 1,2 milliard de dollars américains entre 1995 et 2012. (Pg37)

3) Créer un environnement commercial sain pour les petites entreprises informelles. Le développement de ce type de structure est une des recommandations de la Banque mondiale à l’État rwandais pour la création d’emplois et la réduction de la pauvreté en 2013. (Pg51)

4) Développer le secteur des biens commercialisables qui, selon la Banque mondiale, reste inchangé depuis la fin des années 1990. (Pg4)

5) Prévenir la famine continue qui a été dénommée « Nzaramba », qui frappe le Rwanda et qui aurait obligé 100 000 familles à fuir vers les pays voisins à partir de juillet 2016.

Dans ce contexte, la promesse de déployer efficacement des ressources limitées faites par le gouvernement rwandais aux citoyens n’a pas encore été honorée.
Les défaillances dans le reste des principales caractéristiques de la gouvernance promise au peuple rwandais seront couverts dans la deuxième et dernière partie de cet article. Les thèmes qui seront abordés sont : les structures et les processus démocratiques, l’état de droit, les droits de l’homme et le processus de décentralisation.
[Si vous voulez découvrir la deuxième partie, cliquez ici]
Écrit par Aimé Muligo Sindayigaya
traduit de l’anglais par Pacifique Habimana
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